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Jour 8 de l’Expédition Québec – Finlande : le décrochage des enseignants

Jour 8 de l'expédition Québec-Finlande : Alors que nous sommes portés à croire que tout est rose en éducation finlandaise, une rencontre fortuite avec un enseignant prêt à se réorienter lève le voile sur une problématique qui nous est connue au Québec : le décrochage des enseignants.
Temps de lecture estimé : 7 minutes
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Table des matières

Notre collaborateur Marc-André Girard effectue une expédition pédagogique en Finlande et la documente ici!

Le décrochage des enseignants au début de leur carrière a toujours été un sujet qui m’intéresse. C’est un sujet chaud au Québec depuis longtemps et cela a fait couler beaucoup d’encre depuis au moins une vingtaine d’années.

En parallèle, nous percevons le système éducatif finlandais comme étant un système parfait et inspirant, alors je me suis empressé de questionner diverses directions à propos de ce phénomène : existe-t-il en Finlande? Dans les faits, 23 % des enseignants finlandais décrochent de la profession à un moment ou à un autre de leur carrière. Je n’avais pas prévu d’aborder directement ce sujet auprès des enseignants rencontrés, mais le sujet s’est imposé par lui-même. En effet, un enseignant qui m’a demandé de respecter l’anonymat a exprimé qu’il entreprenait des études parallèles au baccalauréat dans le but de s’ouvrir des portes pour un éventuel changement de carrière. J’ai été surpris d’entendre cela et je lui ai demandé de m’expliquer le fond de sa pensée et son plan de carrière.

Essentiellement, il est enseignant depuis sept années. Il a l’impression d’avoir fait le tour du jardin. Il décrit, à tort ou à raison, qu’il termine un cycle de sept années et que, avec cette impression, recommencer un nouveau cycle de sept années l’indispose quelque peu. Il ne se voit pas mener cinq cycles de sept années dans une carrière s’échelonnant sur 35 ans. Comme il le prétend, si pour plusieurs, les routines de l’enseignement se veulent réconfortantes, lui a plutôt besoin de stimulation et de défis. Il a besoin de défis que sa profession ne semble pas pouvoir lui procurer.

À six mois de la fin de son premier cycle, je le questionne : comment envisage-t-il son second cycle? Récemment, sa vie a changé. Il est papa et il veut prendre plus de temps pour lui et sa famille. Il est intéressant de noter que la conciliation travail et famille semble aussi être importante pour les enseignants finlandais. En rétrospective, il estime que ses premières années ont été dévouées à la préparation de ses cours, au montage de matériel didactique et au développement d’approches pédagogiques. Il continuera à bonifier tout cela, mais le gros étant fait, il souhaite se concentrer sur autre chose, car il s’estime à l’avant-garde des approches pédagogiques. Ce qu’il qualifie « d’âge de pierre » de certaines directions ou collègues enseignants et le désespère.

J’ai aussitôt recentré la discussion : est-ce vraiment un « âge de pierre » ou plutôt, sa perception d’un décalage entre ses pratiques et celles de ses collègues? Est-ce si pire que cela, ou est-ce sa vision de la problématique qui est trop micrométrique? D’un point de vue systémique, y aurait-il eu du progrès depuis quelques années? Peut-être a-t-il progressé plus rapidement que des collègues, c’est fort possible, mais est-ce que la fracture des pratiques enseignantes est si prononcée? À défaut d’avoir pu obtenir des réponses à ces questions, j’espère avoir pu semer des graines de réflexion!

Le décrochage enseignant : une tragédie professionnelle

À mon sens, le décrochage des enseignants est une tragédie professionnelle. Je me questionne sur ce qui peut être mis en place pour le diminuer, même si je me doute qu’il ne pourra jamais être nul. Cette problématique interpelle tous les acteurs de l’éducation.

