Et si, pour amener les filles à s’intéresser davantage aux sciences et aux technologies, il fallait d’abord rendre l’éducation plus inclusive pour tous? « À la base, tous les enfants veulent apprendre et sont curieux. Il ne faut pas éteindre leur curiosité, évitons de les cantonner dans des stéréotypes », fait valoir Kate Arthur, fondatrice et directrice générale de l’organisme Kids Code Jeunesse.
Elle a récemment participé à un midi-conférence présenté par l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA) à l’occasion de la Journée internationale des femmes.
Elle était panéliste avec Nadia Bhuiyan, professeure en génie mécanique, industriel et aérospatial à l’Université Concordia, Elizabeth S. Charles, chercheure en technologies éducatives au Collège Dawson et co-directrice du consortium Support Active Learning Technological Innovation in Science Education (SALTISE), et Ann-Louise Davidson, professeure au département d’éducation de l’Université Concordia et titulaire de la chaire Maker Culture de cette université.
Tout au long de la discussion, qui était animée par Lyse Langlois, la directrice générale de l’OBVIA, les quatre femmes ont rappelé à de nombreuses reprises que les milieux d’enseignement doivent faire plus de place à la diversité et alimenter la curiosité des enfants envers un vaste éventail de sujets. « Il est important que les jeunes aient l’opportunité de voir toutes les possibilités qui s’offrent à eux, autant les gars que les filles, pour pouvoir sortir des moules », indique Kate Arthur.
« Il faut combattre les stéréotypes dans le milieu scolaire et pas seulement dans les manuels », dit pour sa part Nadia Bhuiyan. Elle a donné l’exemple de cette étudiante de 4e année en génie mécanique qui est venue la voir pour la remercier. Elle en était à sa dernière année de formation dans ce milieu majoritairement masculin et elle avait une professeure pour la première fois dans son parcours universitaire. « Même si elle avait l’intérêt et toutes les compétences, elle n’avait pas confiance en elle comme future ingénieure et je venais de lui donner cette confiance. »
Pour Elizabeth S. Charles, chaque femme qui est dans un domaine STEM doit se sentir interpelée et devenir un modèle pour les autres. « On ne se perçoit pas comme des modèles, on fait ce qu’on aime, on est ce qu’on est, mais on a le potentiel de faire une différence. »
Une pédagogie plus active
« Dans la petite enfance, les enfants apprennent beaucoup par le toucher, la manipulation, l’exploration de leur environnement. Plus elles avancent en âge, moins les filles ont la liberté d’explorer. Il ne faudrait pas qu’elles se blessent ou se salissent », déplore Ann-Louise Davidson. Ce faisant, on entretient une division entre les garçons et les filles, on ne laisse plus les filles être dans « le faire », qui est pourtant le propre des sciences et des technologies.
Que peuvent faire les enseignants pour tenter de défaire ces stéréotypes? Pédagogie active, collaboration, résolution de problèmes authentiques, valorisation des contributions de chacun au-delà des résultats, projets interdisciplinaires sont des éléments qui ont été mentionnées par les panélistes.
« Le curriculum scolaire est construit en silo, avec une division du temps et des matières qui est complètement artificielle. La vie n’est pas divisée en matière. Arrêtons de penser l’éducation en silo », soutient Ann-Louise Davidson. Elle invite les milieux scolaires à se tourner vers la mise en place de laboratoires créatifs. Ceux-ci permettent de placer les jeunes en situation plus concrètes d’apprentissage, ils favorisent les projets multidisciplinaires, l’apprentissage dans l’action et la créativité. « Les jeunes construisent leur identité en explorant leur environnement. Offrons-leur la possibilité de s’épanouir. »
Au sujet du numérique
Finalement, Elizabeth Charles a appelé les filles et les femmes à prendre leur place dans le milieu du développement des solutions numériques, incluant l’intelligence artificielle. « Les technologies peuvent contribuer à briser les stéréotypes, mais les femmes doivent prendre leur place. »
Comme Kate Arthur, qui a d’abord été formée en littérature anglaise, l’a indiqué : « le code est une nouvelle forme de langage. Comme je comprends la puissance des mots, je comprends aujourd’hui la puissance du code. Dans les siècles derniers, la littérature qui était écrite par des hommes uniquement, puis les femmes ont trouvé leur voie/x. Ne laissons pas les hommes écrire les technologies seuls aujourd’hui ».
L’enregistrement de la conférence est disponible sur la chaîne YouTube de l’OBVIA. Notez que la discussion a eu lieu en français et en anglais.