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Plaidoyer pour une formation continue en éducation

La formation continue constitue un tremplin pour nos aspirations personnelles et professionnelles, mais aussi pour celles des gens qui nous entourent et l’institution que nous représentons.

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Il n’est pas rare qu’on me demande pourquoi je m’implique autant dans des activités de formation continue. Dans le fond, à quoi ça me sert vraiment? Mon salaire ne grimpe pas en fonction des diplômes que j’affiche au mur. En plus, je m’ajoute une charge de travail en me lançant dans une entreprise aussi chronophage et énergivore. Après tout, je suis déjà qualifié aux yeux de la loi pour exercer ma profession.

Une démarche personnelle

Disons qu’il y a des raisons personnelles et des raisons professionnelles, et que parfois les deux s’entremêlent. Au plan personnel, je pense avoir un devoir important en tant que parent envers mes filles : quel message leur envoie-je lorsque je prétends que l’école est importante et qu’elles seront des apprenantes à vie? Puis-je vraiment me faire l’apôtre de l’apprenant à vie et de l’éducation postsecondaire, alors que j’ai terminé mes études au baccalauréat il y a presque 20 ans? Après tout ce temps en éducation, dont quatorze en direction, je comprends que la complexité des situations auxquelles je suis soumis quotidiennement dépasse les compétences que j’ai développées au début de ma carrière.

L’école, un passage obligé à endurer?

J’estime que j’ai un devoir de cohérence entre qui je suis, ce que je fais et ce que je dis. Nous demandons aux élèves de faire des sacrifices dans leur cheminement scolaire et nous le faisons souvent sur un ton paternaliste; le fameux « je suis passé par là, moi aussi » nous fait souvent croire que l’école est un passage obligé à endurer. Je peux comprendre qu’il soit naturel de reproduire les pratiques scolaires dont nous avons été témoins il y a quelques décennies. Pourtant, ne devrions-nous pas nous demander si tout est pareil aujourd’hui qu’il y a quelques décennies?

Et de ça, deux sous-questions s’imposent : comment faisons-nous pour actualiser nos pratiques en fonction des besoins de nos jeunes et quels efforts faisons-nous pour comprendre leur réalité scolaire et sociale sans nécessairement recourir à nos propres conceptions « du bon vieux temps »?

Avoir les bottines qui suivent les babines

Je suis un intervenant scolaire, je crois en l’importance de la formation des jeunes en tant que levier d’amélioration sociale et passage culturel. Je fais la promotion de l’apprentissage à vie. Je dois pratiquer ce que je prêche et démontrer, par mes actions, que ce qui est vrai pour nos jeunes est vrai pour ceux qui les accompagnent. C’est une question de cohérence qui m’est chère, qui touche de près à mes valeurs et qui guide ma vie professionnelle.

Le développement personnel sert de fer de lance du développement professionnel. J’ai remarqué que ce que j’apprends a non seulement une incidence sur la qualité de mon travail, mais aussi, sur la personne que je deviens. En fait, je ne « suis » jamais; je « deviens ». J’évolue, je m’améliore et je me bonifie. C’est vrai en tant que personne, mais c’est aussi vrai en tant que professionnel. J’ai une volonté implacable de devenir un meilleur directeur d’école et, dans ce processus, je tente de faire la même chose avec ceux qui m’entourent. C’est ainsi que j’ai un impact dans mon milieu, avec les autres. Seul, on va peut-être plus vite, mais en éducation, aller plus vite que les préconceptions des élèves, des parents, des enseignants et des membres de la direction, c’est une utopie!

Une démarche professionnelle

Au plan strictement professionnel, j’éprouve un besoin de prendre du recul sur mes propres pratiques. Réponds-je aux besoins spécifiques de ceux que j’encadre? En éducation, que l’on soit à la direction ou que l’on œuvre en enseignement, on ne se pose pas assez de questions dans le cours de notre pratique professionnelle. Nous sommes complètement submergés par l’urgence du quotidien. La formation continue, c’est la pratique réflexive dans l’action pour l’action. C’est éviter d’être en réaction pour s’inscrire dans la proaction et aussi dans le développement des réflexes aiguisés, façonnés par la formation. C’est « peser sur pause » pour se soustraire à l’urgence que je m’impose, que les autres m’imposent et que j’alimente. Je nourris cette urgence qui m’empêche de prendre le temps. Je peux inverser la tendance et exercer un certain contrôle sur ce que je pense qui m’échappe : le temps.

