Caroline Todari, étudiante à la maîtrise en éducation à l’Université du Québec en Outaouais.
Dany Boulanger, PhD en éducation, chargé de cours à l’Université du Québec en Outaouais et à l’Université du Québec à Rimouski.
Les relations entre l’école et la famille ont beaucoup évolué à travers les crises de la société et, en particulier, du système d’éducation. Avant les années 1980, les enfants étaient davantage des intermédiaires entre l’école et les parents. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Depuis 2009, le gouvernement provincial reconnaît l’importance d’une collaboration étroite entre l’école, les parents et la communauté dans le but de promouvoir le développement optimal de l’enfant. En ce sens, certaines initiatives, comme le programme « Famille, école, communauté, réussir ensemble » ont permis de créer des communautés éducatives ralliant les différents acteurs autour de la réussite éducative de l’enfant, en particulier en milieu défavorisé.
Il faut tout un village pour élever un enfant
Bien que l’importance d’un travail de concertation entre les différents acteurs s’impliquant auprès de l’enfant soit reconnue, les grands-parents sont peu représentés dans le portrait dressé jusqu’à présent. Ceux-ci font pourtant bien partie des systèmes qui influencent directement l’enfant, soit la famille. Toutefois, précisons qu’il n’est pas indispensable d’être biologiquement lié à un enfant pour s’ouvrir à la génération actuelle. En ce sens, Kornhaber et Woodward soutiennent que l’on peut être les grands-parents de beaucoup d’enfants, à condition que la société institutionnalise ce rôle d’une quelconque manière. Aujourd’hui, ce processus de légitimation du rôle éducatif des aînés est en cours, considérant par exemple les activités des Maisons des Grands-Parents (MGP) au Québec. Dans cette optique, les grands-parents font aussi partie d’un autre système qui influence l’enfant, soit la communauté. Quelques initiatives mises en place permettent de dégager la fonction de générativité qui est attribuée aux grands-parents, soit de transmettre un bagage culturel aux enfants. Les grands-parents participant aux activités des MGP au Québec sont un bel exemple de cette fonction réalisée par des acteurs n’ayant pas de lien filial avec l’enfant. En ce sens, qu’ils aient ou pas un lien de sang avec l’enfant, les grands-parents occupent, de près, avec l’école et les parents, une fonction de socialisation de l’enfant, en contexte scolaire notamment.
La grand-parentalité en temps de pandémie
La sphère scolaire a dernièrement intégré la sphère familiale avec l’enseignement à distance. Au même moment, le télétravail des parents est aussi survenu, rendant le rôle des parents plus difficile dans le suivi scolaire de leur enfant. Comment assurer ces deux rôles à la fois? Dû aux restrictions de distance à maintenir, il n’est pas si simple d’impliquer les grands-parents. Une exploration des contenus d’échange sur des pages Facebook publiques liées à l’enseignement en temps de pandémie a permis de révéler ces enjeux.
Une seconde exploration du contenu concernant la grand-parentalité et la relation avec les aînés et des échanges sur trois pages Facebook publiques en éducation ont permis de faire ressortir un portrait général du sens donné à la grand-parentalité par les enseignants et autres intervenants scolaires.
D’une part, la fonction de gardiennage attribuée aux aînés témoigne de leur rôle comme agent de socialisation de l’enfant. Dans le contexte sociétal actuel, cette fonction est une ressource importante pour permettre aux parents de travailler à la maison. Alors, comment se voir à plus de deux mètres? Une grand-mère a partagé sa façon de faire : lire des histoires à ses petits-enfants sur Zoom, chaque soir. Le contact est essentiel, d’où la nécessité d’utiliser certaines ressources numériques, mais qu’en est-il de l’accessibilité de ces ressources en ce qui concerne les aînés?
À la charge de travail des enseignants, qui a augmenté, il y a l’ajout d’obligations concernant la conciliation des contacts intergénérationnels. Comment faciliter les ponts entre l’école et la famille alors que certains enseignants, qui sont aussi parents d’enfants fréquentant l’école, doivent s’impliquer davantage en ce qui concerne l’éducation de leurs propres enfants? Le rapprochement forcé de toutes les sphères de vie du parent/enseignant dans l’espace familial rend essentiel la recherche de façons innovatrices de concilier le tout. Alors qu’il est impossible de garder une distance de plus de deux mètres entre toutes ces sphères de vie (le travail, la famille et l’école), les rôles se reconfigurent quant à la façon dont se réorganise la charge de travail.
Conclusion
En définitive, la manière dont s’articule la collaboration entre l’école, la famille et la communauté a beaucoup évolué dans les dernières années. On ne peut ignorer le rôle du grand-parent dans la socialisation de l’enfant, surtout en contexte scolaire. Avec la distanciation, difficile de trouver une zone intermédiaire, un juste milieu… éthiquement juste pour tout le monde.
Références
Kornhaber, A. et Woodward, K. (1981). Grands-parents petits-enfants, le lien vital. Paris : Éditions Robert Laffont.