Par Sarah Pochon, Université d’Artois
Tandis qu’en France les opérations en milieu scolaire comme l’opération 30 minutes d’activité physique) se succèdent pour lutter contre la sédentarité dès l’école primaire, « restaurer le capital santé » des enfants et « faciliter l’apprentissage », d’autres pays ont vu une augmentation constante des niveaux d’activité physique chez les jeunes de 11 à 15 ans.
En Finlande, entre 2002 et 2018, la proportion de jeunes qui atteignent le minimum de 60 minutes d’activité physique par jour est passée de 18 % à 35 % chez les garçons et de 12 % à 29 % chez les filles dans ce même intervalle de temps.
Comment expliquer ces résultats ? Quels dispositifs notre voisin nordique a-t-il mis en place au sein des écoles pour réussir à guider les élèves vers un mode de vie actif ou lifestyle et les éduquer à travers les activités physiques et sportives ? Car pour le ministère de l’Éducation et de la Culture finlandais, augmenter le niveau d’activité physique est le moyen de faire accéder les enfants et les adolescents au bien-être et à la santé.
Des liens entre activité physique et développement des apprentissages
On peut constater des politiques nationales favorables à l’activité physique dans les écoles élémentaires et dans les écoles secondaires inférieures (ce qui équivaut au collège pour la France). Ainsi, la Finlande a lancé le programme « Joy in Motion » en 2017 dans les centres de petite enfance (garderie, crèches pour les enfants de 0 à 6 ans). Il s’agit d’un programme destiné à renforcer la pratique de l’activité physique quotidienne chez les jeunes enfants.
Car les liens entre l’activité physique et le développement des prérequis nécessaires aux apprentissages généraux ont été soulignés dans plusieurs enquêtes finlandaises. Le pays accorde ainsi beaucoup d’importance à ce rapport entre activité physique et développement des apprentissages (motricité fine, concentration, mémorisation, etc).
Les enfants capables de marcher et âgés de 0 à 5 ans doivent alors faire au moins 180 minutes d’activité physique par jour. Un rapport « Finland’s report card on Physcial Activity for children and Youth » (2018) indique qu’environ 59 % des jeunes enfants âgés de moins de 6 ans atteignent ces 180 minutes recommandées.
Dans les écoles élémentaires et dans l’enseignement secondaire (collège), le programme « Finnish schools on move ! » a été implanté suite au décret ministériel de 2012. Les transports actifs (vélo, marche) sont valorisés, les élèves doivent passer moins d’heures assis sur les bancs de classe par jour, ils ont des pauses actives en salle de classe et ont plus de récréations : pour chaque tranche de 45 minutes de travail à l’école primaire, 15 minutes de pauses conçues comme des moments actifs durant lesquels les enfants doivent « bouger ».
En primaire, les élèves doivent avoir 60 minutes d’activité physique par jour et un suivi des données de santé sur application mobile a été mis en place. En mai 2018, 88 % des écoles primaires (2 096 écoles) participaient au programme Move !
Enfin, on peut ajouter que la Finlande fait une large place à l’éducation physique (EP) dans l’emploi du temps des élèves. La discipline est en effet est considérée comme l’une des cinq principales matières du programme d’études dans le primaire et dans le secondaire et représente un tiers du nombre total de cours (après le finnois, la littérature et les mathématiques).
Dans la plupart des écoles élémentaires, les élèves ont au minimum deux leçons de 45 minutes d’éducation physique par semaine en général, soit 90 minutes par semaine. Car elles doivent offrir un certain volume d’heures d’éducation physique sur les trois sections qui composent la basic education en Finlande : pour les années 1-2 (7-8 ans), le volume est de 152 heures annuelles d’EP ; pour les années 3-6 (9-12 ans), le volume est de 342 heures ; enfin pour les années 7-9 (13-15 ans), il est de 266 heures d’EP.
Par ailleurs, dans ces années 7 à 9, des cours d’EP sont proposés en option, de sorte que certains élèves peuvent avoir jusqu’à 6 leçons d’éducation physique par semaine. Généralement, une « option éducation physique » est de 36 heures et son enseignement peut être organisé de différentes manières : avec des heures regroupées lors des journées plus longues en ski alpin par exemple, ou « dispatchées » dans l’emploi du temps hebdomadaire des élèves.
Au lycée, pendant trois ans, un cours d’EP est obligatoire, il est de 36 heures réparties sur l’année de différentes manières à nouveau. Il y a également la possibilité pour les élèves de choisir des « cours volontaires d’EP ».
Favoriser la créativité et le bien-être des élèves
La Finlande offre une grande liberté pédagogique aux établissements (qui recrutent eux-mêmes les professeurs) et aux enseignants d’éducation physique (qui sont libres de programmer les activités qu’ils souhaitent pour répondre au programme national) : il n’y a pas d’inspection nationale, mais des enquêtes conduites au hasard dans les écoles.
S’appuyant sur le rapport précoce et affirmé des finlandais à la forêt, à la nature, ils proposent des leçons à partir d’activités tournées le plus souvent vers l’extérieur et la nature en fonction des saisons : ski de fond, patinage, marche nordique ou flower ball qui est l’activité très populaire. Seule la natation doit obligatoirement être programmée au « pays des mille lacs ».
Enfin, la formation des futurs enseignants d’EP est tournée vers l’ambition de renforcer le lifestyle des futures générations d’élèves en valorisant les expériences positives, la créativité et le bien-être de ces derniers. Nous avons observé les enseignants et les étudiants de la faculté du Sport et des Sciences de la Santé de Jyväskylä, seul lieu de formation des futurs enseignants d’EP et avons constaté que les savoirs transmis aux étudiants et les compétences professionnelles travaillées valorisent la conception d’un enseignement fondé sur une pratique ludique plutôt que sur l’apprentissage de techniques spécifiques.
Le but pour les enseignants d’EP finlandais, c’est que chaque élève trouve sa manière de faire, de réussir et qu’il se sente bien et heureux dans la leçon. Pour dribbler au basket-ball par exemple, les élèves ne vont pas copier une technique de haut niveau ou reproduire la technique d’un autre élève ou de l’enseignant. Ils vont trouver leur propre manière d’avancer vers la cible en dribblant. Elias, un enseignant de la faculté nous explique cet enjeu fort de formation :
« J’utilise beaucoup de couleurs, de chiffres, de dés… donc je veux qu’ils soient positifs, créatifs, ouverts d’esprit. Je ne crois pas aux “compétences”. Si vous êtes très habile en tant que footballeur ou nageur, cela ne joue pas un grand rôle lorsque vous êtes enseignant. Je crois que plus vous êtes enthousiaste, plus vos élèves ont envie de bouger, d’essayer et de faire partie de vos cours. »
Le développement de l’autonomie et la créativité des élèves sont ainsi des principes au cœur du curriculum officiel de l’éducation physique. La place conséquente importante accordée à l’éducation physique dans l’emploi du temps des élèves, l’importance accordée au bien-être et à la créativité dans les leçons de la discipline, les réformes politiques en faveur de l’activité physique sont de nature à renforcer le lifestyle des élèves, à les guider dans la construction d’un rapport positif et favorable à la pratique des activités physiques.
Les élections parlementaires des 200 députés finlandais en avril 2023 ont continué d’orienter les débats en direction des enfants, des adolescents, et de leur activité physique, de leur bien-être, de la qualité de leur vie. Les discussions actuelles portent par exemple sur l’augmentation du temps des leçons d’éducation physique qui pourraient passer de 90 minutes à 135 minutes.
Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.
Par Sarah Pochon, Maîtresse de conférences en STAPS, Université d’Artois
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.