Par France Legault, conseillère pédagogique, RÉCIT de la Fédération des établissements d’enseignement privé (FEEP)
On parle de plus en plus de revoir les pratiques pédagogiques pour mieux répondre aux besoins des élèves. Qu’il soit question de rendre les élèves plus autonomes et engagés dans leur réussite ou de la juste place de l’écran en classe, ces changements demandent à tous d’adopter une posture différente. La transformation du modèle de l’école à travers les changements de pratiques du personnel enseignant est impossible sans accompagnement et sans développement professionnel. Ce personnel arrive avec un bagage d’expériences, de compétences et de connaissances très variées. Celui-ci a aussi, tout comme les élèves, des besoins tout aussi différents les uns des autres.
Les conseillères et conseillers pédagogiques, tout comme les personnes appelées à accompagner le changement en milieu scolaire, constatent souvent qu’il y a une différence très importante entre les besoins énoncés par le milieu visité et ses besoins réels. Le véritable défi, c’est d’arriver à identifier ces réels besoins.
La littératie contextuelle ou le leadership contextualisé
La littératie contextuelle ou le leadership contextuel a été popularisé par le chercheur canadien Michael Fullan, mais est présent dans la littérature scientifique en éducation (Bossert, Dwyer, Rowan, & Lee) depuis 1982. C’est un ensemble de savoir-être et de savoir-faire qu’il est important de développer pour mieux accompagner le personnel enseignant dans l’identification de ses besoins réels.
On entend par littératie contextuelle la prise en considération des éléments suivants (Porter & McLaughlin, 2006) dans les situations d’accompagnement, notamment :
- Bien connaître le milieu lui-même ainsi que les individus qui y évoluent;
- Cibler et considérer le moment de la rencontre, les relations entre les personnes, le rôle de chacun et l’environnement dans lequel se déroule la rencontre;
- Développer ses compétences de leader;
- Susciter l’adhésion des personnes accompagnées à la vision du leader.
Il semble, à partir de ces éléments clés, possible d’identifier 3 pistes à garder en tête en situation d’accompagnement :
L’art de questionner
Poser les bonnes questions est un art. À partir de questions réelles comme :
- Quelles sont les difficultés des élèves?
- Qu’est-ce qui prend le plus de temps au quotidien?
Il est possible d’ouvrir un dialogue avec le personnel enseignant. Ces premières questions permettent d’accéder aux véritables défis rencontrés tous les jours. À partir des réponses obtenues, il devient donc possible de poser d’autres questions qui permettront d’avoir un tableau plus complet du milieu et des besoins réels des enseignants. Travailler par émergence, c’est toutefois marcher sur un fil de fer. Ce n’est pas une proposition toute faite, c’est naviguer à travers les réponses obtenues. Ce processus demande énormément d’écoute puisque parfois les non-dits sont encore plus révélateurs que ce qui est nommé.
Développer un lien empathique
À travers ce questionnement, mais surtout d’une écoute active, il est possible de développer un lien empathique et authentique avec le personnel enseignant, en valorisant notamment leurs compétences et en étant sensible à leur réalité et non une menace pour l’autonomie professionnelle. Ce sont des savoir-être et des savoir-faire importants pour un leader.
Différencier le développement professionnel
Selon Cottrell (2002) dans Marzano, Waters et McNulty (2016), il y a 30 % du personnel enseignant qui peut être considéré comme de « grandes étoiles », 50 % comme des « étoiles moyennes » et 20 % comme des « étoiles déclinantes ». Il devient donc important de cibler des objectifs de développement professionnel qui correspondent aux besoins de chacun. À partir des forces de chacun, on peut donc installer un leadership partagé entre plusieurs acteurs en fonction des situations, des besoins et des contextes, comme présentés dans Spillane, Halverson et Diamond (2008).
Finalement, l’identification des besoins réels du personnel enseignant est un art qui se perfectionne avec le temps et l’expérience. Cette tâche difficile demande de nombreux savoir-être et savoir-faire qui valent la peine d’être développés afin de maximiser les retombées du développement professionnel proposé.
Références
Bossert, S. T., Dwyer, D. C., Rowan, B., & Lee, G. V. (1982). The Instructional Management Role of the Principal. Educational Administration Quarterly, 18(3), 34‑64. https://doi.org/10.1177/0013161X82018003004
Marzano, R. J., Waters, T., & McNulty, B. A. (2016). Leadership scolaire : De la recherche aux résultats. Québec, Canada: Presses de l’Université du Québec.
Porter, L. W., & McLaughlin, G. B. (2006). Leadership and the organizational context : Like the weather? The Leadership Quarterly, 17(6), 559‑576. https://doi.org/10.1016/j.leaqua.2006.10.002
Spillane, J. P., Halverson, R. R., & Diamond, J. (2008). Théorisation du leadership en éducation : Une analyse en termes de cognition située. Éducation et Sociétés, 21(1), 121‑149. https://doi.org/10.3917/es.021.0121