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Un projet d’école libre à Montréal

Les enfants apprendraient-ils mieux en étudiant seulement ce qui les intéresse et en édictant eux-mêmes les règles auxquelles ils doivent se plier? Une poignée de parents le croient et militent depuis plus de deux ans en faveur de la création d’une école libre à Montréal.

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Les enfants apprendraient-ils mieux en étudiant seulement ce qui les intéresse et en édictant eux-mêmes les règles auxquelles ils doivent se plier? Une poignée de parents le croient et militent depuis plus de deux ans en faveur de la création d’une école libre à Montréal.

Une école sans programme à suivre ni examens à compléter, où les enfants choisiraient ce qu’ils veulent apprendre ou non. Où les élèves n’auraient pas à rester assis en classe s’ils ont envie de jouer. Où l’emphase serait mise sur le développement global plutôt que sur le rendement scolaire. Où les règles et les décisions, même les questions budgétaires, seraient prises démocratiquement (la voix du directeur ne vaudrait pas davantage que celle d’un élève). Voilà le rêve de Marike Reid-Gaudet.

Le respect de chacun

À l’école libre, les élèves regroupés en classes multiâges. L’enseignant serait là pour aider chaque enfant dans sa démarche, et non pour imposer des apprentissages. « Les enfants de l’école libre peuvent être beaucoup plus avancés que ceux de l’école régulière pour certains sujets, et en retard pour d’autres », explique Mme Reid Gaudet.

Le projet de Mme Reid Gaudet aurait déjà suscité l’intérêt de plusieurs personnes, des parents et des éducateurs pour la plupart. Parmi eux, Mathieu Desjardins-Côté, un jeune prof qui a dénoncé le système scolaire et parlé de l’école libre dans deux webséries. Pour lui, le système scolaire actuel tue la créativité et l’imagination des élèves. L’école libre permettrait de traiter enfin les enfants avec respect.

Écoles illégales

Utopique? Ce type d’écoles « libres » est en tout cas actuellement illégal au Québec. « La Loi sur l’instruction publique est claire. Une école qui veut offrir une formation doit respecter le cadre pédagogique offert par le ministère (notamment imposer certains examens) », indique Dave Leclerc, attaché de presse de la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp. Il mentionne qu’aucun changement à la loi n’est envisagé. « C’est sûr qu’on ne pourra pas passer d’un statut illégal à la légalité du jour au lendemain. Je vais proposer un projet-pilote », mentionne celle qui a effectué des stages dans des écoles libres américaines et a suivi une formation de l’Alternative Education Resource Organisation portant notamment sur la création d’école.

Des enfants qui réussissent

L’espoir de Mme Reid-Gaudet repose sur le fait qu’il existe bel et bien quelques écoles libres (et légales) en Ontario, en Colombie-Britannique et aux États-Unis. Au Québec, il y en a eu une en Montérégie au début des années 1970, mais elle a fermé après quatre ans. La plus ancienne et la plus connue reste le pensionnat anglais Summerhill, fondé en 1921 par le pédagogue Alexander Sutherland Neill.

Parmi les anciens de Summerhill, on recense des avocats, médecins et ingénieurs. Tous n’ont pas un métier aussi prestigieux, mais la plupart s’en sortent bien. Toutefois, ces enfants issus de milieux favorisés et scolarisés ont une culture faisant en sorte qu’ils auraient probablement réussi n’importe où, estiment plusieurs spécialistes interrogés. Et quelques enfants en sortent analphabètes. Dans un documentaire produit dans les années 1990, un homme raconte avoir quitté Summerhill  à 16 ans en sachant à peine lire et écrire. Par contre, quand il a décidé de s’y mettre, il y est parvenu seul en trois mois à peine.

« Il faut prendre les résultats académiques avec des pincettes, car l’école libre suppose l’absence d’évaluation, indique Violaine Page-Lamarche, chercheuse en éducation de la Télé-Université. Cela dit, des études démontrent que la plupart des élèves réussissent aussi bien et parfois un peu mieux que ceux de l’école régulière. » Elle souligne aussi qu’ils ont une plus grande autonomie, un esprit critique plus développé, se connaissent mieux, sont plus engagés et plus motivés.

Beaucoup de détracteurs

L’école libre a cependant beaucoup de détracteurs. « L’adulte n’a pas à renoncer à son rôle face à des enfants comme c’est le cas avec l’école libre, juge Clermont Gauthier, du département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage de l’Université Laval. Ce chercheur porte un regard très tranché sur les enfants et l’éducation : « Un adulte est civilisé, dit-il. Un enfant est celui qui naît singe et que l’adulte va amener à devenir humain. Devenir humain, c’est apprendre les règles de fonctionnement de la société. Pour moi, c’est une aberration de l’esprit de penser que les enfants sont les égaux des adultes, leur voix ne peut pas avoir le même poids. » Il souligne également que l’enfant ne peut pas s’intéresser à des choses dont il ignore l’existence.

La psychologue Francine Lussier, bien que plus nuancée, s’oppose elle aussi à l’école libre. « Je pense qu’un enfant a besoin de balises, qu’il est encore en train de se construire et qu’il n’est pas équipé pour faire face à des décisions comme celles qu’on lui demande de prendre dans une école libre, dit-elle. Quelques enfants en difficultés d’apprentissage malgré des potentiels intellectuels très supérieurs à la moyenne pourraient en bénéficier, mais c’est une petite minorité. »

Mme Reid-Gaudet juge que le principal problème de l’école libre, c’est qu’elle est méconnue. Elle déplore aussi que le ministère de l’Éducation impose un seul modèle à tous alors que plusieurs philosophies pédagogiques existent. « Ce qui m’intéresse, c’est que les parents puissent avoir le choix. » La liberté d’offrir la liberté, quoi!

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À propos de l'auteur

Nathalie Côté
Nathalie Côté
Nathalie est journaliste. Ses thèmes de prédilection sont la famille, l’éducation, la santé, la consommation, l’environnement et les phénomènes sociaux. Elle collabore notamment au journal La Presse.

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