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Les réactions aux compressions budgétaires en éducation annoncées au Québec

Les imposantes compressions budgétaires imposées aux établissements scolaires québécois pour 2025-2026 provoquent une levée de boucliers. Directions, syndicats, centres de services scolaires et parents dénoncent des coupes qui frapperont directement les services aux élèves, le personnel et l'écosystème. Retour sur une semaine de vives réactions.
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Table des matières

Annoncé en mars dernier, le budget du Québec 2025-2026 prévoit une maigre augmentation de 2,2 % des dépenses pour le milieu scolaire, ce qui ne couvre pas les augmentations salariales récemment consenties dans le réseau. Les directions d’établissements scolaires du Québec ont appris ce que cela allait réellement signifier : elles devront effectuer des compressions budgétaires évaluées à 570 millions de dollars pour l’année scolaire à venir.

Cette annonce suscite l’inquiétude dans les milieux, autant de la part des intervenants sur le terrain que des parents. On fait le point sur les informations qui ont circulé au cours des derniers jours.

C’est en début de semaine que les directions générales des établissements scolaires ont reçu les informations concernant les compressions à effectuer de la part du ministère. 

Comme le rapporte Daphné Dion-Viens dans le Journal de Québec, les règles budgétaires transmises au réseau scolaire comprennent une mesure générale pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire et une mesure générale pour l’optimisation des effectifs, qui vise à limiter la croissance du nombre d’employés dans le réseau scolaire. Finalement, chaque centre de services scolaire a reçu une cible précise. Les écoles privées, bien que partiellement subventionnées au Québec, devront également participer à l’effort, ce qui pourrait entraîner des coupes de 5,4 % et une facture plus élevée pour les parents.

Ces demandes de restrictions budgéraires s’ajoutent à d’autres coupures déjà annoncées au cours des derniers mois, notamment les mesures budgétaires retirées en décembre dernier. Des estimations parlent maintenant d’un manque à gagner de près d’un milliard de dollars, ce qui pourrait avoir un impact significatif sur les services aux élèves.

Par ailleurs, d’autres coupures ont été annoncées dans le réseau au cours des derniers jours, notamment la fin des mandats des équipes des services nationaux du RÉCIT pour la formation professionnelle et la formation générale aux adultes.

Ces mauvaises nouvelles arrivent en toute fin d’année scolaire et à la fin de la période de consultations sur les règles budgétaires en éducation, ce qui ne donne que peu de temps au réseau pour s’ajuster. Certains espèrent des assouplissements d’ici à ce que les règles budgétaires finales soient publiées plus tard cet été.

Du côté des syndicats enseignants

Les syndicats enseignants ont rapidement condamné les compressions budgétaires annoncées. 

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) y voit un dangereux retour à l’austérité dans les écoles. Son président, Éric Gingras, fustige le gouvernement Legault pour ses « esquives sémantiques » : persister à prétendre qu’il ne s’agit pas de compressions mais d’un simple respect du budget, c’est « prendre le personnel – et les parents – pour des valises », lance-t-il.

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) renchérit que ces coupes découlent de « choix politiques » du gouvernement (tels que les baisses d’impôts et la réduction de la taxe scolaire) et que « les profs n’en peuvent plus de tenir le réseau à bout de bras ».

De son côté, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) dénonce le caractère « indécent » de cet effort budgétaire. La FAE presse la Coalition Avenir Québec de trouver les fonds manquants autrement, affirmant que ce n’est pas aux écoles de « se sacrifier » pour combler le manque à gagner. Elle critique la multiplication des « choix électoralistes » par le gouvernement – par exemple la nouvelle mouture du projet de troisième lien annoncée simultanément – et affirme qu’« il est temps d’investir là où ça compte vraiment », c’est-à-dire dans les services éducatifs plutôt que dans des projets controversés.

Les syndicats du personnel scolaire affiliés à la CSQ partagent ces préoccupations. 

Le personnel de soutien (FPSS-CSQ) dénonce des mesures d’austérité « déguisées » qui affaiblissent le réseau scolaire et exige « un changement immédiat de cap » de la part du ministre de l’Éducation. 

