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« L’objectif n’est pas de supprimer les écrans, mais d’apprendre à vivre avec de façon plus saine et consciente. »

Faut-il vraiment réduire le temps d’écran des jeunes? Selon des chercheurs québécois, la solution passe plutôt par l’éducation à un usage plus équilibré. Une étude menée auprès de 571 adolescents révèle qu’ils sont conscients des effets négatifs de l’hyperconnectivité et prêts à changer… à condition qu’on les écoute. Plutôt que d’imposer des règles, il est essentiel de les inclure dans la réflexion et de miser sur l’autorégulation, la bienveillance et des alternatives significatives.
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Par Stéphanie Dionne

Dans un monde où le numérique fait partie du quotidien, la question n’est plus de savoir s’il faut interdire ou limiter drastiquement les écrans, mais plutôt comment en faire un usage plus équilibré. 

Est-ce réaliste de vouloir diminuer le temps d’écran? La question revient sans cesse, autant chez les parents que dans les écoles. Et pour Félix Berrigan, professeur à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche Kino-Québec sur l’adoption d’un mode de vie physiquement actif en contexte scolaire, la réponse est claire : « La cible ne doit pas être de diminuer le temps d’écran! »

Lors d’un webinaire présenté par l’organisme 100°, en compagnie d’Emmanuelle Parent, codirectrice du Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne (CIEL), il a présenté une recherche réalisée auprès de 571 adolescents de huit écoles secondaires du Québec. 

Les résultats sont clairs : les adolescents sont conscients que l’usage des écrans contribue à la sédentarité. Ils sont prêts à changer leurs habitudes, à condition qu’on les écoute. En tenant compte de ces résultats, les deux conférenciers ont livré un message fort : pour aider les jeunes à mieux gérer leur temps d’écran, il faut arrêter de parler à leur place et commencer à en discuter avec eux.

« Les jeunes sont brillants, remplis d’idées et d’espoir. Il faut surtout éviter de les sous-estimer », répète Emmanuelle Parent.

Comprendre avant d’agir

L’étude combine sondages, mesures d’activité physique par accéléromètre et groupes de discussion. Les résultats parlent d’eux-mêmes : les jeunes sont sédentaires en moyenne 7,3 heures par jour la semaine et 11 heures la fin de semaine. Plus de la moitié de ce temps est passé devant un écran, principalement pour les loisirs.

Fait révélateur, 53 % des adolescents reconnaissent que les écrans augmentent leur sédentarité. Cette prise de conscience pourrait bien être la clé d’un changement durable, à condition que les adultes adoptent une approche d’écoute plutôt que de blâme envers eux.

« Si on veut que les jeunes s’engagent, il faut d’abord comprendre leur réalité, pas leur faire la morale », résume Félix Berrigan. « Trop souvent, les interventions sont conçues sans eux. »

Des usages variés, des effets bien réels

L’étude révèle aussi des différences entre les genres : les garçons passent plus de temps à jouer ou regarder des vidéos en ligne, alors que les filles ont tendance à lire, écouter de la musique ou discuter. Tous observent des effets négatifs de l’hyperconnectivité : fatigue, troubles du sommeil, baisse de motivation, isolement social et difficulté à se concentrer.

Pourtant, les jeunes soulignent aussi le potentiel positif du numérique : tutoriels d’entraînement, apprentissage en ligne, création ou entraide entre pairs.

« Dire aux ados que les écrans sont mauvais ne fonctionne pas, explique Emmanuelle Parent. Ils vont tout de suite trouver des contre-exemples. Mieux vaut discuter de ce qu’ils font en ligne, de ce que ça leur apporte et parfois, de ce que ça leur enlève. »

De la culpabilité à la collaboration

Les intervenants ont insisté : pour engager les jeunes dans la réflexion sur leur usage des écrans, il faut éviter le discours culpabilisant. Comme l’a rappelé Emmanuelle Parent, les adolescents perçoivent rapidement le jugement dans les paroles des adultes. Dire à un élève ou à son enfant « vous êtes toujours sur vos écrans » ferme la discussion avant même qu’elle commence. Plutôt que de présenter les écrans comme « un problème de jeunes », Emmanuelle invite à reconnaître que nous vivons tous les mêmes défis d’attention, de déconnexion et d’équilibre.

« Les outils numériques sont conçus pour attirer notre attention. C’est normal que ce soit difficile pour tout le monde, jeunes comme adultes », explique-t-elle.

