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Jour 6 de l’Expédition Québec – Finlande : les huit saisons samies

Une petite école laponne neuve, moitié finlandaise, moitié samie. Récit d'une aventure scolaire hors du commun, sur le 70e degré de latitude nord, à 450 km du Cercle polaire arctique.

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Notre collaborateur Marc-André Girard effectue une expédition pédagogique en Finlande et la documente ici!

Nous arrivons à l’école Utsjokisuun koulu. Il fait nuit comme il fait nuit depuis presque trois semaines et comme il fera nuit encore plus d’un mois. En effet, c’est la nuit polaire, le “kaamos” et le soleil reste couché environ deux mois complets. Nous sommes à Utsjoki, la municipalité la plus septentrionale de Finlande, en pleine Laponie. Un fleuve sépare la Finlande de la Norvège et nous sommes à une cinquantaine de kilomètres du nord-est de la Russie. C’est le 70e degré de latitude nord et nous sommes à 450 km au nord du Cercle polaire arctique, à peine à 60 km de la mer de Barents.

Utsjoki, c’est à la fois petit et grandiose : une petite bourgade en soi, mais le chef-lieu administratif d’un comté d’environ 1400 habitants répartis sur plus de 5000 km2. Pour donner une idée, Utsjoki, c’est près de treize fois l’île de Montréal pour 1400 fois moins d’habitants.

Ce matin-là, nous arrivons à l’école vers 8h15. Il fait doux : -3°C, ce qui est beaucoup mieux que le -30°C de la semaine dernière. Parait-il que nous sommes arrivés au bon moment! C’est l’hiver, une des huit saisons samies. Pour ce peuple autochtone du nord de l’Europe, il existe bel et bien huit saisons : les quatre que nous connaissons et la transition vers la saison prochaine. Les Samis, vivant très près de la nature, ils observent des changements, quand, par exemple, l’hiver n’est pas terminé, mais que les bourgeons poussent déjà. À ce moment où le printemps et l’hiver s’entremêlent pour céder, lentement, le pas à une saison plus chaude. C’est la même chose entre le printemps et l’été, l’été et l’automne et, finalement, l’automne et l’hiver.

Les jeunes arrivent à l’école à vélo, car les pistes cyclables sont déneigées, ou à pied, chacun trainant son gros sac d’école lourd, destin inéluctable de chaque élève, qu’il soit Finlandais ou Québécois.

Nous sommes accueillis par l’enseignant de musique, Perttu Hiltunen, probablement l’un des spécialistes de musique des plus septentrionaux au monde! Nous rencontrons ensuite Pasi Oikarinen, directeur de la petite école de 100 élèves répartis de la maternelle à la 12e année. L’école est neuve, car des vices d’isolation du toit ont causé des problèmes de qualité de l’air et l’ancien bâtiment a dû fermer rapidement pour être reconstruit au flanc d’un fjeld, une petite colline creusée par le passage d’un glacier et érodée indéfiniment par les éléments. Évidemment, les élèves ont flairé la bonne affaire et ils ont aménagé une glissade de course dans un espace dégarni de la colline. Ils prennent certainement un bon 10 minutes de montée pour une descente rapide qui mène jusqu’à une grande patinoire extérieure, bien entretenue par la ville.

Aujourd’hui, c’est la Santa Lucia (ou Sainte-Lucie), une fête chrétienne qui marque le début des Fêtes de Noël où la lumière est à l’honneur, en ce temps de pénombre éternelle. Selon le calendrier chrétien de l’époque, il semblerait que le 13 décembre soit la journée qui marque le moment où le soleil recommence à se coucher plus tard que la veille. C’est purement traditionnel, car, ici, le Soleil ne se couche ni se lève plus tôt ou plus tard que la veille. La musique débute, un chant suit et une jeune blonde arrive sur la scène avec un cortège de chanteurs. La jeune fille a une couronne de chandelles, symbole de la fête de la lumière dans les pays du nord de l’Europe. Sonnant comme une incantation, la chanson durera une dizaine de minutes et la cérémonie se terminera ainsi, après une procession de Santa Lucia dans la grande salle. La journée d’école peut enfin commencer.

L’école ressemble à une grande maison avec des dizaines de petites pièces qui font office de classes. Les classes sont petites, à peine 40m2, car il y a bien peu d’élèves dans ces classes. En maternelle, deux petites s’amusaient ensemble pendant qu’une autre faisait des bonshommes en pain d’épices dans la pièce adjacente. Dans les autres classes, ils étaient moins d’une dizaine d’élèves. En 12e année, une classe n’était fréquentée que par un seul élève qui passe l’année complète en privé avec son enseignant. Comme le disait le directeur en riant, “les cours ont lieu tant qu’il n’y a pas moins d’un élève. Sinon, ça ne vaut pas la peine”! Cette maison d’éducation, c’est aussi celle des Finlandais comme celle des Samis, un peuple autochtone qui habite la Laponie depuis au moins 10 000 ans avant notre ère. À l’école, la moitié des élèves sont samis. Le cursus finlandais leur est enseigné dans leur langue maternelle qui est la troisième langue officielle de la Finlande. Des jeunes finlandais choisissent aussi d’apprendre la langue samie comme langue tierce, après l’anglais ou le suédois. Une épreuve ministérielle de maîtrise de la langue samie existe pour les finissants et, d’ailleurs, lors de notre passage, deux élèves s’y préparaient. Le drapeau sami y est omniprésent et des photos de la vastitude de la nature lapone sont affichés partout aux murs. Difficile d’oublier que nous sommes en Laponie, terre samie!