Du côté des professionnels de l’éducation (FPPE-CSQ), on souligne que le ministre Drainville « affaiblit le réseau scolaire au lieu de le renforcer » : ces coupes « minent les services aux élèves » et laissent déjà 15 % des postes de professionnels vacants qui « ne seront jamais comblés », ce qui fait craindre que « ce sont les élèves, particulièrement ceux en difficultés […] qui en feront les frais ». 

L’ensemble des syndicats avertit que de telles compressions risquent de compromettre la réussite des élèves et la valorisation du personnel – à rebours du discours officiel qui prétend faire de l’éducation une priorité.

Du côté des directions d’école

Les directions d’établissement scolaires sonnent l’alarme face à ces compressions jugées « draconiennes ». Dans un communiqué, des associations de directions affirment que ces coupes vont « mettre en péril » le système d’éducation et demandent au ministre Bernard Drainville de faire marche arrière. « Le ministre Drainville doit agir comme le dernier rempart pour faire reculer le gouvernement », déclare Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), exhortant le ministre à défendre les écoles du Québec.

Le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement (FQDE), Nicolas Prévost, dénonce pour sa part la « fausse rhétorique » du gouvernement qui prétend que les élèves ne seront pas touchés. Selon lui, avec une augmentation des budgets limitée à ~2 %, il est illusoire de penser épargner les services aux élèves : « D’avoir l’audace de dire qu’il ne faut pas couper les services à l’élève… c’est impossible. Tout budget qui vient dans nos écoles, c’est pour les élèves. C’est pas pour nous organiser des cocktails le soir ! » lance-t-il sans détour. Autrement dit, toute compression se traduira nécessairement par une diminution de services sur le terrain, malgré les assurances contraires du ministère.

Plusieurs directions témoignent de leur consternation et de leurs craintes. L’AMDES souligne que les premières victimes de ces coupes seront « les familles en situation de vulnérabilité » et « les enfants à besoins particuliers », qui risquent de perdre des services essentiels, et indique que ses membres sont « sous le choc » devant l’ampleur des restrictions. 

Un directeur d’école primaire de Sherbrooke a même lancé un appel à la mobilisation. Dans une lettre ouverte largement partagée, il énumère les impacts concrets des compressions pour son école : abolition de l’aide alimentaire et de nombreuses activités culturelles et sportives, aucun nouvel achat de livres pour les bibliothèques, pas d’ajout de services spécialisés malgré des besoins croissants, réduction drastique de la formation du personnel, etc. Il invite la population à se mobiliser et à contacter leurs élus pour dénoncer la situation et soutenir le réseau scolaire. 

Même les représentants de l’enseignement privé – habituellement discrets – ont joint leur voix à ce front commun, suppliant Québec de revoir sa décision : « Il est encore temps de rectifier le tir et de faire de l’éducation une véritable priorité nationale », clament la FEEP et l’ADIGESEP (regroupement des directions d’écoles privées) dans leur sortie publique.

Ce cri du cœur illustre la profonde inquiétude qui règne chez les gestionnaires d’école quant à la prochaine rentrée.

Dans les centres de services scolaires

Les centres de services scolaires (CSS) – qui gèrent les établissements publics depuis la fin des commissions scolaires élues – dressent un constat similaire. La Fédération des CSS du Québec, par la voix de son PDG Dominique Robert, avertit qu’il est « impossible d’atteindre la cible [de compressions] demandée sans toucher les services aux élèves ». Il parle de « compressions majeures, avec des conséquences majeures » pour les écoles du Québec.

Les chiffres officiels confirment l’ampleur inédite de l’effort exigé. Selon le ministère de l’Éducation, l’« effort budgétaire » imposé au réseau pour 2025-2026 s’élève à 570 millions $, dont 510 M$ pour le réseau public. Or, le manque à gagner réel serait bien plus élevé – autour d’1 milliard $ – d’après les estimations qui circulent dans le réseau scolaire, un chiffre confirmé par l’Association québécoise des cadres scolaires et l’Association des directions générales scolaires du Québec. En effet, les « mesures d’économie » exigées dépassent souvent les coûts administratifs mêmes des centres de services : concrètement, l’abolition de tous les postes administratifs ne suffirait même pas à atteindre les cibles, a illustré la directrice générale du CSS des Rives-du-Saguenay, Chantale Cyr. « Résultat : il sera “impossible” de ne pas couper dans les services directs aux élèves », a résumé Mme Cyr en entrevue radio, confrontée à un effort de 14 M$ pour son centre alors que sa fermeture complète n’en économiserait que 9 M$.

