La ZoneTIC du Cégep Lévis-Lauzon décrit la « pédagogie inversée » (ou classe renversée, flipteaching, reverse instruction) comme ceci : une stratégie d’enseignement où la partie magistrale du cours est donnée à faire en devoir à la maison, alors que les traditionnels devoirs (travaux, problèmes et autres activités) sont réalisés en classe. Quel est l’intérêt? Lorsque les élèves appliquent ce qu’ils ont appris à l’école en faisant leurs devoirs à la maison, ils rencontrent parfois des difficultés et des questionnements qu’ils ne rapportent pas toujours à l’école le lendemain. De plus, la collaboration entre pairs n’est pas toujours facile à cause des horaires de chacun. Les adeptes de la pédagogie inversée préfèrent donc que les élèves utilisent le temps de classe pour construire, collaborer, lancer des défis, remettre en question leurs apprentissages plutôt que de s’asseoir et écouter.
Dans cette philosophie, les technologies sont omniprésentes. Par exemple, il est possible de préparer la partie magistrale à l’aide d’outils de présentation auxquels on peut ajouter de la voix et exporter le tout pour publication en ligne. De plus, les outils informatiques 2.0 permettent aux élèves de construire et de laisser des traces de leur démarche de résolution de problème. S’il est vrai que les apprenants doivent consacrer beaucoup de temps au départ à maîtriser ces applications, ils développent des compétences incontournables pour le reste de leur vie.
Jonathan Bergmann et Aaron Sams enseignent la chimie à l’école secondaire de Woodland Park au Colorado. Depuis 2007, ils appliquent la philosophie de la classe renversée. Ils ont constaté un changement radical dans leur rôle. « Nous passons la majeure partie du cours à discuter avec les élèves en petits groupes de travail. Lorsque nous constatons que plusieurs équipes butent sur la même difficulté, nous les rassemblons et nous les aidons à résoudre l’impasse, pendant que les autres équipes avancent à leur rythme », expliquent-ils sur le site The Daily Riff. Les deux enseignants sont émerveillés de constater la richesse des interactions qui se développent entre leurs élèves qui s’entraident à apprendre.
Cette pédagogie laisse de côté les points d’évaluation du style « l’élève se comporte-t-il bien en classe? », « est-ce qu’il reste assis tranquillement sans parler? », etc. La vraie évaluation devient : «l’élève apprend-il? Sinon, pourquoi? Est-ce parce qu’il lui manque des connaissances préalables? Parce qu’il traverse des événements difficiles dans sa vie personnelle? Ou parce qu’il considère l’école comme un mal nécessaire plutôt qu’un endroit pour se développer? » Selon les enseignants Bergmann et Sams, identifier cette cause permet naturellement d’intervenir de façon appropriée.
Au Canada, une classe de l’Okanagan Mission Secondary School, en Colombie-Britannique, pratique la pédagogie inversée. Là-bas, les élèves regardent à la maison des vidéos sur lesquels les enseignants expliquent la matière magistrale et vont en classe pour travailler sur leurs projets. L’engouement est tel que l’établissement organise une conférence les 21 et 22 juin prochain sur le sujet. Le projet a aussi reçu une mention honorable de l’Association canadienne d’éducation cette année dans le cadre des prix Ken Spencer.