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Lire à l’écran et lire sur papier, mêmes stratégies?

Les stratégies de lecture sur papier ont-elles été transférées à l’écran? C’est la question que se sont posée Isabelle Carignan, chercheure en éducation à l’Université TÉLUQ, et ses collègues. La réponse n’est pas si simple. « La lecture à l’écran est à la fois similaire et différente de la lecture sur papier », écrivent-elles. Mais une chose est sûre, certaines stratégies de lecture sur papier sont mobilisées lorsqu’on lit sur un écran.

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Par Isabelle Carignan, Université TÉLUQ ; France Legault, Université TÉLUQ et Marie-Christine Beaudry, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Écrans d’ordinateur, tablettes, téléphones intelligents… La lecture à l’écran fait partie intégrante de notre quotidien. C’est donc sans surprise que les chercheurs s’y intéressent vivement depuis quelques décennies.

Mais quelles sont les stratégies de lecture qui sont mobilisées sur les supports numériques ?

Nous sommes trois chercheures intéressées notamment par la littératie médiatique et nos recherches sont en lien direct avec le milieu scolaire. En éducation, la littératie médiatique correspond à l’enseignement des compétences à lire, à écrire et à s’exprimer oralement au moyen des médias (médias sociaux, vidéos en ligne, journaux, etc.).

Papier, écran, même mode de fonctionnement ?

Dans cet article, nous optons pour le terme plus englobant de « lecture à l’écran », et non de « lecture numérique » ou de « lecture en ligne ». En effet, une personne peut consulter un document en format PDF ou dans un logiciel de traitement de texte sans avoir accès à Internet. Elle peut également lire un livre électronique sur une liseuse dans laquelle il n’y a pas d’hyperliens à activer. Enfin, elle peut choisir de lire à l’écran au moyen de navigateurs Web et de faire une recherche par mots-clés pour avoir accès à une information.

Lorsqu’on parle de lecture à l’écran, il peut s’agir de la lecture sur différents supports électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, liseuse), de documents numériques ayant une structure linéaire (traitement de texte, PDF) ou de contenus Web de toute nature (textes, hyperliens, vidéos, images fixes, images animées, publicités).

La lecture à l’écran est à la fois similaire et différente de la lecture sur papier. Des stratégies de lecture en version papier sont mobilisées en contexte de lecture à l’écran. Par contre, alors que la lecture traditionnelle sur papier est plus linéaire, celle à l’écran l’est moins. Souvent, la lecture à l’écran se fait par survol (comme la lecture des sous-titres ou en diagonale).

Contrairement à la lecture traditionnelle sur papier, il est plus facile pour le lecteur de dévier de son intention de lecture initiale, en cliquant, par exemple, sur l’hyperlien d’une vidéo ou d’une photo qui ne concerne pas nécessairement son intention de lecture.

La lecture à l’écran implique également l’emploi de compétences informationnelles. Celles-ci sont des savoir-faire permettant de cibler un objet de recherche, de le trouver, d’évaluer l’information trouvée et de la réutiliser au besoin. Par exemple, lorsqu’on lit à l’écran, il est souvent nécessaire de faire une recherche par mots-clés sur un moteur de recherche avec une intention de lecture précise. L’écran du téléphone intelligent ou de la tablette est à portée de main et est souvent plus rapide. C’est ce qui explique que les recherches par mots-clés soient plus fréquentes lorsqu’on lit à l’écran. Par contre, il arrive aussi parfois que l’on doive, par exemple, chercher la définition d’un mot sur notre téléphone cellulaire lorsqu’on lit en version papier.

Cette recherche d’information mobilise alors des stratégies de lecture à l’écran ainsi que des compétences informationnelles qui sont utilisées en constante interaction.

Confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles

Dans les recherches, nous notons parfois une confusion entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles.

Les stratégies de lecture à l’écran permettent de comprendre les informations contenues dans les textes, que ce soit à l’intérieur des phrases, entre les phrases, de façon globale, en interprétant et aussi en rétablissant la compréhension s’il y a eu un problème de compréhension. Le fait de survoler un texte, d’identifier les idées les plus importantes et de prédire la suite d’un texte à l’écran sont des stratégies de lecture, mais elles peuvent aussi l’être en version papier.

Les compétences informationnelles font plutôt référence au fait d’effectuer une recherche par mots-clés en raison d’un besoin d’information, et ensuite de localiser, d’évaluer et d’utiliser ces informations en fonction de l’intention de cette recherche d’information. Les compétences informationnelles permettent de vérifier la fiabilité d’une source pour éviter de propager de fausses informations, par exemple. Toutes ces compétences informationnelles sont utilisées en contexte de lecture à l’écran, en interaction avec les stratégies de lecture.

Les interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles sont représentées dans la figure ci-dessous. Quant aux habiletés techniques (comme utiliser la barre de défilement, les flèches, les fonctions comme CTRL + F), qui permettent de bien fonctionner à l’écran et de maitriser les outils technologiques, elles permettent un va-et-vient entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles. Elles ne mobilisent cependant pas la compréhension de texte.

schéma présentant les interactions entre les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles
Il y a des interactions constantes entre les stratégies de lecture à l’écran, les habiletés techniques et les compétences informationnelles.
(Isabelle Carignan), Fourni par l’auteur

Quelques constats et irritants du milieu scolaire

Les ressources pédagogiques portant sur les stratégies de lecture applicables à l’écran étant très limitées, les enseignants vont souvent enseigner des stratégies de lecture applicables sur papier issues de différents modèles. Dans certains cas, ne se sentant pas suffisamment outillés, ils préfèrent en enseigner quelques-unes à l’écran ou simplement ne pas les enseigner. De même, ce ne sont pas tous les enseignants qui connaissent les compétences informationnelles ou encore qui les montrent à leurs élèves. Enfin, les stratégies et les compétences sont nombreuses et le vocabulaire utilisé diffère parfois d’un enseignant à l’autre : de quoi ajouter à la confusion que nous constatons parfois quand on parle de lecture à l’écran.

Par ailleurs, au secondaire, cet enseignement de stratégies et de compétences se retrouve souvent dans la cour des enseignants de français. Les enseignants des autres disciplines (mathématique, science) ne sont pas outillés et n’outillent pas nécessairement les élèves avec des stratégies de lecture à l’écran, par exemple. Au primaire, bien que les titulaires enseignent toutes les disciplines, l’enseignement des stratégies de lecture à l’écran n’est pas nécessairement réalisé non plus.

Les stratégies de lecture à l’écran et les compétences informationnelles sont importantes à mobiliser, et ce, dans toutes les matières. Dès un très jeune âge, le numérique est omniprésent autant en salle de classe que dans la vie personnelle des élèves. Afin d’outiller adéquatement ces derniers, il apparait nécessaire de sensibiliser les enseignants à l’importance de les montrer à leurs élèves.

D’autant qu’être – ou devenir – des citoyens numériques critiques et éclairés est crucial pour éviter de croire de fausses informations ou de les propager.

Par Isabelle Carignan, Professeure titulaire, Université TÉLUQ ; France Legault, conseillère pédagogique RÉCIT- responsable d’équipe, Université TÉLUQ et Marie-Christine Beaudry, Professeure en didactique du français, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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