Depuis l’automne 2024, notre équipe suit attentivement les travaux de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes (CSESJ). Ceux-ci permettent aux députés membres de la commission d’entendre des spécialistes de l’éducation, de la santé et des services sociaux, de la sécurité publique, du droit et du numérique.
Dès le début de la journée, le député Pascal Bérubé, membre de la commission, a indiqué : « Nous avons débuté cette démarche avec un apriori au sujet des jeunes et de l’école. Nous nous retrouvons devant un véritable enjeu de société qui touche tout le monde ».
Puis, tout au long de la journée, des spécialistes ont reconnu que « se mêler d’éducation et des familles, c’est toujours délicat ». Néanmoins, ils ont insisté sur l’urgence de sensibiliser davantage les parents face à leur propre comportement et sur les façons de mieux encadrer les usages technologiques de leurs enfants.
Fédération des médecins spécialistes du Québec
C’est ainsi que cette première journée de reprise a été marquée par la présence de plusieurs intervenants du milieu de la santé. D’entrée de jeu, les représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec ont insisté sur la nécessité d’une action concertée entre familles, éducateurs, professionnels de la santé et décideurs publics pour instaurer une culture numérique plus saine et responsable.
Selon les médecins présents à la Commission, les effets des écrans sur la santé physique et mentale des jeunes, notamment en matière de développement cognitif, de bien-être socioaffectif et de sédentarité, sont bien réels. Ils ont témoigné de cas concrets où des enfants ont des retards de langage, de motricité et de compétences sociales. « De plus en plus de parents consultent pour des problèmes comportementaux chez leurs enfants. En questionnant, on découvre souvent que la surexposition des écrans est en cause. » Selon eux, la situation se vit dans tous les milieux sociéconomiques et une prise de conscience est nécessaire de la part des parents.
« Les parents n’envoient plus leurs enfants jouer dehors parce qu’ils jugent que c’est dangereux. Ils ne sont pas plus en sécurité devant un écran. L’activité physique risquée est nécessaire pour qu’ils se développent adéquatement. »
C’est ainsi que la majorité de recommandations formulée par la FMSQ touchent à la sensibilisation pour encourager les parents à être des modèles en adoptant des comportements numériques équilibrés et former les professionnels de la santé et de l’éducation pour détecter les signes d’utilisation excessive des écrans.
Au sujet des écoles, la FMSQ privilégie de limiter les usages scolaires à des visées pédagogiques et d’interdire l’usage du cellulaire dans les établissements scolaires et préscolaires ou du moins d’aménager des espaces de pause sans connexion Wi-Fi pour favoriser la socialisation en personne. De même, elle « invite le personnel scolaire et parascolaire à respecter le temps hors connexion des jeunes et leurs familles. Ceci passe notamment par l’envoi de messages ou de rappels uniquement durant les heures ouvrables afin d’éviter des notifications en soirée et en fin de semaine. »
Finalement, la FMSQ propose d’introduire des ateliers de citoyenneté numérique pour sensibiliser les jeunes aux bonnes pratiques numériques et aux effets négatifs associés, de valoriser les cours d’éducation à la sexualité et d’y inclure des discussions sur le consentement, le respect mutuel et la diversité.
En complément au sujet du passage de la FMSQ : Les médecins spécialistes prônent l’interdiction du cellulaire dans les écoles
« Les parents doivent être des modèles. »
De son côté, Audrey-Ann Denault, professeure adjointe au Département de psychologie de l’Université de Montréal et directrice du Laboratoire RISE, a rappelé à plusieurs reprises que les jeunes apprennent par observation. Or, selon les études qu’elle a en main, les parents passent en moyenne 27 % de leur temps avec leurs enfants sur leurs écrans, nuisant ainsi aux interactions familiales et au développement des compétences sociales des jeunes. Ce phénomène, appelé technoférence parentale, réduit l’engagement des parents, diminue leur réceptivité aux besoins des enfants et peut accentuer les conflits avec les adolescents. À long terme, cette dynamique est associée à des troubles de comportement et de santé mentale.
