Par Martine Rioux
Lors de la 2ᵉ édition du Symposium sur l’intelligence artificielle en éducation Élève Exposant IA, présenté par le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), en Ontario, le consultant en éducation Dominic Tremblay a proposé une réflexion : et si les élèves cessaient d’utiliser l’IA uniquement comme un outil conversationnel pour en devenir des architectes?
Selon lui, les enseignantes et les enseignants doivent aller au-delà de l’usage de l’IA pour rédiger des textes ou générer des idées avec les élèves. L’enjeu consiste plutôt à permettre aux jeunes de comprendre le fonctionnement des modèles, d’en entraîner eux-mêmes, de les tester et de les améliorer. « L’IA est un moteur puissant, mais la vraie force naît quand on comprend ce qui se cache sous le capot », a-t-il résumé.

Comprendre l’IA plutôt que la percevoir comme un outil « magique »
Dominic Tremblay propose une approche progressive inspirée du cadre SAMR, qui classe l’utilisation de la technologie en quatre niveaux : substitution, augmentation, modification et redéfinition. L’intégration de l’IA, selon lui, doit viser les deux derniers niveaux, là où la technologie permet de réaliser des tâches impossibles autrement.
Pour y parvenir, il invite à développer une compréhension explicite des modèles d’apprentissage automatique. L’une des démonstrations qu’il a faites devant les participants à son atelier consistait à demander à un agent conversationnel de compléter la phrase « Ottawa est une ville… ». L’IA a proposé une seule réponse. Il lui a alors demandé de donner plus de réponses. Enfin, il a demandé les probabilités associées à chacune des réponses proposées. L’objectif : rendre visibles les mécanismes statistiques derrière l’algorithme, pour montrer que l’IA n’est pas neutre.

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Il a rappelé que l’IA se situe à l’intersection de la linguistique et des mathématiques, en particulier des statistiques. Interroger l’IA sur des probabilités, analyser ses réponses ou comparer plusieurs modèles sont autant de portes d’entrée pour développer à la fois la pensée critique, la littératie numérique et une compréhension plus fine des processus de génération.
Il encourage également l’utilisation du mode Deep Research dans certains outils d’IA, qui permet de visualiser la démarche computationnelle complète. Quand le mode n’est pas disponible, il est possible de poser des questions, telles que « peux-tu me dire comment tu es arrivé à cette réponse? Peux-tu me détailler toutes les étapes que tu as réalisées pour arriver à répondre à ma requête? Peux-tu me donner les sites Web que tu as consulté? ».
« Ce n’est pas de la magie : l’élève doit pouvoir comprendre cela. Il peut y arriver en demandant à l’IA comment elle arrive à une réponse et quels raisonnements elle a suivis. »
De l’utilisateur passif au créateur technologique
Pour le conférencier, l’une des clés est d’amener les élèves à passer d’un rôle de consommateurs à un rôle d’auteurs et de concepteurs. Il entend par cela de passer, par exemple, de joueur de jeux vidéo à développeur de plateformes, ou encore d’auditeur de balados à créateur de contenus audio.
Il a présenté plusieurs projets qu’il réalise dans des classes, notamment à partir de la plateforme mBlock :
- un système de reconnaissance de sourires permettant d’ouvrir une barrière lorsqu’une personne sourit devant la caméra;
- des modèles capables de reconnaître la voix, du texte imprimé ou des postures;
- un entraînement d’algorithmes pour distinguer des aliments sains et de la malbouffe, ou encore pour identifier le degré de maturité de fruits, en écho aux technologies utilisées en agriculture de précision.

Photo : Exemples de modèles de robot utilisé par Dominic Tremblay dans des ateliers avec des élèves.
Ces expériences démontrent, selon lui, que les élèves sont capables de devenir des « architectes de leur IA » en construisant des modèles adaptés à leur contexte. L’utilisation de robots munis de caméras, comme le Nous AI, ouvre également la porte à des projets plus concrets où l’IA analyse l’environnement en temps réel.
En conclusion, il a martelé son message : les éducateurs ne doivent pas seulement accompagner les élèves dans l’utilisation responsable de l’IA, mais aussi les encourager à en devenir ses acteurs créatifs. Cette démarche, estime-t-il, pourrait même donner naissance à des initiatives entrepreneuriales ou à de nouvelles applications imaginées et développées par les jeunes eux-mêmes.
La conférence a été présentée dans le cadre de la 2ᵉ édition du Symposium sur l’intelligence artificielle en éducation, présenté par le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est, en collaboration avec Gartner, Raymond Chabot Grant Thornton et Zenapptic. L’École branchée y a été invitée par le comité organisateur.






