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Travailler en CAP : Comment saurons-nous si nos élèves ont appris?

Dans cet article, il est question du processus qui permet aux enseignants et aux professionnels qui travaillent en communauté d’apprentissage professionnelle (CAP) de prendre collectivement des décisions pédagogiques en s’appuyant sur des données d’observation.

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Par Jacinthe Ruel, conseillère en transfert et innovation en éducation au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ), Alain Poirier, consultant en éducation et accompagnateur CAR, et Amélie Roy, conseillère en transfert et innovation en éducation au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ).

Dans une série de trois articles intitulée « La CAP en action! », les auteurs se penchent sur le processus de travail des équipes collaboratives qui participent au projet CAR : collaborer, apprendre, réussir, un mouvement qui regroupe une soixantaine de centres de services scolaires (CSS) au Québec et qui soutient le développement d’approches collaboratives visant la réussite de tous les élèves (Poirier et Roy, 2022a).

Dans une école qui fonctionne en CAP, les enseignants et les professionnels, regroupés en équipes collaboratives selon les niveaux, les matières ou les cycles, travaillent ensemble de façon systématique dans un but commun : la réussite de tous les élèves (Poirier et Roy, 2022b). Ils se rencontrent régulièrement pour répondre à trois questions (voir figure 1) :

  1. Que voulons-nous que nos élèves apprennent?
  2. Comment saurons-nous s’ils ont appris?
  3. Que ferons-nous pour les aider à apprendre?

Dans un article précédent (Ruel, Poirier et Roy, 2023), il a été question de la première question CAP : « Que voulons-nous que nos élèves apprennent? ». Le présent article, qui décrit le processus qui permet aux enseignants de prendre collectivement des décisions pédagogiques en s’appuyant sur des données d’observation, porte sur la deuxième question CAP : « Comment saurons-nous si nos élèves ont appris? ».

Figure 1 : Les trois questions CAPUne image contenant texte, conception

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Les données d’observation

D’abord, qu’entendons-nous par « données d’observation »? Aussi appelées « données primaires », les données d’observation sont les preuves de l’apprentissage fournies par les élèves dans le cadre d’activités d’évaluation formative et recueillies en classe à l’aide d’outils d’observation (p. ex. : réponses fournies par les élèves à l’oral ou à l’écrit lors d’un entretien de lecture ou d’un mini test en mathématiques). Elles sont produites par les premiers acteurs de l’enseignement-apprentissage : les élèves, les enseignants et les professionnels qui les soutiennent. Les données d’observation sont celles qui sont utilisées de façon continue par l’équipe collaborative pour vérifier le progrès des élèves, fournir à ceux-ci une rétroaction et ajuster l’enseignement en cours d’apprentissage (Communauté de pratique des accompagnateurs CAR : collaborer, apprendre, réussir, 2023).

Le cycle d’utilisation des données

Le cycle d’utilisation des données pour l’apprentissage s’effectue en classe et au sein de l’équipe collaborative. Il consiste à :

  • Observer en classe pour recueillir des données sur les apprentissages des élèves;
  • Organiser les données pour les partager en équipe collaborative;
  • Analyser les données pour vérifier le progrès des élèves et l’efficacité des stratégies d’enseignement;
  • Décider quoi enseigner, à qui et comment;
  • Enseigner tout en continuant d’observer!

Figure 2 : Cycle d’utilisation des données pour l’apprentissage

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Observer

En s’assurant d’utiliser des stratégies de gestion de classe qui favorisent l’autonomie des élèves et le fonctionnement en sous-groupes, les enseignants prennent le temps de recueillir régulièrement des preuves de l’apprentissage variées qu’ils consignent grâce à des outils d’observation comme des grilles d’appréciation avec un système de couleurs, des listes à cocher, un portfolio numérique ou des mini tests. Ces outils, qui portent sur des éléments observables reliés aux apprentissages ciblés (voir Ruel, Poirier et Roy, 2023), sont utilisés en cours d’apprentissage pour suivre le progrès des élèves.

Les données sont recueillies dans le cadre d’un processus continu d’évaluation formative qui peut comprendre la rétroaction de l’enseignant, l’évaluation par les pairs ou l’auto-évaluation. Comparativement à l’évaluation sommative, qui consiste à porter un jugement sur les compétences acquises en fin d’apprentissage, l’évaluation formative est une évaluation au service de l’apprentissage : elle renseigne les élèves sur leur situation par rapport aux cibles visées et sur la façon de les atteindre, et les enseignants sur les besoins des élèves et les ajustements nécessaires à leur enseignement pour répondre à ces besoins (Dufour et al., 2019).

Les membres de l’équipe collaborative utilisent des outils d’observation communs, déjà existants ou qu’ils ont créés, pour vérifier si les élèves ont réalisé les apprentissages visés. Les outils respectent les principes didactiques propres à chaque matière et favorisent l’évaluation des compétences plutôt qu’uniquement des connaissances des élèves (Dufour et al., 2019; Tardif, 2007). La tâche d’évaluation finale, aussi commune, est représentative de ce qui a été enseigné et permet de déterminer si les élèves sont prêts à commencer un nouveau cycle d’apprentissage. Parce qu’elles sont comparables d’une classe à l’autre, les données issues des évaluations communes permettent de soutenir de solides discussions pédagogiques.