Plusieurs gestionnaires de CSS qualifient la situation de sans précédent. Au CSS des Laurentides, par exemple, la direction générale a décrit un contexte « inédit » et assuré que tout serait mis en œuvre pour limiter les impacts, « néanmoins, certains services pourraient être réduits, réorganisés, voire abolis » à la rentrée faute de ressources suffisantes. 

Même les écoles privées subventionnées n’échappent pas au couperet : elles devront réduire leurs dépenses de ~56 M$, une baisse de financement de 5,4 % par rapport à 2024-2025. 

Du côté anglophone, l’Association des commissions scolaires anglophones (ACSA/QESBA) a elle aussi vivement réagi en dénonçant des « coupes astronomiques » imposées à tout le réseau éducatif québécois en fin d’année scolaire.

Face à la grogne généralisée, le cabinet du ministre Drainville se défend de sabrer dans l’éducation. Il affirme « agir de façon responsable » pour que les CSS respectent leur part du budget de 23,5 G$ en éducation. Québec soutient qu’il ne s’agit « pas de coupures, mais plutôt d’une croissance moins élevée que par le passé » – le budget global de l’éducation augmentera tout de même de +1,1 G$ en 2025-2026 par rapport à l’an dernier. 

Cependant, aux yeux du réseau scolaire, il s’agit bel et bien de compressions déguisées. Les sommes allouées restant inférieures aux montants requis pour couvrir la hausse des coûts (nouvelles cohortes d’élèves, inflation, salaires, etc.), plusieurs acteurs accusent le gouvernement de « jouer sur les mots » lorsqu’il prétend qu’il n’y a pas de coupes en éducation. Beaucoup comparent d’ailleurs l’ampleur de cet effort budgétaire à la grande austérité de 2015, soulignant qu’en valeur absolue, les mesures imposées pour 2025-2026 sont encore plus drastiques que celles décrétées par le gouvernement libéral entre 2011 et 2016.

Du côté des parents

Les associations de parents et autres regroupements du milieu éducatif ont, elles aussi, réagi officiellement pour exprimer leurs préoccupations. La Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ) – qui représente les parents d’élèves du réseau public – a fait part de son inquiétude dès le dévoilement du budget provincial 2025-2026. Dans son communiqué du 26 mars 2025, la FCPQ salue la volonté du gouvernement de maintenir l’éducation au rang de priorité nationale, mais s’inquiète du ralentissement des investissements dans le milieu scolaire. Son vice-président Jérôme Maltais y réagit en rappelant qu’il est « impossible de resserrer les budgets en éducation sans affecter les services aux élèves », puisque tout dans les écoles vise à répondre aux besoins des jeunes. La FCPQ regrette notamment que certaines mesures d’aide aux élèves en difficulté, mises en place lors du plan de rattrapage post-pandémie, ne soient pas reconduites (par exemple le tutorat gratuit ou la gratuité des cours d’été). Elle demande au gouvernement de la souplesse dans l’utilisation des budgets alloués et de respecter le principe de subsidiarité (laisser aux instances locales la liberté de prioriser les besoins) afin de mieux soutenir les élèves.

Une fois les compressions précisées en juin 2025, la FCPQ a réitéré ses craintes quant aux impacts sur les élèves. Sa présidente, Mélanie Laviolette, souligne que les élèves en difficulté seront les premiers à écoper de ces coupes. « Ce n’est pas une bonne nouvelle. On va devoir couper dans l’orthopédagogie, dans l’éducation spécialisée, dans les psychologues, les sexologues, dans [tous les services] qui ne sont pas de l’enseignement », déplore-t-elle, en rappelant que ces services complémentaires sont cruciaux pour une éducation de qualité. La FCPQ exhorte le gouvernement à tenir ses engagements envers les élèves et à préserver les mesures de soutien qui ont fait leurs preuves. Elle se dit prête à collaborer avec les autorités pour trouver des solutions, mais insiste pour que l’école québécoise ne subisse pas un nouveau cycle de compressions budgétaires dommageables.

