« En devenant enseignant, on accepte de devenir apprenant à vie. Le développement professionnel pourrait même faire partie des réflexes à acquérir dès la formation initiale. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il est question de développer sa compétence numérique », estime Maxime Pelchat, stratège numérique au CADRE21.
Dans le cadre de la Semaine des enseignantes et enseignants, l’Association Edteq présentait le 11 février dernier une activité en ligne sur le développement des compétences numériques des enseignants. À cette occasion, Maxime Pelchat échangeait avec Pierre-Olivier Garand, doctorant en éducation et chargé de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
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D’entrée de jeu, les deux intervenants ont convenu qu’il existe encore certains défis lorsqu’il est question d’amener les enseignants à se former aux usages pédagogiques des technologies numériques. Bien qu’il existe des documents de référence comme le Plan d’action numérique en éducation, le Continuum de développement de la compétence numérique et le Référentiel de compétences professionnelles de la profession enseignante, des réticences demeurent bien présentes.
De même, les programmes universitaires conduisant à la pratique enseignante sont encore très inégaux quant à l’intégration des technologies dans leur parcours de formation, et ceci est sans compter que l’utilisation du numérique ne fait pas nécessairement partie des critères d’évaluation des stages des futurs enseignants.
« On observe un amalgame de craintes, et elles sont toutes légitimes », convient Pierre-Olivier Garand. Dans son cours d’introduction pédagogique des technologies, il se donne comme objectif d’amener ses étudiants à nuancer l’utilisation du numérique en éducation.
D’abord, ce qu’on appelle « le numérique en éducation » peut prendre plusieurs formes : les outils administratifs ou pédagogiques et ceux que les enseignants utilisent de façon personnelle, les technologies en classe, celles qui sont utilisées pour enseigner à distance, etc. Par exemple, même si une personne se décrit comme peu à l’aise avec les technologies, elle n’aura pas le choix d’utiliser celles qui sont imposées par son employeur. « Il suffit de penser aux plateformes pour consigner les notes des élèves en vue de la production des bulletins. Le système est ainsi fait, ce n’est pas une question personnelle. »
Ensuite, « pour un enseignant, le but est de donner son cours de la meilleure façon possible pour engager ses élèves. Il doit se demander si la technologie peut être un bon outil pour y arriver. » Puisque le temps d’écran est déjà relativement élevé chez les jeunes (médias sociaux, jeux vidéos, etc.), le réflexe est parfois de se dire que c’est déjà trop et qu’il vaut mieux privilégier le papier et le crayon. « Par contre, on ne peut pas faire comme si le numérique n’existait pas et sortir les écrans de la classe. Au contraire, l’enseignant a un rôle de guide à jouer auprès de ses élèves. Ça devient alors une occasion de les accompagner dans leur utilisation. Bref, il faut développer son esprit critique autour de l’utilisation des technologies. »
Et c’est ici que l’on revient au besoin de formation chez les enseignants. « La formation continue est un impératif et devrait s’ancrer dans les mentalités », soutient Maxime Pelchat. Il reconnaît que maintenir à jour sa compétence numérique peut représenter un défi de taille pour certains enseignants, alors que le temps manque pour accomplir plusieurs tâches. « En ce sens, le numérique devient aussi un outil pour faciliter le développement professionnel », fait-il valoir en mentionnant les communautés d’enseignants qui partagent des ressources en ligne sur les différents médias sociaux.
Un mot sur la recherche scientifique et le numérique en éducation
Les sciences de l’éducation ne sont pas des sciences exactes où l’on peut étudier des phénomènes en « double aveugle » (comme on le ferait avec la prise d’un médicament et de son placebo dans une recherche pharmaceutique). « Les études sont lourdement dépendantes des contextes et il ne sera pratiquement jamais possible de reproduire deux études semblables », dit Pierre-Olivier Garand.
Cela concerne aussi les études sur l’utilisation du numérique en classe. Plusieurs facteurs peuvent influencer les résultats (contexte socio-économique, compétence de départ des apprenants, etc.) et les études peuvent concerner l’utilisation d’un outil précis. Les généralisations ne sont alors pas possibles. Selon le doctorant, on obtient un portrait dans un contexte donné. On peut s’en inspirer pour aller plus loin, mais il ne s’agit pas de conclusions à prendre au pied de la lettre.
« Puisqu’il y a du flou autour de l’intégration du numérique en classe, faudrait-il attendre avant de l’utiliser? Je ne crois pas », conclut-il.