Adopter ce ton change la dynamique : les jeunes se sentent inclus plutôt que pointés du doigt. Selon elle, il est alors possible d’amorcer un vrai dialogue, par exemple en partageant sa propre expérience (« Moi aussi, j’ai du mal à décrocher le soir ») ou en posant des questions ouvertes (« Comment tu te sens après plusieurs heures devant ton écran? »).

Ces échanges favorisent une réflexion partagée où chacun, adulte ou adolescent, cherche à trouver un meilleur équilibre numérique, dit-elle. Bref, plutôt que de viser une réduction drastique, il s’agit de miser sur des usages plus responsables, équilibrés et utiles. Les jeunes eux-mêmes en sont conscients : ils veulent apprendre à mieux se gérer, pas à se priver.

Lors de groupes de discussion avec des jeunes, M. Berrigan et Mme Parent ont proposé des stratégies concrètes d’autorégulation, comme planifier leur temps d’écran, fixer des rappels ou se créer des routines réalistes, mais aussi des activités alternatives qui leur ressemblent : bouger, créer, socialiser ou simplement sortir dehors.

Certains ont aussi évoqué l’importance d’un encadrement bienveillant de la part des adultes : aider sans juger, encourager sans contrôler.

« Ce n’est pas grave si on échoue la première fois, explique Emmanuelle Parent. L’important, c’est d’en reparler, d’ajuster et de trouver ce qui fonctionne pour soi. »

Autrement dit, l’objectif n’est pas de supprimer les écrans, mais d’apprendre à vivre avec eux de façon plus saine et consciente.

Un rôle partagé entre école, famille et communauté

Les chercheurs ont rappelé que tous les milieux ont un rôle à jouer. Les parents gagnent à établir des règles claires et partagées, les écoles à offrir des activités adaptées à leurs intérêts et les décideurs à soutenir des environnements propices à la santé numérique.

Concernant l’interdiction des cellulaires à l’école, Félix Berrigan invite à la nuance : « Interdire ne suffit pas. L’école devrait être un lieu d’apprentissage de l’autocontrôle. Si on retire les écrans complètement, on perd une occasion d’enseigner à les utiliser de manière responsable. » D’ailleurs, il invite les milieux à la réflexion : cette mesure réduit-elle réellement le temps d’écran ou le déplace-t-il simplement à la maison?

Emmanuelle Parent propose de consulter les élèves pour évaluer l’application de la mesure et trouver ensemble des pistes d’amélioration, par exemple, à l’aide d’une boîte à suggestions. Elle rappelle aussi que l’encadrement à la maison demeure essentiel : établir les règles en collaboration avec l’adolescent, les adapter à son âge, instaurer un contrat parent-enfant et, surtout, rester curieux plutôt que dans le contrôle. Normaliser la difficulté de décrocher aide chacun à progresser, un pas à la fois.

L’Éole branchée vous propose cet article complémentaire.

8 recommandations pour orienter les interventions dans votre milieu

Ces stratégies ont été regroupées par les chercheurs autour de deux grandes catégories complémentaires : l’autorégulation et la gestion des écrans, puis les activités alternatives. Les jeunes ne veulent pas qu’on leur impose des limites, ils veulent qu’on leur enseigne à s’autoréguler et qu’on leur offre des alternatives qui font du sens pour eux.

Les jeunes doivent être activement impliqués dans la conception des actions qui les concernent. 

Accompagner les adolescentes et les adolescents dans la mise en place de routines quotidiennes qui intègrent des périodes sans écran,

Organiser des activités physiques régulières en milieu scolaire et communautaire en impliquant les jeunes dans leur conception.

Proposer des actions de sensibilisation interactives sur les effets des écrans et les bienfaits de l’activité physique. 

Encourager la mise en place de règles familiales claires sur le temps d’écran et les moments sans appareil, notamment durant les repas et les activités familiales.

Encourager les jeunes à se fixer de petits objectifs réalistes et valoriser leur progression. 

Valoriser l’usage des écrans à des fins éducatives et profitables (devoirs, projets créatifs). 

Aménager des espaces sans écrans à la maison, à l’école et dans les lieux communautaires pour favoriser les interactions sociales et les activités physiques. 

Pour aller plus loin : Consultez les faits saillants de la recherche sur apprendre.centdegres.ca/temps-decran

Voyez le webinaire en rediffusion

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