Des acteurs du milieu de l’éducation (primaire, secondaire, collégial, Premières Nations) ont jeté un regard sur le système scolaire actuel au cours d’un panel de discussion organisé dans le cadre de l’événement L’audace des possibles – Une journée pour un Québec apprenant. Nous avons assisté à l’échange.
C’est l’équipe de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) qui avait initié la journée qui s’est déroulée le 15 juin 2022 à la Grande Bibliothèque. Elle a réuni des acteurs de milieux diversifiés, documentaire, éducatif, culturel, économique, communautaire et politique, et son objectif était d’amorcer une réflexion collective sur une première définition commune d’un Québec apprenant.
Nous avons plus particulièrement assisté à une discussion entre Alexandre Bacon, conteur et cofondateur du Cercle Kisis, Jacques César, enseignant de science et technologie au secondaire, Marie-Ève Lévesque, enseignante au primaire et animatrice de La classe en ligne avec Madame Marie-Ève, et Éric St-Jean, directeur des études au Cégep de Saint-Laurent.
Ils ont parlé de la curiosité et du désir d’apprendre qui devraient être transmis à l’école, du développement de l’esprit critique, des compétences informationnelles. Ils se sont questionnés à savoir si l’école rendait vraiment les jeunes autonomes et quelles sont les clés de la réussite.
Tous les quatre ont soutenu que les acteurs du milieu de l’éducation font face à des enjeux importants en cette ère du numérique. Ils se sont dits mal outillés dans certaines situations pour réagir de façon adéquate et constructive avec les jeunes. Alors que les compétences transversales (ex. exercer son jugement critique, exploiter les technologies, exploiter l’information) semblent traitées de manière aléatoire par les enseignants, elles sont plus importantes que jamais, selon eux.
En compétition avec Internet
Puisque les réseaux sociaux et le Web occupent une place centrale dans la vie des jeunes, l’école devrait pouvoir « faire mieux qu’Internet ». Pour Jacques César, l’école est encore vue comme un lieu privilégié de transmission des savoirs, alors qu’elle pourrait devenir le lieu de transmission du rapport aux savoirs. « Les savoirs ne sont pas transmis, ils sont construits. L’école doit réussir la mise en relation des élèves avec les savoirs, faire des projets, des situations de dialogue. Autrement, ils ont Internet pour trouver des réponses à leurs questions », dit l’enseignant.
De son côté, Marie-Ève Lévesque croit que le rapport à l’apprentissage a été modifié avec la « sur stimulation » que les jeunes connaissent aujourd’hui. « Nous devons leur faire vivre des expériences. »
Développer sa pensée critique
Dans le contexte numérique d’aujourd’hui, le développement de la pensée critique chez les jeunes devient nécessaire. « Les chambres d’écho sont très puissantes chez les jeunes du secondaire », reconnaît Jacques César. Néanmoins, il admet se sentir mal outillés pour tenir des discussions avec ses élèves sur le sujet. « Dans la vie de l’école d’aujourd’hui, il y a toujours des discussions qui se déroulent en parallèle dans les réseaux sociaux : l’école a de la difficulté à faire face à ce genre de situations. Tout ceci présente des opportunités d’apprentissage pour les jeunes, mais les enseignants se sentent souvent démunis. »
L’enseignement de la pensée critique se fait de façon aléatoire, fait remarquer Marie-Ève Lévesque. « C’est aléatoire selon l’enseignant qui est devant la classe. C’est écrit dans le programme, mais ce n’est pas assez. »
La rigidité scolaire
À quelques reprises au cours de la discussion, les panélistes ont fait remarquer que le « cadre scolaire » ne permet pas nécessairement de tenir compte des réalités d’aujourd’hui.
« Est-ce qu’on permet aux jeunes de s’ouvrir à toutes sortes de possibilités, de se confronter à ce qu’ils aiment et n’aiment pas? La rigidité des parcours scolaires ne permet pas cela. Dans le futur, nous aurons besoin de plus de flexibilité », fait valoir Éric St-Jean. Selon Alexandre Bacon, l’école devrait être un lieu de découvertes, qui offre un cadre aux jeunes, mais leur permet à la fois de développer leur autonomie. « On manque la cible avec beaucoup trop de jeunes encore aujourd’hui », dit-il.
« On est en mode urgence lorsqu’on enseigne. On ne se donne pas le temps d’aborder certains sujets », reconnaît Éric St-Jean. « On a la pression de transmettre des savoirs, pour que les élèves aient un résultat à la fin de l’année, la fameuse note », a renchéri Jacques César. Il a d’ailleurs mis un terme aux examens dans ses cours. Il observe ses élèves, garde des traces de leurs apprentissages et voit s’ils maîtrisent la matière ou non. Le niveau d’anxiété a diminué chez ses élèves depuis. La réflexion sur l’évaluation autrement se poursuit avec ses collègues.
L’humain avant tout
S’il est un autre point sur lequel les panélistes se sont montrés d’accord, c’est bien que la relation humaine doit primer dans le contexte scolaire. Et celle-ci doit inclure une collaboration forte entre l’école et la famille. « C’est une grosse clé vers la réussite », soutient Marie-Ève Lévesque. Au terme de la journée, qui a abordé les thèmes Apprendre tôt, Apprendre à apprendre et Apprendre toute la vie, les organisateurs de BAnQ se sont dit satisfaits. Ils ont fait savoir qu’ils solliciteront « des gens de tous les milieux afin de voir comment collaborer et jeter les bases d’un plan d’action, pour faire vivre cet événement au-delà de la journée d’hier ». C’est donc une histoire à suivre.