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« Chiller à la maison » : un regard sur les pratiques numériques des adolescents québécois en temps de pandémie

Les adolescentes et les adolescents sont des êtres sociaux. Or, tous les espaces de socialisation québécois ont été fermés au printemps 2020 au plus fort de la pandémie de la Covid-19. Il n’y avait plus aucune possibilité d’avoir des contacts physiques. Nina Duque, chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal, s’est intéressée au quotidien des ados québécois dans cette période trouble.

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Les adolescentes et les adolescents sont des êtres sociaux. Or, tous les espaces de socialisation québécois ont été fermés au printemps 2020 au plus fort de la pandémie de la Covid-19. Il n’y avait plus aucune possibilité d’avoir des contacts physiques. Nina Duque, chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal, s’est intéressée au quotidien des ados québécois dans cette période trouble.

Ce n’est pas la première fois que Mme Duque effectue un travail de recherche sur l’adolescence. « Il faut prendre le temps de les écouter et surtout, attention aux discours normatifs et aux idées préconçues », a-t-elle dit lors d’une présentation dans le cadre du Congrès 2022 de l’Acfas. « Les jeunes parlent toujours au “nous”, ils ont leur propre langage, leurs propres codes sociaux, ils sont fascinants. »

Dans le cadre de sa recherche, elle s’est entretenue avec 25 jeunes âgés de 12 à 15 ans. Elle s’est plus particulièrement attardée à leur usage du numérique lors du confinement du printemps 2020.

Elle rappelle d’abord que ces jeunes, nés après 2008, n’ont jamais connu le monde sans Internet et les réseaux sociaux. Ils avaient des appareils numériques en main, regardaient des vidéos sur TikTok, échangeaient des messages sur SnapChat et partageaient des photos sur Instagram bien avant la pandémie.

« Cela faisait déjà partie de leur quotidien. Dans leurs usages du numérique, les jeunes recherchent le plaisir avant tout, ils croient profondément à “l’essai-erreur”, ils se partagent des accès à des comptes (c’est la marque ultime de confiance), ils ont besoin de rétroaction et garder un lien social en tout temps. Les jeux vidéo sont une activité de groupe qu’ils affectionnent particulièrement », dit-elle.

« C’est pas grave de se tromper, on s’aime pareil. »

– Une fille de 13 ans.

Par ailleurs, « aucune pratique éducative n’est présentée par les jeunes. Tout ce qui est en lien avec l’école n’est pas considéré comme des usages numériques pour eux, parce que cela ne correspond pas aux critères déjà mentionnés ».

« Pour  nous, un FaceTime, c’est pas un rendez-vous que tu organises […] Les technologies, c’est pas des rendez-vous précis qu’on se donne. »

Un garçon de 15 ans. 

Une continuité dans les usages

Alors que s’est-il passé pendant le confinement du printemps 2020? « Cette période a été remplie de paradoxes, de contradictions pour les jeunes. Ils étaient heureux et malheureux en même temps. Certains sentaient moins de stress et de pression, mais ils s’ennuyaient du contact humain et ils utilisaient leurs appareils numériques pour garder le lien de façon constante. »

« Une chance que la technologie est là pour garder contact avec mes amis maintenant qu’on ne se voit plus. »

Un garçon de 15 ans.

Plusieurs parents se sont inquiétés de la hausse drastique du temps d’écran de leurs adolescents. « Oui, le temps a augmenté, mais il n’y a pas eu de nouveaux usages qui se sont développés. Ils ont continué ce qu’ils faisaient avant, mais plus, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire », dit Nina.

En fait, les jeunes ont pratiquement arrêté de partager publiquement des choses sur les réseaux sociaux. « Ils n’avaient plus rien à partager ». Ils se sont concentrés sur les discussions (texte, audio ou vidéo) avec leurs amis. « Des conversations étaient ouvertes en continu. »

« Comme je peux pas sortir, je m’entraîne maintenant avec mon équipe en live. »

Un garçon de 13 ans.

Routine

Leurs pratiques numériques ont été à la fois spontanées et organisées. Elles ont servi de trame de fond pour structurer leur quotidien et les jeunes en sont venus à se créer une nouvelle routine grâce à elles. « Ils ont utilisé les technologies pour se faire un horaire de la journée, cela s’est fait naturellement pour eux, sans qu’ils s’en rendent compte. »

Plusieurs parents d’adolescents reconnaîtront peut-être leur progéniture dans cet horaire :

  • Avant-midi : revue de presse matinale
    • Pas d’interaction, on ne dit à personne qu’on est en ligne.
    • On regarde ce qui s’est passé depuis la veille, pendant qu’on déjeune et qu’on se réveille tranquillement.
    • On visite des sites pour soi.
  • Après-midi : activités sociales
    • Clavardage, appel audio et vidéo en continu.
  • Soirée : divertissement
    •  On écoute des films, des séries.
    •  On joue à des jeux vidéo.
    •  Seul ou en groupe.
  • Nuit : conversation de couloir avant d’aller au lit
    • On se reconnecte avec ses amis proches pour discuter, mais seulement en audio.
    • Plusieurs s’endormaient pendant les conversations.

« Le matin je texte pas, je fais juste me promener… c’est juste mes petites affaires pour moi. »

Une fille de 14 ans.

Sortir de sa chambre

Même si leurs pratiques numériques ont servi de repère pour bien des jeunes pendant la pandémie, principalement parce qu’elles leur ont permis de garder le contact avec leurs amis, les jeunes ont aussi ressenti le besoin de décrocher. Certains ont désactivé les notifications à un moment donné, une saturation a été observée.

« On parle de la culture de la chambre à coucher chez les jeunes. Mais rassurez-vous, ils sont sortis de leur caverne. Ils se sont réappropriés d’autres lieux de la maison. Ils ont recommencé à participer davantage aux activités familiales. Ils ne voulaient pas s’isoler dans leur chambre », a conclu Nina Duque.

À propos de l'auteur

Martine Rioux
Martine Rioux
Après des études en communication publique, Martine a été journaliste pour différentes publications, avant de poursuivre sa carrière comme conseillère en communications interactives chez La Capitale, groupe financier, puis chez Québec numérique, organisme dont elle a pris la direction générale avant de faire le saut comme conseillère politique au cabinet du ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale. Elle est aujourd'hui rédactrice en chef adjointe et chargée de projets spéciaux à l'École branchée. Son rêve : que chacun ait accès à la technologie et puisse l'utiliser comme outil d’apprentissage et d’ouverture sur le monde.

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