Vu l’immensité du territoire, les élèves viennent d’un peu partout. Certains peuvent prendre l’autobus, mais les plus vieux, âgés entre 16 et 19 ans peuvent, s’ils le souhaitent et s’ils viennent de loin, habiter en résidence de l’autre côté de la rue. C’est le début de la grande vie pour eux et c’est une pratique pour ceux qui aspirent à poursuivre leurs études à l’université. La plus proche est celle de Laponie, à Rovaniemi. Il y a toutefois un projet d’Université samie au nord de la Norvège, laquelle se spécialiserait dans des études en lien avec les intérêts et traditions samies : tourisme, gestion, foresterie, éducation, etc. Éventuellement, si ce projet vient à terme, cela facilitera le parcours universitaire de bon nombre d’élèves.

Dans cette grande maison, toutes les classes communiquent avec une autre classe et elles sont dotées de grandes fenêtres. Du mobilier flexible meuble les classes pour permettre une variation des approches pédagogiques et donner à l’élève le choix de sa posture de travail. D’ailleurs, les locaux débouchent aussi sur de petites aires communes où les élèves peuvent se rassembler. Dans l’école, une petite maisonnée est sise à même la grande salle qui sert aussi de cafétéria. Les élèves en quête de tranquillité peuvent l’utiliser. Les murs sont isolés, mais les deux portes sont vitrées.

Les enseignants ont plusieurs matières à l’horaire et ils enseignent des groupes multiniveaux, comme c’est le cas pour toutes les écoles dans les communautés éloignées peu importe où elles se trouvent dans le monde. Ils font preuve à la fois de flexibilité et de créativité. Ils peuvent aussi compter sur le soutien de quelques aides-enseignants, notamment quelques-uns d’origine samie.

Malgré que nous soyons loin des autres écoles que nous avons visitées, la culture finlandaise en éducation est bien présente : bienveillance, chaleur, collaboration et entraide, alors que l’ambiance est familiale et que tous se promènent en “pied de bas”. L’entraide, nous l’avons vécue. Après trois heures de visite matinale, nous avons amorcé notre voyage de retour vers le sud. Malheureusement, la sortie de l’école était déneigée trop largement et les roues de droite du véhicule se sont enlisées dans un fossé. En un clin d’oeil, une dizaine d’élèves sont venus pousser pour nous sortir de notre position précaire. Bien que la voiture ait bougé, c’est le déneigeur avec son tracteur qui nous a sortis de cette fâcheuse situation. Parait-il que nous ne sommes pas les premiers et que nous ne serons pas les derniers à nous faire prendre. Tous riaient de nous de bon coeur et nous avons pu prendre la route vers la poursuite de nos aventures pédagogiques.

C’est assez singulier de conduire une voiture dans le noir, en plein jour. Devant, les phares éclairent la route et nous permettent de rester dessus, même si parfois la travée traverse un lac et que c’est le néant à gauche, à droite et derrière. Le rétroviseur ne nous renvoie aucune image. C’est probablement le néant devant aussi, mais les phares, constamment “sur les hautes” nous révèlent la végétation qui est rabougrie et enneigée, alors que nous tentons d’éviter la vingtaine de rennes qui traversent la route glacée ou qui l’empruntent eux aussi pour aller ailleurs. C’est ça la Laponie!

Pour suivre l’expédition :

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Il vous est aussi possible de contribuer au financement de l’Expédition (jusqu’au 22 décembre) : https://gofund.me/4cafa552

(NDLR : L’École branchée est heureuse d’être partenaire média de cette expédition! Notez que nous ne sommes toutefois pas associés à la campagne de financement.)

À propos de l'auteur

Marc-André Girard
Marc-André Girard
Marc-André Girard est détenteur d’un baccalauréat en enseignement des sciences humaines (1999), d’une maitrise en didactique de l’histoire (2003), d’une maitrise en gestion de l’éducation (2013) et d’un doctorat en éducation (2022). Il s’est spécialisé en gestion du changement en milieu scolaire ainsi qu’en leadership pédagogique. Il s’intéresse également aux compétences du 21e siècle à développer en éducation. Il occupe un poste de direction dans une école publique et donne des conférences sur le leadership en éducation, les approches pédagonumériques, le changement en milieu scolaire ainsi que sur la professionnalisation de l’enseignement. Il a participé à des expéditions pédagogiques en France, en Finlande, en Suède, au Danemark et au Maroc. En septembre 2014, il a publié le livre « Le changement en milieu scolaire québécois » aux Éditions Reynald Goulet et, en 2019, il a publié une trilogie portant sur l'école du 21e siècle chez le même éditeur. Il collabore fréquemment à L’École branchée sur les questions relatives à l’éducation. Il est très impliqué dans tout ce qui entoure le développement professionnel des enseignants et des directions d'école ainsi que l’intégration des TIC à l’éducation. En mars 2016, il a reçu un prix CHAPO de l’AQUOPS pour l’ensemble de son implication. Il est récipiendaire de la bourse Régent-Fortin 2022 octroyée par l’ADERAE pour la contribution importante de ses études doctorales au développement de la pratique et des savoirs en administration de l’éducation.

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