Par Martine Rioux
Loin est l’époque où la bibliothèque scolaire était un espace silencieux réservé uniquement à la lecture. Aujourd’hui, elle est définie comme une « porte ouverte sur la culture, […] un lieu de découverte, de création, de recherche et de collaboration ». En 2024, le ministère de l’Éducation du Québec a publié son tout premier document officiel consacré au rôle des bibliothèques scolaires.
L’objectif du Cadre de référence : La bibliothèque scolaire au carrefour des apprentissages est d’offrir au réseau scolaire québécois une vision commune de la bibliothèque comme levier de réussite éducative. Ce document marque une première : le ministère y reconnaît officiellement le rôle du personnel en bibliothéconomie — bibliothécaires et techniciens en documentation — ainsi que la nécessité de leur pleine intégration aux équipes-écoles.
Destiné à l’ensemble du personnel scolaire, ce cadre vise à harmoniser les pratiques et à favoriser la collaboration. Il rappelle que la bibliothèque scolaire dépasse largement le simple service de prêt : elle constitue un espace physique et numérique dynamique, propice à la découverte, à l’innovation et à la réussite de tous les élèves.
« La bibliothèque n’est plus un endroit où l’on entrepose des livres; elle doit devenir un lieu dynamique qui permet d’apprendre, d’échanger, d’agir, de produire, d’explorer et de collaborer. Le carrefour d’apprentissage se veut flexible et accessible en tout temps (physiquement et virtuellement). Il propose des services d’aide et un espace pour la pédagogie active et inclusive, qui favorisent la mise en valeur des compétences informationnelles. » (Conseil supérieur de l’éducation, Éduquer au numérique, 2020, p.57)
Tel qu’énoncé dans le document, la bibliothèque au carrefour des apprentissages :
- Constitue le point de rencontre de différentes expertises à la fois bibliothéconomiques et pédagogiques, par la mise en place d’une structure de collaboration et de partage;
- Choisit la variété de ses ressources (principalement de livres, mais également d’albums, de documentaires, de manuels, d’encyclopédies, etc.) en considérant au premier chef le Programme de formation de l’école québécoise, selon des critères étroitement liés aux différentes exigences disciplinaires ainsi qu’aux pratiques pédagogiques qui s’y rattachent;
- Contribue, par ses services, à soutenir l’actualisation d’une variété d’approches pédagogiques et d’activités d’apprentissage où la résolution de problèmes, la recherche, l’expérimentation, la création et l’innovation sont privilégiées;
- Offre un environnement flexible, inclusif, dynamique et sécuritaire par ses installations et ses infrastructures physiques et numériques permettant la rencontre des élèves et des enseignants de tous les niveaux et de toutes les disciplines.
Quatre axes pour structurer l’action
Le document présente une vision autour des quatre dimensions suivantes.
- Collaboration et personnel qualifié
Cet axe souligne l’importance pour le personnel enseignant, les directions et les autres membres de l’équipe-école de travailler main dans la main avec le personnel en bibliothéconomie. Cette collaboration permet de maximiser l’utilisation des ressources, d’appuyer la planification pédagogique et de soutenir le développement des compétences informationnelles et médiatiques des élèves.
- Ressources
Le cadre insiste sur la rigueur dans le choix et l’organisation des documents imprimés et numériques. Les ressources doivent répondre aux exigences disciplinaires et pédagogiques du Programme de formation de l’école québécoise, refléter la diversité culturelle et linguistique, et être adaptées aux différents niveaux scolaires.
- Services
La bibliothèque scolaire est présentée comme un lieu de services variés : accompagnement des projets pédagogiques, soutien à la lecture, développement des compétences informationnelles, organisation d’activités culturelles, promotion de la littératie numérique et contribution à la formation continue du personnel scolaire.
- Environnements
Le document décrit la bibliothèque comme un environnement d’apprentissage moderne et inclusif, à la fois physique et numérique. Les aménagements doivent favoriser la collaboration, la créativité et la concentration, tout en permettant l’accès aux ressources sur place et à distance.
L’aménagement de la bibliothèque doit prévoir :
- Zone de rassemblement : Accueillir une classe pour réaliser des activités d’animation et de formation
- Zone de rayonnage : Organiser, donner accès et mettre en valeur la collection de ressources physiques
- Zone de travail ou de lecture : Créer un espace adaptable permettant le travail individuel, en petites ou grandes équipes; créer des zones de lecture confortables
- Zone pour le personnel : Avoir un espace de travail fonctionnel permettant d’accueillir les élèves et de faire les opérations de prêt et de retour.
- Zone multimédia, informatique et robotique : Avoir un espace qui permet l’utilisation des nouvelles technologies en fonction des choix de l’école : tournage ou enregistrement vidéo et audio, outils de création et de dessins numériques, imprimante 3D, etc.
À cela, s’ajoute un local de recharge et un dépôt.
Évaluation de la bibliothèque scolaire
La vision de la bibliothèque comme carrefour des apprentissages proposé dans le cadre de référence s’appuie sur une évaluation continue, à la fois réflexive et statistique, des activités, des collections, des équipements et même du personnel. Elle encourage des analyses régulières qui serviront à orienter les décisions, ajuster l’offre et maintenir des standards de qualité.
« Des outils et des grilles d’analyse doivent permettre d’établir un portrait de situation de la bibliothèque scolaire et d’identifier les éléments à améliorer pour développer la bibliothèque au carrefour des apprentissages », lit-on dans le document. Trois niveaux d’évaluation pourraient être prévus : à l’échelle de l’école (impact sur les apprentissages), du centre de services ou de la commission scolaire (analyse globale des données) et du ministère (portrait provincial et ajustement des orientations et financements).
En somme, le Cadre de référence : La bibliothèque scolaire au carrefour des apprentissages marque un tournant décisif dans la reconnaissance du rôle central que joue la bibliothèque au sein de l’école québécoise. En misant sur une vision partagée, fondée sur la collaboration interprofessionnelle, des ressources diversifiées, des services ciblés et des environnements d’apprentissage stimulants, le ministère de l’Éducation propose un levier concret pour favoriser la réussite, l’inclusion et le développement des compétences du XXIᵉ siècle. En plaçant les bibliothèques scolaires au cœur de la pédagogie, ce cadre ouvre la voie à une transformation durable des pratiques éducatives, à condition que les ressources humaines et matérielles nécessaires soient au rendez-vous.