Certes, remplir une boîte blanche de mots semble facile en soi. Cet espace a-t-il sa place en salle de classe? Certes, il faut un peu de créativité pour le transformer en véritable espace pédagogique.
Jean-Yves Fréchette est un enseignant retraité du niveau collégial. Les approches pédagogiques qu’il a pratiquées dans ses cours de communication et de poésie ont mené ses élèves à travailler en collaboration sur des supports aussi variés que des sites Web (et ce bien avant leur temps), une bande de papier longue de 160 km et même un champ agricole.
Il a tout de suite vu le potentiel pédagogique de la fameuse boîte de 140 caractères. « Le haïku, le proverbe, la maxime, la devise, le télégramme et l’équation mathématique existent depuis longtemps. La forme fixe de Twitter redonne à l’expression ses balises structurales incontournables. Quand on utilise cette concentration de sens en pédagogie, sous forme de jeu ou de défi, ça devient extrêmement intéressant ».
Pédagogue passionné, il a cofondé l’Institut de twittérature comparée, un organisme sans but lucratif dont la mission est de faire connaître la twittérature, ce tout nouveau courant littéraire né avec la création de Twitter. « Beaucoup de personnes disaient qu’on allait réduire l’intelligence de nos élèves et rapetisser leurs neurones, explique-t-il. La twittérature existe, cessez d’en rire. C’est petit et modeste, mais il y a tout un corpus de stylistiques, de praticiens et de productions audacieuses. »
On perçoit le même son de cloche au Service national du RÉCIT du domaine des langues. « Le phénomène est émergent, précise André Roux. Mais nous commençons à recevoir des demandes pour la nanolittérature ». Les enseignants qui assistent aux ateliers donnés par M. Roux et sa collègue Sandra Laine explorent en effet l’univers de ces écrits très brefs et des applications qui permettent de les rédiger et de les consigner.
Calibrer les contraintes selon le niveau d’apprentissage apparaît aussi important pour une intégration réussie de la twittérature en classe. Si rédiger un texte sans « e » est un défi qui s’apprête davantage aux élèves du collégial, produire des phrases avec des « l », comme celui mené par Nathalie Couzon, semble davantage porteur au secondaire. « La contrainte de base avec Twitter, ce sont les 140 caractères, explique André Roux. Les plus courageux vont ajouter des contraintes supplémentaires, des contraintes inhérentes au texte ».
L’expression « collaboration » prédomine dans les propos de Jean-Yves Fréchette et d’André Roux. « C’est intéressant de voir que les nouvelles technologies ne s’opposent pas aux anciens processus, mais les complètent, explique M. Fréchette. En mettant les élèves en réseau, ça permet le partage ». « Pour moi, quand on parle de twittérature, on parle d’un effort collaboratif et de cohérence, renchérit M. Roux. Les activités individuelles datent de Mathusalem. Je privilégierais un mode collaboratif parce qu’elles sont permises par le Web et sont appréciées des élèves ».