De plus, lors de mes activités de formation continue, je rencontre une pléthore de personnes passionnantes qui ont des cheminements professionnels et des personnalités différentes de la mienne. Ils contribuent énormément à ce que je deviens et je me sens valorisé lorsque je peux contribuer à leur démarche. Donc, la formation continue, ce n’est pas que les contenus que l’on apprend, mais aussi, c’est ceux qu’on côtoie et avec qui il y a un partage d’expertise.

L’expérience, ça ne s’achète pas, mais ce n’est pas gage de réussite non plus!

Ce que j’apprends à l’université n’a pas de sens si je ne peux le transférer rapidement dans ma pratique, et ce, en sachant pertinemment que ces savoirs ne sont pas généralisables. J’apprends à mieux répondre à une situation professionnelle unique et réelle et j’en apprécie la complexité. Je suis à l’aise de ne pas avoir de recette pour aborder chaque problématique à laquelle je suis confronté. Je développe les bons réflexes dans l’action et lorsque ce n’est pas le cas, je sais que j’ai un filet de sûreté formé par ceux avec qui j’évolue dans ma démarche de formation continue. Par ailleurs, en langage sportif, on dit que « l’expérience, ça ne s’achète pas ». En éducation, c’est la même chose : l’expérience ou l’ancienneté n’est pas gage de réussite et c’est en ce sens que le combo « expérience – formation continue » devient incontournable.

Les bénéfices ne sont pas que pour moi. Ils sont pour ceux qui m’entourent aussi. Par exemple, j’interviens mieux auprès de mes collègues et je suis de meilleur conseil aussi. Idem pour les élèves et leurs parents. Je deviens chaque jour plus crédible puisque je suis de plus en plus solide dans la gestion des problématiques qui me sont soumises. La formation continue m’amène une aisance et, de facto, une confiance en mes moyens professionnels.

Le dur retour à la réalité

J’ai appris à accepter que, lorsque je reprends le cours de mes activités professionnelles régulières après une session de formation, je serai submergé de courriels, d’appels à retourner et de personnes qui voudront me voir. Malgré tout, ce moment de pause aura été nécessaire pour moi, mais aussi pour ceux qui attendent un retour de ma part.

Malgré tout, j’estime que lorsque nous poursuivons notre formation, particulièrement au deuxième ou troisième cycle universitaire, nous avons la responsabilité de faire l’effort de partager ce que nous apprenons et d’en diffuser les effets auprès de notre communauté professionnelle.

En somme, je crois fermement que la formation continue constitue un véritable tremplin pour nos aspirations personnelles et professionnelles, mais aussi pour celles des gens qui nous entourent et l’institution que nous représentons.

À propos de l'auteur

Marc-André Girard
Marc-André Girard
Marc-André Girard est détenteur d’un baccalauréat en enseignement des sciences humaines (1999), d’une maitrise en didactique de l’histoire (2003), d’une maitrise en gestion de l’éducation (2013) et d’un doctorat en éducation (2022). Il s’est spécialisé en gestion du changement en milieu scolaire ainsi qu’en leadership pédagogique. Il s’intéresse également aux compétences du 21e siècle à développer en éducation. Il occupe un poste de direction dans une école publique et donne des conférences sur le leadership en éducation, les approches pédagonumériques, le changement en milieu scolaire ainsi que sur la professionnalisation de l’enseignement. Il a participé à des expéditions pédagogiques en France, en Finlande, en Suède, au Danemark et au Maroc. En septembre 2014, il a publié le livre « Le changement en milieu scolaire québécois » aux Éditions Reynald Goulet et, en 2019, il a publié une trilogie portant sur l'école du 21e siècle chez le même éditeur. Il collabore fréquemment à L’École branchée sur les questions relatives à l’éducation. Il est très impliqué dans tout ce qui entoure le développement professionnel des enseignants et des directions d'école ainsi que l’intégration des TIC à l’éducation. En mars 2016, il a reçu un prix CHAPO de l’AQUOPS pour l’ensemble de son implication. Il est récipiendaire de la bourse Régent-Fortin 2022 octroyée par l’ADERAE pour la contribution importante de ses études doctorales au développement de la pratique et des savoirs en administration de l’éducation.

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