Monde – Les appareils de lecture numérique inondent le marché. Les utilisateurs commencent donc de plus en plus à ressentir les restrictions imposées par les droits d’auteur et par la gestion des droits numériques. Ces restrictions pourraient même retarder l’utilisation des livres numériques dans le monde de l’éducation.
Voici un exemple pour illustrer la présente situation. Si vous décidez d’acheter un lecteur numérique Kindle (commercialisé par Amazon), vos livres, pour être compatibles avec votre appareil, devront être achetés sur Amazon.com.
Il se peut que, par hasard, vous décidiez que finalement vous aimeriez avoir un Nook (lecteur numérique commercialisé par Barnes & Noble).
Pourrez-vous transférer vos livres numériques provenant d’Amazon vers votre nouveau Nook? Pourrez-vous prêter à vos amis les livres que vous aviez téléchargés sur votre ordinateur? La réponse à ces questions est : non.
« Posséder des livres sur un lecteur et ne pas y avoir accès si l’on change de lecteur pose problème. C’est d’ailleurs un problème majeur sur le marché présentement », a expliqué Jay Diskey, directeur général de la division école de l’Association of American Publishers (AAP).
Comparer ce que l’on peut ou ne peut pas faire avec certains lecteurs peut être décourageant. Pourtant, les règles sont simples : Si vous en achetez un autre lecteur que le iPad d’Apple, vous vous fermez des portes, du moins pour le moment.
Les utilisateurs de Kindle doivent acheter leurs livres numériques sur le site d’Amazon, ceux du Nook sur Barnes & Noble et ceux du Sony Reader sur la librairie numérique de Sony. Dans tous les cas, une fois que vous avez acheté un livre numérique dans une de ces trois librairies, vous ne pouvez pas le lire sur un lecteur compétiteur.
Les utilisateurs du iPad ont cependant accès aux livres de Kindle en téléchargeant l’application que Amazon a créée pour lire ses livres sur les iPhones et iPod touch. Évidemment, les livres achetés sur la librairie numérique d’Apple ne sont pas compatibles avec les Kindle, Nook et Sony Reader.
Selon un récent billet publié sur le blogue officiel de Barnes & Noble par Paul Hochman, responsable des contenus et des médias sociaux, la compagnie serait en train de développer une application pour le iPad.
Gestion des droits numériques
Selon Anne-Marie Deitering, enseignante à l’Université de l’État de l’Oregon, la gestion des droits numériques (DRM) est un problème majeur sur le marché du livre numérique. « Il est impensable de fournir ce genre de contenu sans lutter contre les problèmes de DRM », explique-t-elle.
Un projet pilote a commencé l’été dernier à cette université. L’institution a acheté six Kindle. À la suite de la popularité des Kindle, et aussi parce que les étudiants voulaient tous les essayer, l’Université a décidé que le Kindle allait être l’appareil idéal pour le projet. À la suite de l’achat des six Kindle, la librairie a immédiatement eu 60 demandes d’utilisation. L’Université possède maintenant 12 Kindle, qu’elle prête aux étudiants, qui contiennent plus d’une centaine de livres numériques.
L’utilisation des lecteurs numérique pose problème dans le monde de l’éducation parce que les éditeurs sont réticents à rendre leurs manuels scolaires disponibles sur une plate-forme numérique, selon Mme Deitering.
« Une des raisons d’être du projet pilote était de comprendre les façons de gérer ce contenu étant donné les restrictions de la politique d’Amazon concernant les DRM », soutient-elle. Elle a ajouté que « l’Université ne voulait pas s’en tenir à seulement un lecteur dans le but d’accommoder les étudiants qui avaient déjà, ou qui prévoyaient acheter, un autre lecteur numérique. L’objectif était d’avoir une librairie contenant divers formats de livres numériques ».
