Par Émilie Breton-Gagnon, M. Sc. kinésiologue,
Agente de développement
ÉquiLibre
L’usage du numérique et des réseaux sociaux chez les jeunes est largement répandue. Selon un sondage de la firme Léger pour ÉquiLibre auprès de 800 jeunes âgés de 14 à 17 ans en 2024, les résultats montrent1 que :
- 48 % des jeunes consultent leurs réseaux sociaux plus de six fois par jour ;
- 28 % se connectent entre 3 et 6 fois par jour.
En contrepartie, il faut considérer que ces plateformes investissent énormément pour attirer et maintenir l’attention des jeunes, car c’est cette attention qu’elles vendent ensuite aux compagnies publicitaires. Dans ce contexte, il ne s’agit pas d’un simple manque de contrôle de la part des jeunes, mais bien d’un défi de taille en termes d’autorégulation.
Les jeunes peuvent tirer des bénéfices liés à l’utilisation de ces plateformes :
- Socialisation
- Découverte de leur identité
- Sentiment d’appartenance à une communauté
- Inspiration
Cependant, il est important de reconnaître les effets potentiellement négatifs :
- Exposition à du contenu inadéquat en raison des lacunes dans la modération
- Troubles du sommeil
- Cyberintimidation
- Comparaison sociale
Ces éléments peuvent nuire à la santé mentale, à l’estime de soi et à la perception de son propre corps.
À une époque où les jeunes socialisent et exposent de plus en plus leur image et leurs opinions en ligne, il est important de les outiller pour qu’ils puissent composer avec cette réalité et développer une relation positive avec le numérique. Pour ce faire, il est judicieux de les sensibiliser et de les éduquer sur :
- le fonctionnement des réseaux sociaux ;
- les conséquences possibles selon l’usage ;
- l’illusion de perfection.
Ces notions aideront les jeunes à développer un esprit critique face aux plateformes numériques et à adopter des stratégies qui favorisent leur propre bien-être.
Le modèle d’affaire des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux fonctionnent en monétisant l’attention de leurs utilisateurs et utilisatrices. Cette pratique explique pourquoi ces plateformes sont généralement proposées gratuitement. En effet, elles génèrent des revenus grâce à la publicité, en permettant à des entreprises de promouvoir leurs produits et services.
Pour ce faire, les réseaux sociaux collectent et analysent les données relatives aux centres d’intérêt des utilisateurs et utilisatrices, telles que les mentions « j’aime » ou le temps passé sur certains contenus. En créant des profils d’utilisateurs et d’utilisatrices grâce à des algorithmes sophistiqués, les plateformes peuvent proposer des suggestions de contenu et de publicités plus adaptés à leurs goûts, ce qui augmente les chances de générer des revenus.
L’utilisation des réseaux sociaux et son influence sur l’image corporelle
L’image corporelle représente la manière dont une personne perçoit son propre corps, mais aussi la façon dont elle pense que les autres le perçoivent. Elle englobe les pensées, les sentiments et les actions associées au corps. Elle varie en fonction des expériences vécues et influence divers aspects de sa vie : estime de soi, relation à la nourriture et à l’activité physique, succès scolaire, habitude de vie, etc.
De nombreuses études ont établi un lien direct entre le temps passé sur les réseaux sociaux et l’insatisfaction corporelle. Cependant, c’est surtout la manière dont on utilise ces plateformes qui influence l’image corporelle des utilisateurs, notamment celle des jeunes.
En ce sens, une utilisation des réseaux sociaux axée sur l’apparence serait plus associée à des répercussions négatives sur l’image corporelle2.
Utilisation axée sur l’apparence Utilisation générale, moinsaxée sur l’apparence Exposition aux égoportraits (selfies)Exposition à des images de corps retouchées par des filtres ou des applicationsExposition à de la rétroaction sur des images qui exposent le corps (mentions « j’aime », commentaires, nombre d’abonné(e)s/ami(e)s)Engagement dans des conversations numériques portant sur l’apparence Contenu centré sur l’être, l’action, l’intention, l’intérêt, l’accomplissement ou le bien-êtreExposition à du contenu sans référence corporelle (sensibilisation, éducation, paysages, etc.)Engagement dans des conversations numériques portant sur l’être plutôt que le paraître
Chaque jeune étant différent, ses caractéristiques individuelles peuvent influencer la manière dont il réagit au contenu auquel il est exposé sur les réseaux sociaux.
Par exemple, un jeune qui a une faible estime de soi, qui a tendance à être perfectionniste, qui se compare constamment et qui accepte et valorise les normes sociales de beauté est plus vulnérable face à une utilisation axée sur l’apparence. À l’inverse, un jeune qui a confiance en lui et qui aborde les normes sociales de « beauté » de manière plus critique est mieux protégé.
