Lors du colloque 2025 de l’AQUOPS, Audrey Miller, directrice de L’École branchée, a animé une conférence explorant les possibilités pédagogiques offertes par la génération d’images à l’aide de l’intelligence artificielle (IA). Intitulée « La génération d’images dont vous êtes le héros », la présentation préparée en collaboration avec Laurent Di Pasquale, conseiller pédagonumérique, avait pour objectif de faire réfléchir et d’outiller le personnel enseignant quant à l’usage éthique, légal et pertinent de cette technologie émergente en contexte éducatif. Un autre article sur le sujet peut d’ailleurs être consulté ici.
Pourquoi générer des images avec l’IA?
Dans un contexte où les visuels requis ne sont pas toujours accessibles dans les banques d’images traditionnelles, la génération d’illustrations sur mesure permet de combler un manque en contenu visuel éducatif. Qu’il s’agisse d’illustrer une scène historique, de visualiser un concept scientifique ou de contextualiser une problématique sociale, ces images personnalisées peuvent enrichir la pédagogie en suscitant l’intérêt, en facilitant la compréhension de concepts abstraits ou encore en illustrant des situations délicates qu’il serait difficile de capter autrement.
Voici quelques idées proposées par des participants à cette question :
Et voici aussi des raisons de ne PAS utiliser l’IA pour générer des images!
Comment générer une image de qualité?
L’atelier a mis en lumière l’importance de bien formuler les requêtes adressées aux outils d’IA générative. Par exemple, on peut considérer l’IA comme ayant une « déficience visuelle », ce qui incite à une description des plus minutieuses dès la première requête. La demande gagne à préciser notamment le format attendu de l’image, son style, les éléments visuels qu’on veut y retrouver, l’action représentée ainsi qu’un éventuel sentiment à transmettre.

Un exemple? Pour représenter une scène journalistique, une simple requête comme « Illustration 3D réaliste d’une journaliste ressemblant à Anna Politkovskaïa interrogeant une famille tchétchène avec un air empathique » peut donner naissance à un visuel frappant, inexistant ailleurs, tels que ceux utilisés dans la création de ce guide d’activités pédagogiques de la collection SCOOP!. Ces visuels ont été créés par l’équipe de l’École branchée puisqu’il n’existait pas de photo réelle permettant de bien représenter le sujet. De plus, le sujet somme toute sensible a permis de démontrer en direct comment différents modèles d’IA générative peuvent avoir leurs propres limites ou biais. Dans ce cas, ChatGPT a généré des images correspondant tout à fait à la demande initiale. Pour sa part, Copilot a refusé de générer une image sans préciser pourquoi, mais en indiquant que « la requête contenait des termes susceptibles d’enfreindre le code de conduite de Designer ». Enfin, ironiquement, Gemini ne savait tout à coup plus générer d’images et était redevenu un modèle uniquement basé sur le langage! (Voyez à la toute fin de l’article les images de cette conversation.)
La démonstration de comment les images générées peuvent être modifiées pour servir des objectifs pédagogiques, notamment à l’aide d’outils comme Canva ou via des fonctions d’édition assistée par l’IA, a aussi été faite lors de cette conférence. Un exercice sur la transformation d’une ville polluée en écoquartier a spécifiquement illustré ce potentiel. La question des tendances récentes qui ont inondé les réseaux sociaux, telles que les fameux « starter packs », et même la génération de mèmes humoristiques à partir d’images existantes, ont aussi été discutées.
Voici des plateformes utilisées par les participants pour la génération d’images :
Enjeux éthiques, pédagogiques et légaux
Après avoir exploré le pourquoi et le comment de la génération d’images par IA, la conférence a mis l’accent en deuxième partie sur une utilisation responsable de l’IA. À cet effet, trois grands types d’enjeux ont été abordés :
- Le critère pédagogique : l’enseignant est invité à s’interroger sur la pertinence de l’IA pour l’atteinte des objectifs d’apprentissage, son impact sur la motivation et la compréhension, ainsi que sur la qualité de l’évaluation assistée par IA. Pour appuyer concrètement le tout, on a proposé de découvrir un outil ludique créé par Laurent Di Pasquale de l’École branchée, une histoire interactive qui s’adresse au personnel enseignant.
- Le critère éthique : la génération d’images comporte un coût énergétique non négligeable. Des études récentes suggèrent que la génération d’une seule image peut consommer l’équivalent d’une demi-charge de téléphone cellulaire. L’éthique implique aussi de sensibiliser les élèves aux biais, à la désinformation et à la transparence sur l’origine des images. On peut résumer ce critère par : « Ce n’est pas parce qu’on peut… qu’on doit ».
- Le critère légal : des questions entourant les droits d’auteur, la protection des renseignements personnels et l’utilisation de contenus sensibles ont été soulevées. À son tour, ce critère peut être résumé par : « Ce n’est pas parce qu’on peut… qu’on peut! »
Ces trois familles d’enjeux sont d’ailleurs explicitées dans un guide d’accompagnement conçu par le ministère de l’Éducation du Québec pour aider le personnel enseignant à réfléchir à l’utilisation de l’IA générative en classe, en tenant compte de critères tels que la qualité, l’inclusion, la transparence et l’agentivité. Il propose une série de questions réflexives à se poser avant, pendant et après l’utilisation.
D’ailleurs, la conférence a permis de demander aux participants quel enjeu ils considèrent comme le plus important :
L’importance de trouver son équilibre
En conclusion, les participants ont été invités à questionner l’intégration de l’IA dans leur pratique : quelles tâches peut-elle alléger? Quel type d’apprentissage favorise-t-elle?
Ils ont aussi pu se rappeler l’importance de développer une posture critique et informée face aux technologies numériques en général, et d’y sensibiliser les élèves dès maintenant. Sans démoniser les usages de l’IA, le fait qu’on s’intéresse d’aussi près aux impacts de cette activité numérique s’avère très bénéfique, tout en n’oubliant pas de prendre en compte l’ensemble de nos propres usages avant de poser un regard critique sur ceux des autres. D’ailleurs, plusieurs personnes ayant suivi la vague des « starter packs » ou de la génération de vidéos à partir d’une simple photographie ont reçu des attaques personnelles sur cette seule base.
N’oublions pas que le fait de générer une image n’a pas nécessairement plus d’impact environnemental qu’écouter Netflix ou défiler longuement des vidéos sur TikTok sans but précis. « C’est une question de valeurs personnelles; il s’agit finalement de trouver son propre équilibre entre les différents enjeux et la valeur ajoutée perçue. C’est complexe, mais s’y intéresser est un grand pas dans la bonne direction! »

La génération d’images par IA, si elle est bien encadrée, peut devenir un levier pédagogique puissant, à condition de respecter les normes éthiques et légales et de toujours en évaluer la valeur éducative.
Un mur de ressources collaboratif est disponible pour approfondir le sujet : padlet.com/ecolebranchee/imagesia
Quand l’IA ne sait plus!
Voici un extrait d’une conversation présentée lors de la conférence et qui montre les limites éthiques d’une IA à l’œuvre :




La conversation a pu aboutir lorsqu’on a enlevé les références à la Tchétchénie et à la journaliste.
Pour en savoir plus :
Un autre article à lire : La génération d’images et de vidéo par IA : l’équilibre entre enjeux et opportunités