Pace University a été l’une des nombreuses écoles qui ont essayé le Kindle DX l’automne dernier. « L’impression générale des étudiants est que les DRM sont un facteur contraignant. C’est l’une des raisons qui fait en sorte qu’ils n’achèteraient pas un Kindle (maintenant que l’essai est terminé) », a avoué James Stenerson, enseignant en communication à Pace University.
Cushing Academy, un pensionnat privé à Ashburnham au Massachusetts, a fait la manchette l’an passé quand plusieurs des livres de sa bibliothèque ont été remplacés par des versions électroniques. L’école a acheté, pour les élèves, 68 Kindle, 8 Sony Reader et 101 iRiver Story. Les deux derniers sont en mesure de lire le format ePub (format ouvert standardisé pour les livres électroniques). Toutefois, ce n’est pas le cas pour le Kindle.
Thomas Corbett, directeur général de la bibliothèque Fisher-Watkins, estime que les limites imposées par la gestion des droits numériques sont « un risque inhérent à notre approche ». « Nous devons parfois acheter le même contenu deux fois, une première fois pour remplacer le livre par une version électronique et une seconde fois pour qu’il puisse être utilisé par un de nos “non-utilisateurs de Kindle”», fait-il remarquer. Il ajoute que l’école essaye cependant de «minimiser ce double achat en incitant les jeunes à utiliser le Kindle pour le plaisir et les autres supports pour le contenu relié au programme».
À qui la faute?
Selon David Pogue, chroniqueur techno pour le New York Times, le problème de la gestion des droits numériques est le miroir de la controverse entourant le téléchargement de musique.
Les problèmes concernant la copie n’ont pas changé. Les éditeurs sont terrifiés en ce qui a trait au piratage. David Pogue, lui-même auteur, avoue être terrifié lui aussi par le piratage. «Je ne peux pas imaginer mes livres, qui sont ma principale source de revenus, publiés sur des sites de piratage et disponibles gratuitement», a récemment écrit Pogue.
Selon l’Association of American Publishers, ce n’est pas la faute des éditeurs. «Les éditeurs sont l’intermédiaire entre les titulaires de droits d’auteur et les utilisateurs», souligne Jay Diskey. «Par exemple, disons que vous êtes un éditeur et que vous avez une collection de livres pour enfants qui inclut une centaine d’auteurs qui ont leurs propres droits d’auteur. Ce n’est pas parce que ces livres sont transformés en version électronique que les détenteurs de droits d’auteurs renoncent à ces droits», conclut-il.
Comme le suggère l’éditeur McGraw-Hill, les conditions de partage et de transfert des livres numériques sur les divers lecteurs ne sont pas le résultat de demandes des éditeurs ou des auteurs. Ce sont plutôt les créateurs de lecteurs qui font les politiques. Ils ont un avantage financier à tenir les consommateurs à distance de leurs compétiteurs.
Corynne McSherry, de Electronic Frontier Foundation (EFF), soutient que la gestion des droits numériques «met le pouvoir entre les mains des compagnies qui contrôlent les normes plutôt qu’entre celles des auteurs et des éditeurs».
Solutions
Plus les lecteurs se multiplient, plus les utilisateurs sont obligés de faire un choix difficile, qui peut avoir des conséquences à long terme. Par chance, il y a des nouveautés sur le marché qui contribuent à alléger le problème comme le iPad.
«Le iPad est beaucoup plus qu’un lecteur numérique. Nous l’avons choisi stratégiquement et nous n’avons plus à prévoir de changer d’un lecteur à l’autre», explique Kary L. Coleman, directeur des relations avec les médias à l’Université Seton Hill.
Google
Google lancera cet été une librairie numérique appelée Google Éditions. Les livres achetés par les utilisateurs pourront être lus sur n’importe quelle plate-forme connectée à Internet. Les livres numériques seront compatibles avec le Kindle et le format ePub.
Traduction et adaptation de l’article eBook restrictions vex users publié le 11 mai 2010 sur le site de eSchoolNews.
Par Marie-Christine Leblanc