L’illusion de perfection
Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes ont tendance à vouloir publier la photo parfaite, à utiliser des filtres pour se conformer aux standards de beauté, à ne partager que les aspects positifs de leur vie ou même à retoucher leurs photos.
Il est naturel de vouloir se montrer sous son meilleur jour. Cela peut découler d’un souhait que les autres développent une perception favorable de nous. De plus, les commentaires et leur nombre peuvent être perçus comme une sorte de récompense : ils peuvent être interprétés comme une approbation sociale. La crainte de la critique et du jugement peut également être une motivation pour améliorer ses publications.
Parallèlement à ce phénomène d’illusion de perfection, 80 % des adolescentes rapportent comparer leur apparence à celles des autres sur les réseaux sociaux. Il est important de se rappeler que la comparaison est une pratique normale. Elle permet de se situer par rapport à ses propres opinions, compétences et traits de caractère, ainsi que de définir ou d’affiner son identité.
En revanche, la comparaison à l’ère des réseaux sociaux est plus insidieuse. Elle se fait auprès de notre entourage ou de personnalités influentes auxquelles on peut s’identifier, contrairement aux comparaisons plus lointaines auxquelles on pouvait s’adonner auparavant : magazines, célébrités, etc. L’atteinte de cette apparence « améliorée » peut donc sembler à notre portée, ce qui génère une pression pour correspondre aux standards de beauté.
Cette recherche de perfection et cette tendance à se comparer peuvent avoir des impacts négatifs sur l’estime de soi, l’image corporelle et la santé mentale. En effet, cela entraîne une dépendance à la validation externe et peut amener une personne à accorder une grande importance à l’apparence.
Des stratégies pour favoriser le bien-être en ligne
Accompagner les jeunes vers une utilisation saine, sécuritaire, respectueuse et inclusive, c’est leur offrir les outils nécessaires pour favoriser leur bien-être.
Voici quelques stratégies concrètes à explorer avec eux :
- Interagir avec du contenu moins axé sur l’apparence
- Consommer du contenu qui fait moins référence au corps et à l’apparence
- Commenter et échanger sur autre chose que l’apparence
- Exprimer ses limites à son algorithme
- Masquer ou signaler le contenu indésirable
- Modifier ses réglages pour ne pas avoir de contenu de type régime et fitness
- Passer rapidement sur ce qui les rend inconfortables ou inadéquat(e)s, car la plateforme sait le temps accordé à une publication, pas le sentiment qu’elle génère!
- Faire le ménage de ses abonnements en gardant uniquement ceux qui les font sentir bien ou neutre
- Être authentique en ligne
- Diminuer la retouche photo et l’utilisation de filtres
- Publier des photos de soi en train de faire ce qu’on aime ou avec ses proches
- Publier des choses qui les inspirent
- Tenter d’accorder moins d’attention à la forme ou l’angle de son corps et de son visage sur les photos
- Se déconnecter
- Profiter pleinement de ses expériences hors ligne
- Instaurer des périodes sans écrans
- Désactiver certaines alertes ou notifications moins pertinentes sur son téléphone
- Participer à un ou des défis de déconnexion tels que les défis 24h PAUSE.
Outre ces stratégies, il faut garder en tête que la relation entretenue avec le numérique par les adultes et l’utilisation qu’ils en font influencent les jeunes qui les entourent. Il est important d’en prendre conscience, pour qu’ensuite les adultes puissent offrir un modèle positif.
Des ateliers pour favoriser le bien-être des jeunes
Le programme Bien dans sa tête, bien dans sa peau (BTBP) vise à favoriser le développement d’une image corporelle positive chez les jeunes. Il est composé d’ateliers pédagogiques gratuits et clés en main. Parmi eux, l’atelier L’image corporelle à l’ère des réseaux sociaux permet d’aborder spécifiquement avec les jeunes les notions présentées dans cet article de manière interactive.
Plusieurs autres ateliers sont accessibles, dont certains conçus précisément pour le cours Culture et citoyenneté québécoise. Ces ateliers ont le potentiel de promouvoir le bien-être, l’estime de soi et la santé des jeunes.
Voici quelques-uns des autres thèmes abordés dans les ateliers :
- Normes sociales de beauté
- Diversité corporelle
- Retouche des images de corps dans l’espace public
- Et bien plus!
Découvrez le programme Bien dans sa tête, bien dans sa peau.
- Léger pour le compte d’ÉquiLibre. Rapport : Préoccupations envers le poids, l’alimentation et la pratique d’activité physique. Sondage auprès de Québécois(es) âgé(e)s de 14 ans et plus. 2024. ↩︎
- Holland G, Tiggemann M. A systematic review of the impact of the use of social networking sites on body image and disordered eating outcomes. Body Image. 2016;17 :100-10. ↩︎
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