Par Pierre Poulin, enseignant de 4e, 5e et 6e année à l’école Wilfrid-Bastien (Montréal)
Chargé de cours à l’Université du Québec en Outaouais et à l’Université d’Ottawa en gestion de classe et intégration de technologies éducatives
Changer de perspective en gestion de classe : voilà une difficulté au primaire! C’est pourquoi le projet éducatif de l’école Wilfrid-Bastien a encadré ce changement de perspective afin de répondre à trois axes principaux : le maintien d’un haut taux de réussite, le développement professionnel du personnel et la collaboration école-famille. Dans cet article, vous trouverez la présentation d’une infographie qui accompagne ce changement et qui porte sur 6 stratégies à adopter pour garder un groupe d’élèves en alerte. Elle s’inscrit dans les deux derniers objectifs de changement prescrit par le projet éducatif de l’établissement.
Il n’est plus question de conserver une attitude ennuyante devant un groupe d’élèves passifs! Les 6 stratégies visent à stimuler la participation des jeunes, mais offrent aussi un rempart en cas de moments trop ennuyants.
Afin de présenter ces stratégies et les faire connaître dans notre milieu et auprès des familles, nous avons opté pour une forme de communication inusitée : les décofrigos (mot-valise composé des termes « décoration » et de la contraction de « réfrigérateur »). Elles sont une réponse à un souci de vulgarisation au sujet de tout ce qui se fait en salle de classe : du choix des livres à lire en passant par la manière d’animer un cours en visioconférence ou de choisir des couleurs pour une présentation visuelle. Ces décofrigos toutes simples tiennent sur une feuille de format Lettre (8,5 po x 11 po), sont partagées avec les parents et les collègues en format PDF et s’accrochent au réfrigérateur (ou ailleurs). Les décofrigos sont destinées à faire comprendre aux parents, aux collègues ou aux futures enseignantes et futurs enseignants toutes les facettes et stratégies mises en place pour aider au climat de classe. C’est ainsi que nous adressons l’objectif de collaboration école-famille et développement professionnel du personnel enseignant du projet éducatif de l’école.
Les 6 stratégies pour garder un groupe en alerte sont fondées sur la recherche probante en éducation et des années d’expérience sur le terrain. Rien n’est improvisé lorsqu’il s’agit de veiller au développement professionnel du personnel de l’école.
6 stratégies pour maintenir un groupe en alerte
1- Accueil le matin et humour
L’enseignante ou l’enseignant doit être l’adulte qui accueille à la porte ses élèves. En outre, l’accueil ne suffit pas : une salutation spéciale de la main, une chorégraphie unique ou un geste amusant est encouragée. Ce premier contact visuel ne compte pas dans les deux contacts obligatoires par jour (lire plus loin). Il existe de nombreux exemples en ligne. À vous de les consulter et de faire un choix. Si votre signe distinctif stimule des sourires, c’est le bon choix!
2- Proximité physique
Rester assis derrière un bureau alors que les élèves font la file pour faire vérifier leurs travaux est un excellent moyen de… ruiner des échanges qui seraient autrement constructifs! La proximité physique signifie de se déplacer tout le temps dans le local entre les tables (en souhaitant que vous n’ayez plus de pupitres ni de bureau de prof!). Mieux encore, asseyez-vous parmi les élèves, exécutez une rotation de jour en jour entre les équipes. Ne feignez pas de vous intéresser à ce qu’ils font. Considérez également que les élèves réduisent grandement les comportements perturbateurs quand ils savent que l’enseignant est tout près.
3- Rappels d’informations
Tous les jours, deux fois par jour (aucune exception), demandez à vos élèves de recourir à leur mémoire pour rappeler à haute voix ce qui a été fait la veille, il y a 7 jours, 14 jours, 21 jours et 28 jours (ce cycle est expliqué dans une autre décofrigo). Ici aussi, misez sur l’humour et assurez-vous que les élèves ne sauront pas dans quel ordre vous poserez des questions. Mieux encore, laissez les élèves poser aussi des questions sur la matière qui a été vue auparavant. Bien que le recours à la mémoire soit primordial, rien n’empêche de rouvrir les cahiers de notes pour s’y retrouver à partir de la date. Quand les rappels d’informations deviennent une habitude, vous verrez des élèves relire de leur propre initiative leurs notes pour être mieux préparés! Incroyable!
4- Contacts visuels
Regardez tous vos élèves dans les yeux, souvent, et commencez par les élèves qui sont silencieux ou qui dérangent peu. En fait, le contact visuel est une manière d’indiquer à l’élève qu’il est important, mais aussi que vous n’ignorerez pas ses bons ou moins bons comportements pour le bien-être du groupe. Oubliez de regarder un élève, et lui ne l’oubliera pas. Alors pour se sentir exister dans ce groupe avec un prof qui l’ignore, il optera sans doute pour un comportement perturbateur.
5- Consignes et attentes claires
Le plus souvent, à moins de vivre des moments personnels difficiles que vous ne pouvez pas deviner, un élève dérange simplement parce qu’il est incapable de se représenter une tâche scolaire finie et réussie. Il suffit alors de permettre aux élèves de s’aider et, mieux encore, d’afficher des travaux réussis sur les murs (modèles vicariants). Par expérience, nous savons que les élèves ne copient jamais un travail exposé intégralement (ils en sont incapables), mais au moins, ils seront plus attentifs à une tâche qu’ils comprennent mieux.
6- Questionnement désigné
Cette dernière stratégie est la moins pratiquée en classe et pourtant la meilleure selon les recherches. Lorsque vous questionnez le groupe, pourquoi faire lever la main? Annoncez plutôt aux élèves : « Inutile de lever la main puisque tout le monde participe! » et choisissez vous-même qui répondra. Vous verrez la différence au niveau de la participation. Si l’élève n’arrive pas à répondre correctement, annoncez que vous lui accordez une minute, questionnez un autre élève puis redemandez à l’élève qui ne pouvait répondre plus tôt. Il a le droit de répéter ce qu’un autre a dit. Ici, le but est d’éviter de l’humilier et de rehausser son image sociale au sein du groupe afin qu’il ou elle ne se sente pas ignorant ou ignorante. Souvent, d’ailleurs, l’élève qui a la chance de se reprendre ajoute de l’information par rapport à la réponse d’une autre personne une fois sa mémoire stimulée.
En guise de conclusion
Au cours des 30 dernières années, j’ai voulu m’éloigner le plus possible de la punition, de la coercition ou de la menace pour gérer mon groupe d’élèves. Je me suis rendu compte que l’application de règles strictes sans solliciter l’opinion des élèves ruinait davantage ma propre expérience d’enseignant qu’elle ne l’aidait. Je sacrifiais mon humanité pour garder le contrôle. J’ai donc essayé toutes les stratégies pour approcher l’expérience scolaire de celle de la vie réelle. En outre, c’est la dévolution et ces divers signes de présence qui manquaient le plus dans ma classe. Ces 6 stratégies ramènent cette dévolution envers l’école. C’est à cette dernière que revient l’instauration de la confiance authentique dans la capacité de se changer soi-même. Le développement professionnel du personnel scolaire et la collaboration école-famille sont ainsi mieux servis.