Un autre enjeu préoccupant amené par Audrey-Ann Denault est le partage excessif d’images et d’anecdotes parentales sur les réseaux sociaux. En moyenne, 300 photos d’enfants seraient publiées par leurs parents chaque année, exposant les jeunes à des risques de cyberintimidation et à une perte de contrôle sur leur identité numérique. Or, les jeunes souhaitent garder le contrôle sur leur image numérique. Les membres de la Commission ont indiqué l’avoir entendu à de nombreuses reprises lors de leur tournée dans les écoles l’automne dernier.
Face à ses constats, elle recommande une sensibilisation accrue des parents, pour « créer un éveil ». Elle insiste sur la nécessité d’instaurer des moments quotidiens sans écran en famille et d’assurer une cohérence entre les pratiques numériques des adultes et celles imposées aux jeunes, notamment en milieu scolaire.
« C’est impératif d’adresser l’usage du numérique dans la société et surtout chez les parents, si on veut avoir un impact sur les habitudes des jeunes. On a tendance à blâmer les enfants, mais ils ne sont pas la source du problème. »
Aux écoles qui interdissent déjà les appareils, que ce soit en classe ou partout dans les murs, elle a demandé de porter une attention aux usages faits par les adultes. « Les jeunes sont très sensibles aux incohérences. S’ils voient les adultes utiliser leur appareil alors qu’eux n’ont pas le droit, ils vont le remarquer et en être frustrés. Soyons conséquent. »
En complément au sujet des travaux de Audrey-Ann Denault : Parents accros à leur téléphone: ados hyperactifs?
« Dépolluons les jeunes et leurs parents. »
Le pédiatre Jean-François Chicoine, du CHU Sainte-Justine et professeur agrégé au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal, avait choisi de passer à la Commission en son nom personnel. Il a littéralement lancé un appel urgent à repenser l’usage du numérique dans le quotidien des enfants. « Il y a une hygiène de vie qui s’est perdue tranquillement », a-t-il dit, rappelant Le schmurz de Boris Vian, qui envahit petit à petit un appartement où vit une famille.
Il a insisté sur l’importance de ne jamais laisser un écran entrer dans la chambre à coucher des enfants. Il a également soutenu que les deux tiers des enfants sous psychostimulants pourraient plutôt bénéficier d’un changement de mode de vie axé sur plus d’activité physique et moins de temps devant un écran. Il a plaidé pour un retour à une vie plus équilibrée : bouger davantage, favoriser les interactions sociales en personne et réduire le temps d’écran non essentiel, pour « ramener les jeunes dans le monde réel ».
Il estime que l’école a un rôle central à jouer dans cette transition, autant pour guider les enfants que pour accompagner les parents. En limitant les usages du numérique à l’école, il a suggéré que les écoles pourront développer des projets éducatifs favorisant la créativité, l’imagination et la découverte de l’environnement naturel, notamment par l’organisation d’activités extérieures, sportives et culturelles. « Il faut protéger l’imagination des enfants. Moins il y a d’écran, plus il y a d’imagination. »
Selon lui, il est temps de « dépolluer » les jeunes et leurs parents des écrans en instaurant un cadre plus sain pour l’usage du numérique.
Tous les intervenants et intervenantes de la journée l’ont mentionné, il ne s’agit pas de supprimer totalement les écrans, ce serait impossible, mais de tendre vers des usages plus réfléchis, en veillant à préserver le développement cognitif et social des enfants.
Pour suivre les travaux de la Commission
- Accédez à la webdiffusion en direct sur le site de l’Assemblée nationale du Québec.
- Consultez la liste des organisations qui témoigneront ainsi que l’horaire sur cette autre page.
- Il est également possible de visionner les séances passées sur le site.
Au sujet de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes (CSESJ)
L’Assemblée nationale du Québec a créé cette commission parlementaire le 6 juin 2024 pour étudier les enjeux liés, entre autres, au temps que les jeunes consacrent aux écrans, aux mesures d’encadrement de ces derniers, notamment à l’école et sur le Web et à la cyberintimidation, y compris le partage de matériel sexuellement explicite.
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