par Matthias Pepin, professeur adjoint
Maripier Tremblay, professeure agrégée
Luc K. Audebrand, professeur titulaire
Département de management – FSA ULaval
En 2017, l’Université Laval introduisait l’entrepreneuriat responsable dans sa Planification stratégique, mentionnant que les projets avec des retombées sociales ou environnementales positives seraient désormais promus et favorisés. Depuis, beaucoup de travail a été réalisé pour intégrer la notion de responsabilité dans les cours d’entrepreneuriat et dans l’accompagnement des projets d’entreprises des étudiants-entrepreneurs sur le campus. Quelles leçons peuvent être tirées de l’expérience de l’Université Laval pour l’éducation entrepreneuriale tout au long du continuum scolaire ? C’est l’objet de ce court article.
Des atouts propices : l’entrepreneuriat et le développement durable
L’Université Laval a une longue histoire en entrepreneuriat. Dès 1993, Entrepreneuriat Laval, l’incubateur d’entreprises de l’université, voyait le jour. En 2004, le Profil entrepreneurial était créé, soit un programme de 12 crédits permettant à des étudiant·e·s de baccalauréat de nombreuses facultés d’ajouter une dimension entrepreneuriale à leur programme d’études. Le développement durable (DD) occupe également une place centrale à l’Université Laval depuis 2007, date de sa Politique institutionnelle en la matière. De nombreux chantiers ont été entrepris et l’Université Laval est entre autres devenue le premier campus carboneutre au Canada sur une base volontaire. Dans ce contexte, promouvoir l’entrepreneuriat responsable s’appuie sur deux atouts bien établis de l’Université Laval, soit l’entrepreneuriat et le DD.
L’entrepreneuriat responsable : de quoi s’agit-il ?
L’entrepreneuriat responsable se définit comme l’intégration des trois dimensions économique, sociale et environnementale du DD dans les objectifs de tout projet entrepreneurial ou d’entreprise, et ce dès sa création. Dans cette perspective, l’entrepreneuriat ne vise plus à créer de la valeur uniquement économique, mais aussi sociale et environnementale. Cette conception élargie de l’entrepreneuriat implique que toutes les décisions à prendre dans le cadre d’un projet soient soupesées à la lumière de leurs impacts, positifs comme négatifs, sur les trois dimensions du DD afin de créer de la valeur responsable. Promouvoir une telle vision de l’entrepreneuriat est tout simplement une nécessité dans le contexte actuel de crise climatique, qui est indissociable des inégalités sociales générées par une croissance effrénée et irresponsable.
Des exemples inspirants d’entreprises
Loop Mission est une entreprise québécoise qui lutte contre le gaspillage alimentaire en s’appuyant sur les principes de l’économie circulaire. Elle récupère notamment les fruits et légumes « moches » rejetés par l’industrie pour les revaloriser, par exemple en jus pressés à froid. Grâce à ses activités, plus de 3 500 tonnes de fruits et légumes encore parfaitement consommables ont à ce jour été détournées des sites d’enfouissement. Gaia & Dubos est une entreprise québécoise du secteur de la mode, qui est l’un des plus polluants au monde et où les conditions de travail sont souvent déplorables. À travers une sélection minutieuse des textiles utilisés et des conditions de travail dignes, cette entreprise produit localement des vêtements écologiques et socialement responsables. Ce ne sont là que deux exemples, mais de plus en plus d’entreprises, au Québec comme ailleurs, sont créées pour apporter des réponses responsables aux défis de notre siècle.
Et à l’école ?
L’entrepreneuriat responsable, c’est donc des femmes et des hommes qui mettent leur pouvoir d’action au service d’une mission sociale ou environnementale (p.ex. lutter contre le gaspillage alimentaire, diminuer les inégalités sociales) à travers un projet ou une entreprise. Ceci implique de se conscientiser à l’égard des problématiques contemporaines de notre monde. En milieu scolaire, un bon point de départ consiste à explorer avec les élèves les Objectifs de développement durable (ODD) de l’Organisation des Nations Unies, soit 17 objectifs mondiaux qui visent à diriger les actions individuelles et collectives vers un monde socialement équitable et environnementalement pérenne. En quoi l’un ou plusieurs de ces ODD résonnent-ils dans le contexte de l’école ? Quelle problématique locale associée aux ODD peut-elle être identifiée par les élèves ? Et comment le groupe-classe peut-il mettre son pouvoir d’action au service d’un projet orienté vers sa résolution ?
On l’a vu, l’entrepreneuriat responsable implique de réfléchir consciencieusement aux retombées, positives comme négatives, de ses décisions et actions sur les trois dimensions du DD. Cela implique de concevoir et d’évaluer différemment les objectifs et le succès des projets mis en œuvre. Des outils de modélisation d’affaires, ou plus simplement de planification de projet, ont vu le jour ces dernières années à cette fin. La matrice du projet entrepreneurial responsable, développée par notre équipe, peut être utilisée avec les élèves pour planifier leurs projets en y intégrant toute la complexité des enjeux du développement durable.
Conclusion
Les jeunes sont particulièrement sensibles aux
enjeux de notre siècle. On le voit à travers les mouvements sociaux, dont la
grève étudiante des Vendredis pour le futur initiée par la jeune Suédoise
Greta Thunberg. Quoi de plus compréhensible que cette mobilisation de la
jeunesse quand c’est son avenir même qui se joue. Aux côtés du militantisme et
de l’engagement politique, l’entrepreneuriat responsable est l’une manière
possible d’orienter leur pouvoir d’action vers la création du monde de demain.