Sur le plan local québécois, les directions et les enseignants sont préoccupés par le phénomène et des mesures sont mises en place dans plusieurs écoles. Sur le plan régional, les centres de services ont aussi mis en place des mesures davantage « universelles » sur leur territoire. Sur le plan national, les centrales syndicales et le ministère de l’Éducation se sont penchés sur la problématique, tout comme les facultés d’éducation améliorent la formation des maîtres une année après l’autre en ayant en tête l’existence du décalage entre la formation et la pratique. Au-delà de toutes ces mesures et sachant pertinemment que tous mettent l’épaule à la roue, si je me fie à ce que l’enseignant finlandais me dit, il y a d’autres pistes à explorer.

Évidemment, il se plaint du nombre d’élèves dans sa classe qui augmente sans cesse. Selon lui, 25 élèves, c’est un grand groupe et il peine à combler les besoins de chacun. Il enseigne au secondaire, alors, rictus en coin, je lui ai dit qu’il y avait bien plus d’élèves dans les classes québécoises ou canadiennes, mais pour lui, la chute de la Finlande dans les tests PISA est essentiellement attribuable à ce phénomène. Il y a aussi la paperasse qui pèse lourd sur les épaules des enseignants finlandais.

Pourquoi relever ces complaintes? Pour deux raisons : d’une part, on a beau idéaliser la Finlande, il n’en demeure pas moins que tout n’est pas toujours rose en éducation dans ce pays. Deuxièmement, la source de nos soucis vient souvent de notre propre vision. Il est rare que tout soit à notre goût dans notre profession, que ce soit au Québec, en France ou en Finlande et que ce soit en éducation ou dans un autre domaine. Il y aura toujours des irritants. Une lentille macrométrique permet de saisir la problématique dans son ensemble, dans son système, plutôt qu’en isolant les problèmes de ce qui les cause et de les décontextualiser, pour les interpréter en fonction de nos perceptions.

L’avancement dans la profession et la collaboration internationale pour nourrir la motivation

Aussi, il faut considérer les possibilités d’avancement pour les enseignants. La profession peut sembler sans issue pour plusieurs. Effectivement, ce ne sont pas tous les enseignants qui aspirent à devenir des conseillers pédagogiques ou des directions d’école. Que peuvent-ils faire d’autre? À quoi peuvent-ils rêver? À quoi aspirer? La France a mis en place un système intéressant d’avancement dans la profession. Peut-être peut-on s’en inspirer?

La collaboration entre les enseignants et entre les écoles agit aussi à titre de motivation. L’idée de collaborer avec ses propres collègues, mais aussi avec des collègues d’autres écoles au Québec, au Canada ou à l’international est certainement stimulante professionnellement et permet, du même coup, l’instauration d’une mentalité de croissance.

À titre d’exemple, pour l’école Ounasrinteen Koulu de Rovaniemi, la collaboration internationale est l’une des visées du projet éducatif, déterminée par la direction de concert avec les enseignants. En avril prochain, si la situation pandémique s’améliore, il est prévu qu’une quinzaine d’enseignants de l’école se rendent aux Émirats arabes unis pour une semaine d’échange professionnel et, qu’à leur tour, l’école accueille les ressortissants émiriens pour une autre semaine plus tard dans l’année.

Aller s’inspirer des pratiques des autres pour éclairer la nôtre, c’est non seulement inspirant, mais cela nous permet de trouver de nouvelles façons de se transformer et de transformer notre pratique et notre école. Les opportunités professionnelles permettent de repousser ses limites et d’élargir ses horizons. Et quand nous y parvenons, ce sont les horizons de nos élèves que nous pouvons élargir du même coup!

Pour suivre l’expédition :

Page Facebook : http://t.ly/kkgE
Twitter : https://twitter.com/magirard
YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCxHRXb4TqoPP_lyO0GNEh7g
TikTok : https://vm.tiktok.com/ZM8pPbFAk/

Il vous est aussi possible de contribuer au financement de l’Expédition (jusqu’au 22 décembre) : https://gofund.me/4cafa552

(NDLR : L’École branchée est heureuse d’être partenaire média de cette expédition! Notez que nous ne sommes toutefois pas associés à la campagne de financement.)

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