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Des ateliers philosophiques pour développer sa pensée critique à l’ère du numérique

L’animation d’ateliers philosophiques avec des élèves peut-elle devenir un outil de développement de la pensée critique? C’est ce que Mariane Ducharme, conseillère pédagogique en intégration des technologies (RÉCIT) au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), a voulu vérifier au cours des derniers mois. Le projet pilote s’avère concluant.
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Table des matières

En collaboration avec Mariane Ducharme, conseillère pédagogique en intégration des technologies (service local du RÉCIT) au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM)

La dimension 11 du Cadre de référence de la compétence numérique du ministère de l’Éducation du Québec est la suivante : Développer sa pensée critique à l’égard du numérique. Cela signifie entre autres d’apprendre à poser un regard réflexif sur son utilisation du numérique, d’élaborer son jugement envers le numérique de façon intentionnelle, de prendre conscience des enjeux liés aux avancées scientifiques. 

« On parle énormément de l’importance de développer sa pensée critique, mais, de façon concrète, comment accompagner les élèves? C’est ce questionnement qui m’a amenée à suivre une formation en philosophie avec les enfants. Puis, j’ai mis en place une série de cinq ateliers que j’ai animés dans deux classes de 4ᵉ année de l’École Saint-Benoît, à Montréal, à titre de projet pilote », explique la conseillère pédagogique. Les thèmes abordés portaient sur la fiabilité des informations en ligne, les caractéristiques des médias d’information et le fonctionnement des médias sociaux. À titre d’exemple, une des questions qui a fait l’objet d’un atelier était : comment savons-nous ce qui est vrai sur Internet? 

Déroulement des ateliers 

Ainsi, l’espace de cinq périodes, la classe s’est transformée en communauté de recherche philosophique. La démarche a d’abord été présentée aux élèves : « Nous allons nous engager dans une discussion pour construire du sens ensemble sur des thèmes liés au numérique. » Les élèves apprennent que les idées se construisent et qu’il y a rarement consensus! Il a également été nécessaire d’insister sur le but des ateliers : « Le but de la recherche n’est pas de convaincre les autres de ce que nous croyons savoir, mais d’examiner toutes les possibilités afin de retenir celle ou celles qui présentent le plus de cohérence. »1

Chaque période débutait avec un élément déclencheur (image, vidéo ou histoire) et quelques questions. Les élèves étaient invités à voter pour celle qui serait abordée lors de l’atelier du jour. Ainsi, la question retenue lors du premier atelier a été : « Comment devrions-nous communiquer pour réfléchir ensemble? » Ensuite, les échanges étaient animés par la conseillère pédagogique. Au fur et à mesure que les élèves développaient leur pensée, certaines habiletés émergeaient : par exemple, appuyer son propos par un exemple. Les élèves ont été tranquillement amenés à nuancer les propos de l’un ou encore à reformuler ceux de l’autre. « Ces habiletés à penser sont vraiment intéressantes, car, par la suite, je peux les utiliser dans mon enseignement de tous les jours », précise Sandra Grégoire, enseignante de 4e année à l’école Saint-Benoît. 

À la fin de la période, les élèves étaient invités à remplir un billet de sortie pour garder une trace de leur réflexion. Ils devaient notamment indiquer s’ils avaient changé d’opinion sur la question au cours de la discussion, ainsi que faire part de leurs pensées. « Le retour écrit permet également de révéler le vécu de certains élèves qui sont plus discrets lors des discussions. C’est très précieux pour les enseignants », explique la conseillère pédagogique. Après le premier atelier, un élève qui n’avait pas encore parlé a confié : « Je n’ai pas parlé parce que j’en avais tellement à dire! Chaque fois qu’un élève prenait la parole, plein de questions me venaient en tête! » 

Des ateliers formateurs pour tous 

La conseillère pédagogique mentionne aussi que la tenue des ateliers a été à la fois formatrice pour les élèves, pour elle-même et pour les enseignantes. « C’est tellement riche, d’entendre les réponses des enfants! Comme adulte, on gagne toujours à les écouter davantage pour mieux comprendre leur réalité. Ces discussions nous sensibilisent à ce que vivent les jeunes en dehors de la classe, ce qui influence leurs comportements, leurs émotions, etc. »  

Selon elle, la posture d’animation d’un atelier philosophique exige de faire preuve d’une grande écoute, d’avoir conscience de ses propres biais pour éviter de les exposer et de mettre en lumière les liens qui existent entre les idées proposées par les élèves. Il faut également que l’animateur propose aux élèves des thèmes qui les concernent et les intéressent. En ce qui concerne la vie numérique, les sujets susceptibles de les rejoindre sont nombreux. 

Pour l’enseignante Nathalie Sévigny, l’animation d’ateliers philosophiques dans sa classe a permis à ses élèves de s’ouvrir aux idées des autres : « Par l’écoute active modélisée, il [l’élève] accorde une importance à l’opinion de l’autre même si elle est différente de la sienne. Il n’y a donc pas de mauvaises réponses. Il y a plutôt de nouvelles perspectives d’idées qui peuvent être bénéfiques pour le développement de sa propre perception. » 

Cette première expérience, vécue à titre de projet pilote, a définitivement été concluante. Les ateliers philosophiques sont assurément un levier de développement de l’esprit critique par rapport au numérique chez les enfants. D’autres thèmes se rapportant au numérique, identifiés dans le nouveau programme de Culture et citoyenneté québécoise, pourraient être approfondis dans le cadre d’une communauté de recherche. Pensons notamment aux effets du numérique sur le mode de vie et les relations en 5ᵉ année ou encore sur la quête de reconnaissance en ligne en 6ᵉ année.  

Lorsque nous lui avons parlé, la conseillère réfléchissait à une manière de pouvoir présenter ce type d’ateliers à plus grande échelle à l’intérieur du CSSDM. Elle était convaincue que la pratique de la philosophie avec les enfants doit se répandre. En effet, les retombées se situent bien au-delà de l’atelier philosophique lui-même. Comme le dit si bien l’enseignante Sandra Grégoire: « Le cercle crée un contexte différent du rapport maître-élève : il offre un espace sécurisé et encadré. C’est assurément à intégrer dans ma pratique! »

  1. Sasseville, M. (2009). La pratique de la philosophie avec les enfants. Québec, Canada : Les Presses de l’Université Laval ↩︎
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