par Marie Soulie, professeure de français et formatrice en pédagogie active et numérique éducatif
Je suis professeure de français au collège Daniel Argote à Orthez depuis une dizaine d’années. J’ai imaginé un projet annuel autour des tableaux de la peintre américaine Laurel Holloman. Cette artiste vit à Los Angeles, et crée des œuvres très colorées, de grands formats, abstraites, suggérant le mouvement et les éléments (eau, ciel, feu…).
Avec l’accord de l’artiste, j’ai présenté ses créations en début d’année aux élèves de 6e, qui les accueillirent avec enthousiasme. L’imagination avivée par les couleurs et les mouvements va, selon moi, leur permettre de laisser libre cours à leur créativité.
C’est en profitant de cet engouement que je concrétise un projet d’atelier d’écriture hebdomadaire. J’aménage (lumières atténuées, musique classique…) quelque peu la salle de cours que j’occupe, initialement limitée à 20 personnes, pour recevoir un groupe d’élèves constitué de jeunes de 5e et de 6e.
L’objectif énoncé est de créer un musée virtuel, inspiré par les œuvres de l’artiste américaine.
Pour que les élèves se les « approprient », ils sont invités tout d’abord à donner un nom à chacune des toiles présentées, sans connaître le titre original, naturellement! Ensuite, nous avons créé un « mur de mots » (data wall) regroupant sous forme de « Post-it », les termes inspirés par leurs ressentis face aux toiles. Les élèves utilisent cette ressource collective pour construire un poème, dédié à chacune des œuvres. Individuellement ou en groupes, ils associent à la peinture, outre leur poésie, une musique et une vidéo qu’ils créent de toutes pièces avec des outils numériques.
Le musée ainsi présenté montre le plaisir évident des enfants à créer un univers conjuguant musique, vidéo, poésie et peinture. Cette première étape permet aux élèves d’activer leur capacité de création.
J’avoue que je suis ravie de mener ce projet car je suis absolument fière des créations proposées. Le fait d’avoir l’approbation de l’artiste et son soutien est évidemment incroyablement stimulant pour l’ensemble du groupe. Je pense également que le regard des enfants qui n’ont pas encore une grande culture artistique est « pur ». Ils osent et entrent dans les œuvres sans complexe, et c’est peut-être cette spontanéité et cette franchise que recherche notamment un artiste. Je constate un apport réciproque entre l’adulte et les élèves, les bonnes idées n’étant pas réservées à l’une ou aux autres.
Au second trimestre, l’écriture d’une nouvelle fantastique concentrera l’énergie de ces jeunes créateurs, avec un scénario original adopté par les élèves :
Un amoureux d’art perd l’usage de reconnaissance des couleurs. Sa visite à une exposition de Laurel Holloman le bouleverse, et l’entraînera vers des aventures qui lui permettront de recouvrer la vision colorée.
Un travail collectif dans un padlet permettra à tous d’exercer leur capacité d’écriture, de collaboration. Aussi, les élèves devront user de tolérance, d’effort de compréhension de l’autre, et enfin de négociation pour aboutir à l’œuvre collective qui pourrait être imprimée. À suivre!
Quant à l’artiste américaine, quel regard porte-t-elle sur ce travail? Elle avoue une vive émotion, notamment en considérant le regard épuré des enfants sur l’œuvre picturale. La spontanéité de leurs réactions, l’accord entre leur ressenti et ce qu’elle souhaitait exprimer initialement l’enthousiasment. La « manipulation numérique » de ses oeuvres ne la choque pas. Elle y voit un moyen pour les élèves de comprendre et de vivre des émotions grâce à l’art abstrait.
Une onde artistique traverserait-elle l’Atlantique, sans crainte d’un quelconque virus, hormis peut-être celui de la création artistique qui ne semble pas réservé uniquement aux professionnels?
Dimension(s) de la compétence numérique en lien avec cet article
12- Innover et faire preuve de créativité avec le numérique
Voir le Cadre de référence.