L’éducation fondée sur la conformité et la compétition : Sir Ken Robinson n’y croit pas. Retour sur la conférence qu’il a donnée lors du BETT 2017.
L’édition 2017 du BETT (British Training and Technology Show) s’est tenue à Londres du 25 au 28 janvier.
Comment me suis-je retrouvée là? Une vente de billets d’avion en juillet dernier m’a convaincue de m’offrir ce cadeau pour le Nouvel An. Premièrement, je n’étais jamais allée à Londres. Deuxièmement, je souhaitais depuis longtemps participer au BETT. En plus, cette année, Sir Ken Robinson y présentait une conférence. Assise par terre devant l’estrade, j’ai pris ces photos et même échangé quelques regards, quelques sourires, avec le conférencier, un homme charmant au grand sens de l’humour et de l’autodérision.
Qui est Sir Ken Robinson?
En février 2006, Sir Ken Robinson a présenté une conférence TED (Technology, Entertainment and Design) marquante, Do schools kill creativity? (« L’école tue-t-elle la créativité? »). Avec plus de 43 millions de visionnement, elle représente la conférence TED la plus suivie. Son autre conférence, Changing Education Paradigms, est aussi un classique.
Sir Ken Robinson, né à Liverpool de parents ouvriers, a été victime de la polio à l’âge de quatre ans. En Angleterre, à cette époque, tous les enfants handicapés étaient regroupés dans des écoles spéciales, quelque fut leur handicap. Aveugles ou sourds, victimes de la polio ou de paralysie cérébrale, tous se retrouvaient dans ces écoles où les enseignants n’avaient que peu d’espoir de réussite pour eux.
Aujourd’hui, c’est « un auteur, orateur et expert en éducation internationalement reconnu pour ses interventions en faveur du développement de la créativité et de l’innovation. Il fut directeur du projet Art in Schools (de 1985 à 1989), Professeur d’art à l’Université de Warwick (1989-2001) avant d’être fait chevalier par la reine d’Angleterre en 2003 pour services rendus à l’éducation. » (Wikipédia).
Apprendre ou être éduqué?
Observons les bébés, nous dit Sir Robinson. Ils sont curieux, touche-à-tout, explorateurs de leur environnement. Ils émettent plus de 5000 sons différents, ils babillent, puis finalement adoptent les sons utilisés par ceux qui les entourent. Ils parlent. On ne leur fait pas la classe pour cela. Ils semblent apprendre par osmose.
La visite d’un abattoir, où le processus mécanisé est très fonctionnel, lui a rappelé ce système éducatif où tout est fondé sur la conformité. Les élèves sont groupés selon l’âge. Ils doivent tous ensembles mémoriser des blocs de savoir-faire et de connaissances qu’ils retransmettent lors d’examens de passage. C’est fonctionnel, certes, mais c’est estime-t-il une vision extrêmement limitée de l’être humain. « L’académisme » ne correspond pas aux besoins éducatifs d’une grande partie des humains.
Cette photo qu’il nous a présentée montre des parents, en Inde, qui s’accrochent aux murs de l’établissement où leurs enfants passent des examens de fin de scolarité afin de les aider à tricher. Selon lui, ceci est le résultat de l’extrême compétition sur laquelle sont fondés nos systèmes d’éducation. Et cette compétition n’existerait que pour des raisons économiques.
Les sociétés humaines sont fondamentalement compétitives, dit-il, et une éducation fondée sur la compétition cherche à résoudre les problèmes de chômage. Dans les faits, il croit plutôt qu’elle participe au problème.
« Tous les enfants ont des besoins spéciaux »
Un système fondé sur l’académisme ne réussit pas à tout le monde. Sir Robinson rappelle des statistiques inquiétantes, notamment montrant un lien entre le décrochage et la prison! Dans certaines régions du monde, il y aurait jusqu’à 80 % des décrocheurs qui se retrouveraient, un jour ou l’autre, à y séjourner.
Il explique aussi que, de nos jours, les enfants ont moins de temps libre que les prisonniers des pénitenciers à haute sécurité. Il croit que c’est en les empêchant de jouer librement qu’ils deviennent tendus et hyperactifs, entraînant aussi cette épidémie de trouble déficitaire de l’attention (TDA/H).
Considérant que nous vivons tous dans deux mondes, un monde intérieur et un monde extérieur à soi, il estime que les écoles actuelles et le monde moderne, hyperactif et riche en stimuli de toutes sortes, forcent l’enfant à vivre uniquement dans le monde extérieur. Il perd, selon lui, graduellement accès à son monde intérieur, à sa créativité, à son soi.
« Vous, éducateurs, êtes le système »
Sir Ken Robinson invite les enseignants à utiliser leurs pouvoirs pour faire évoluer le système. « Une école après tout, n’est qu’une communauté d’apprenants. »
Il rappelle qu’apprendre n’est pas un processus linéaire. Apprendre est une dynamique. Le savoir est un tissu que l’éducateur tissera avec les enfants.
Heureusement, ici et là, on voit des exemples intéressants. Il donne l’exemple, dans sa conférence, d’une école localisée dans une résidence pour personnes âgées. Les deux générations bénéficient du contact des uns et des autres. Les personnes âgées prennent moins de médicaments et demeurent plus actives. Les enfants apprennent la vie et la mort.
Sir Robinson termine sa conférence par une analogie entre nos systèmes d’éducation et l’agriculture industrielle qui cherche le rendement à tout prix. Si un tel système n’est pas viable car il détruit les sols, il en va de même pour les enfants. L’agriculture biologique, au contraire, ne vise pas le rendement à tout prix. On concentre les interventions à enrichir les sols et les plantes poussent très bien. Nous sommes aussi des êtres organiques. Il conclut donc que si, au lieu d’avoir des systèmes d’éducation compétitifs, fondés sur le rendement, nous permettions aux enfants de développer tout leur potentiel en stimulant tous les aspects de l’individu, nos sociétés s’en sortiraient gagnantes.
« Education has a deep and fundamental role of getting people to identify and connect with their talents. »
En terminant, il invite à croire aux miracles. Après tout, « l’éducation est une entreprise qui oeuvre dans le miraculeux… »
Mise à jour : Nous avons trouvé ces enregistrements de la conférence!