Organiser

Au cours du cycle de travail collaboratif, les membres de l’équipe organisent les données d’observation recueillies. Des outils informatiques simples, comme des grilles dans Microsoft Excel, peuvent être utilisés pour mettre en commun les données et ainsi permettre aux membres de l’équipe de voir le portrait des apprentissages de tous les élèves concernés.

Différents portraits peuvent être produits à partir des données d’observation : le portrait des apprentissages d’une classe, d’un niveau scolaire ou d’un cycle. En mettant en commun leurs données, les membres de l’équipe collaborative peuvent obtenir le portrait d’un niveau ou d’un cycle et réaliser ensemble des constats sur les apprentissages de tous les élèves, même de ceux qui ne sont pas dans leur classe. Cette façon de travailler favorise la concertation et la collaboration.

Analyser

C’est en comparant leurs données que les membres de l’équipe collaborative peuvent poser des hypothèses sur ce qui semble avoir aidé les élèves à apprendre, qu’il s’agisse des stratégies d’enseignement utilisées, du matériel pédagogique employé ou du temps consacré à l’enseignement-apprentissage. Voici quelques exemples de questions que les membres de l’équipe se posent pour analyser les apprentissages des élèves et l’efficacité des stratégies d’enseignement :

  • Qu’est-ce que tous les élèves ou la majorité d’entre eux savent, comprennent ou sont capables de faire?
  • Pour quels apprentissages y a-t-il eu des progrès depuis la dernière rencontre?
  • Quels sont les défis d’apprentissage qui persistent, et pour quels élèves ou groupes d’élèves?
  • Quelles sont les stratégies d’enseignement qui semblent avoir eu de l’impact sur l’apprentissage?

Décider

Les membres de l’équipe collaborative peuvent alors prendre des décisions pédagogiques éclairées en déterminant les cibles d’apprentissage qui doivent être travaillées en priorité avec l’ensemble des élèves ou des sous-groupes d’élèves. Ils décident quoi enseigner, à qui, et comment. Ils s’engagent par la suite dans un nouveau cycle d’utilisation des données pour l’apprentissage afin de mesurer l’impact des interventions réalisées.

Conclusion

Le cycle d’utilisation des données pour l’apprentissage est au cœur même du fonctionnement en communauté d’apprentissage professionnelle (CAP). Les CAP qui ont le plus de succès sont celles qui suivent de près les progrès des élèves à l’aide d’évaluations communes et régulières, et qui ajustent l’enseignement sur cette base (Leclerc, 2012). Recueillies de façon continue, organisées et interprétées ou traduites en information « exploitable » par l’expertise et le jugement professionnel des membres de l’équipe collaborative, les données d’observation guident la prise de décision pédagogique et soutiennent l’amélioration continue de l’enseignement (Marsch & Farrel, 2015), et ce, pour le bénéfice de tous les élèves.  

Ne manquez pas le prochain article de la série « La CAP en action! » qui portera sur la troisième et dernière question CAP qui découle des constats réalisés lors de l’analyse des données : Que ferons-nous pour aider nos élèves à apprendre?

Pour voir la vidéo « Travailler en CAP : Comment saurons-nous si nos élèves ont appris? », cliquez ici

Pour plus de détails sur les données d’observation, voir le site Web CAR.

Références

Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec [CTREQ]. (2018). Apprentissages essentiels. Que voulons-nous que nos élèves apprennent? CAR : collaborer, apprendre, réussir. http://projetcar.ctreq.qc.ca/apprentissages-essentiels/

Communauté de pratique des accompagnateurs CAR : collaborer, apprendre, réussir. (2023). Guide de l’accompagnement CAR (document interne).

Dufour, R., DuFour, R., Eaker, R., Many, T. W., et Mattos, M. (2019). Apprendre par l’action. Manuel d’implantation des communautés d’apprentissage professionnelles (3e éd.). Presses de l’Université du Québec.

Leclerc, M. (2012). Communauté d’apprentissage professionnelle. Guide à l’intention des leaders scolaires. Presses de l’Université du Québec.

Marsch, J.A., et Farrel, C.C. (2015).  How leaders can support teachers with data-driven decision making: A framework for understanding capacity building. Educational Management Administration & Leadership, 43(2), 269-289. doi: 10.1177/1741143214537229

Poirier, A., et Roy, A. (2022a). Projet CAR : collaborer, apprendre, réussir ! École branchée : enseigner à l’ère du numériquehttps://ecolebranchee.com/projet-car-collaborer-apprendre-reussir/

Poirier, A., et Roy, A. (2022b). Travailler en CAP, ça veut dire quoi? École branchée : enseigner à l’ère du numériquehttps://ecolebranchee.com/travailler-en-cap-ca-veut-dire-quoi/

Ruel, J., Poirier, A., et Roy, A. (2023). La CAP en action : Que voulons-nous que nos élèves apprennent? École branchée : enseigner à l’ère du numérique. https://ecolebranchee.com/la-cap-en-action/   Tardif, J. (2007). Pour un enseignement stratégique : L’apport de la psychologie cognitive.  Éditions Logiques.

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