Au-delà des instances officielles, plusieurs groupes de parents et citoyens engagés ont fait entendre leur voix pour dénoncer ces compressions. Le mouvement Je protège mon école publique (JPMEP), né il y a une dizaine d’années dans la foulée des mobilisations contre l’austérité en éducation, se dit scandalisé de revoir pareil scénario en 2025. « On est nés à cause des compressions en éducation, et là, c’est pire », affirme sa porte-parole Patricia Clermont, en exprimant son indignation profonde. Elle déplore que la situation s’envenime d’autant plus avec l’« opération de maquillage » orchestrée par le gouvernement Legault pour minimiser la portée des coupes : jouer ainsi sur les mots ne fait qu’ajouter au découragement et à la perte de confiance, selon elle. Pour JPMEP, voir renaître des compressions encore plus importantes qu’autrefois représente un grave recul après les efforts consentis ces dernières années pour valoriser l’école publique.

Le Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ) – un collectif indépendant de comités de parents – partage ce constat et use de mots tout aussi forts. Son porte-parole, Sylvain Martel, dénonce des compressions qui vont « frapper fort » dans le réseau, même si le gouvernement refuse d’admettre qu’il s’agit de coupes. « C’est frustrant de se faire prendre pour des épais » lance-t-il, reprochant au gouvernement Legault « d’essayer de jouer sur les mots » au lieu d’assumer les choix posés. Il souligne par ailleurs l’ironie de ces coupes alors que Québec semble trouver des fonds pour un « projet pharaonique dont on n’est même pas sûrs qu’on a besoin » – une référence au projet de troisième lien autoroutier annoncé presque simultanément. « J’ose espérer qu’il y aura de l’indignation populaire, ça n’a aucun sens », ajoute Sylvain Martel, appelant ainsi les citoyens et parents à réagir en masse pour faire pression sur le gouvernement.

De manière générale, ces regroupements de parents et d’usagers du système scolaire expriment une profonde colère mêlée de tristesse. Ils estiment que le gouvernement sacrifie la réussite et le bien-être des élèves, en particulier des plus vulnérables, sur l’autel de l’austérité budgétaire. Partout revient la crainte de voir disparaître des services essentiels : moins de personnel professionnel pour soutenir les élèves en difficulté, moins d’activités pédagogiques et parascolaires, moins de ressources pour l’aide aux devoirs, etc. – autant de leviers pourtant incomparables pour l’égalité des chances. Cette perspective révolte les parents, qui y voient un reniement de la promesse de faire de l’éducation « la grande priorité » du Québec. 

Plusieurs organismes citoyens se préparent ainsi à maintenir la pression (campagnes d’information, pétitions, manifestations) afin que ces compressions soient revues et que l’investissement dans les écoles redevienne une priorité politique.

Les points principaux des préoccupations 

Parmi les impacts craints ou confirmés, on note : 

  • la fin ou la réduction des activités de développement professionnel pour le personnel scolaire
  • la cession de services spécialisés pour les élèves
  • la répartition des tâches non comblées entre les membres du personnel en place
  • le retrait de certaines activités culturelles et sportives
  • le retrait de l’achat de livres et de matériel pour la bibliothèque
  • le report de construction et d’agrandissement d’école

L’ensemble de ces réactions révèle des thèmes dominants partagés par tous les acteurs du réseau éducatif québécois en 2025 :

  • Refus des « compressions déguisées » 
  • Impacts sur les élèves vulnérables
  • Déception envers les priorités gouvernementales
  • Appels à l’action et à la mobilisation

Solidarité en ligne

En consultant les médias et les réseaux sociaux, il est facile de constater que les réactions sont nombreuses. 

  • Un vaste mouvement s’est enclenché sur les réseaux sociaux, invitant les utilisateurs à modifier leur photo de profil pour une image mentionnant « Ensemble, unis pour l’école ». 

Un aperçu des articles de journaux : 

Aussi : Les Cégeps dans la même situation 

Une lettre du directeur de l’École de Carillon (CSS de la Région-de-Sherbrooke)

Avec la collaboration de Martine Rioux et Audrey Miller

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