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Maladroits, des enfants préfèrent éviter les activités physiques. Voici comment renverser la tendance

Plusieurs études révèlent que les enfants maladroits, c’est-à-dire ayant de faibles compétences motrices, ont tendance à se retirer des activités physiques, sportives et de loisirs. Voici les explications et les suggestions de Daphné Hommery-Boucher et Mariève Blanchet de l'UQAM.

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Par Daphné Hommery-Boucher et Mariève Blanchet de l’Université du Québec à Montréal (UQAM)

Jouer est inné chez les enfants!

Pourtant, malgré des efforts soutenus, plusieurs parents et professionnels constatent que certains enfants ne sont pas motivés à bouger et préfèrent les écrans; pourquoi cela? Parmi les causes potentielles, plusieurs études révèlent que les enfants maladroits, c’est-à-dire ayant de faibles compétences motrices, ont tendance à se retirer des activités physiques, sportives et de loisirs.

Respectivement doctorante en éducation et professeure en sciences de l’activité physique et en développement moteur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), nous nous efforçons dans le cadre des recherches menées au Laboratoire de recherche en motricité de l’enfant de comprendre ce phénomène méconnu, particulièrement lorsqu’il touche les enfants ayant un trouble spécifique d’apprentissage (TA) (dyslexie, dyscalculie, dysorthographie) pour éviter le cycle négatif du désengagement.

À quoi les compétences motrices font-elles référence?

Lancer une balle, bricoler ou botter un ballon nous paraît simple. Pour ce faire, le cerveau d’une personne doit toutefois continuellement utiliser les informations sensorielles de son corps et détecter celles de son environnement pour la planification, la production et la correction des mouvements.

De plus, il doit coordonner sa posture, sa motricité fine, globale et oculaire, et ce, tout en maintenant l’équilibre de son corps pour veiller à ne pas tomber! Bouger est donc très complexe, surtout lorsqu’on doit être précis, suivre un rythme imposé ou trouver des stratégies pour déjouer un ou une adversaire par exemple.

C’est ce qu’on appelle les compétences motrices. Elles sont particulièrement importantes lors du jeu. L’équilibre, la manipulation et le contrôle des objets, ainsi que les mouvements locomoteurs (p. ex. sauter, courir) sont des compétences motrices dites « fondamentales ». Il est essentiel de les développer dès l’enfance et de les pratiquer régulièrement dans des contextes amusants et variés puisque l’acquisition d’autres compétences motrices repose sur elles.

Développement des compétences motrices

Certains facteurs influencent le développement des compétences motrices, comme la maturation (âge), l’expérience (pratique), le contexte social (p. ex. surprotection, négligence) et l’intégrité des capacités de l’enfant depuis sa naissance (p. ex. systèmes nerveux et musculosquelettique).

Bien sûr, si un enfant n’a jamais fait de vélo, il ne peut posséder cette compétence. Le manque de stimulation peut également causer un retard de développement. Si les difficultés se maintiennent malgré une pratique régulière, on doit toutefois envisager qu’elles pourraient être attribuables à une atteinte neurologique.

Lorsqu’un enfant a des capacités motrices inférieures aux autres enfants de son âge, on considère qu’il a des difficultés motrices ou un trouble moteur si sa performance au test moteur standardisé est sous le 16e percentile.

Qui sont les jeunes à risque d’avoir des difficultés à bouger?

Les populations à risque de présenter des difficultés motrices incluent les enfants prématurés, issus de milieux vulnérables ou présentant des atteintes neurologiques comme les troubles neurodéveloppementaux (p. ex. trouble développemental de la coordination/dyspraxie).

Ces derniers causent un dysfonctionnement de la maturation cérébrale, c’est-à-dire une altération du développement du cerveau, ce qui affecte les capacités des enfants, dont certaines permettant de bouger efficacement.

Une récente revue de littérature réalisée par ma coautrice, Mariève Blanchet, et la neuroscientifique Christine Assaiante démontre aussi qu’il y a des atteintes significatives des compétences motrices chez les enfants ayant un TA, sans autres troubles associés. En effet, comparativement à leurs pairs au développement typique du même âge, ces enfants rencontrent des difficultés pour exécuter divers types d’actions et doivent utiliser diverses stratégies de compensations pour bouger.

Multiples conséquences associées aux difficultés motrices

Les difficultés motrices peuvent nuire aux apprentissages des enfants ainsi qu’à leur développement global.

En raison de leur maladresse, ces enfants auront tendance à se retirer des activités qui se présentent à eux (loisir, parc de quartier, sports, jeux…) puisqu’ils n’ont pas confiance en leurs capacités. Au-delà de leur manque de confiance, ces enfants peuvent également éprouver moins de plaisir à participer à des activités et se fatiguer plus rapidement que leurs camarades.

Conséquemment, ils sont moins actifs physiquement, ce qui entraînera un mode de vie sédentaire.

Suggestions pour aider ces jeunes

Il est essentiel d’adapter les activités pour que les jeunes se sentent compétents à bouger et de varier les activités disponibles afin qu’ils puissent faire des choix, vivre des succès, puis s’engager dans la pratique d’activités physiques et sportives. Cela est d’autant plus important chez les jeunes vivant des difficultés motrices, comme ceux ayant un TA.

Voici quelques suggestions :

  • Plein air : Jouer et bouger dehors a plusieurs bénéfices. Cela facilite l’inclusion sociale, augmente l’intensité des activités, les opportunités et la richesse des stimulations sensorimotrices et cognitives.
  • Coopération : Opter pour des activités encourageant la coopération plutôt que la compétition. La coopération favorise l’inclusion, la participation et la socialisation, et augmente l’acceptation par les pairs.
  • Progression lente des activités : Favoriser la pratique d’une même tâche dans une variété de contextes. Par exemple, un enfant pourrait courir sur un terrain plat, linéaire et régulier (asphalte), puis progresser vers un terrain incliné, avec diverses courbes, irrégulier (racines au sol), texturé (gazon, gravier), instable (sable, roches, branches), étroit (corde, planche, tracés au sol, poutre, bande de trottoirs). Il pourrait également courir dans l’eau et la neige. Il importe de commencer par des tâches simples (dribler sur place) plutôt que des tâches doubles (dribler en courant ou dribler et écouter des consignes).
  • Jeu libre : Offrir des périodes d’activités initiées et dirigées par les enfants, sans procédure ou structure de jeux imposées par un adulte, avec du matériel de recyclage, et qui ne font pas nécessairement référence à des sports (cône, corde, boîte…). Le jeu libre favorise la créativité, l’autonomie, l’engagement moteur, le développement de la confiance en soi et l’inclusion sociale.

Pour d’autres suggestions et pour en apprendre davantage sur l’illustration des difficultés motrices, visionnez la vidéo du Laboratoire de recherche en motricité de l’enfant.

Par Daphné Hommery-Boucher, Doctorante en éducation, Université du Québec à Montréal (UQAM) et Mariève Blanchet, Professeure en sciences de l’activité physique et en développement moteur, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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