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Apprendre à devenir : une visée louable pour l’éducation?

Dans sa plus récente chronique, notre collaborateur Marius Bourgeoys explore la notion de « devenir » en éducation et insiste sur l'importance de leadership pour guider les élèves et le personnel enseignant dans un monde en évolution rapide. Il utilise la métaphore du Tour de France (système compétitif et standardisé) en opposition au Tour guidé (approche personnalisée et inclusive) pour décrire le système scolaire vers lequel il faudrait tendre.

Publié le :


Par Marius Bourgeoys, coach en éducation

Pour obtenir des résultats qu’on n’a jamais obtenus, il faut devenir une personne, une équipe, un système qu’on n’a jamais été. Qui devons-nous devenir en éducation? C’est la question que je vous propose d’explorer aujourd’hui. Parce que les temps changent, les amis.

Le pouvoir du verbe DEVENIR

Devenir. Ce mot est puissant. C’est le verbe «être», mais en mouvement. Personne ne veut que les choses restent stagnantes en éducation; on a tous un plan d’amélioration. Quand on veut que les choses s’améliorent, on sous-entend qu’on souhaite être en mouvement. Le verbe «devenir» est donc essentiel. Je me souviens de mon parcours en éducation, particulièrement lorsque j’étais leader pédagogique. Notre objectif était d’améliorer les pratiques en éducation via l’intégration du numérique. C’est là que j’ai découvert que le leadership et le coaching sont directement liés au verbe «devenir».

La découverte du leadership

Il y a de ça plus de 10 ans, je faisais mes débuts comme accompagnateur de directions au niveau de ma province. En cherchant comment l’innovation et la mobilisation se passent en dehors de l’éducation, je suis tombé sur une vidéo de John Maxwell sur YouTube. Cela a bouleversé ma perception du leadership. Jusque-là, le leadership était pour moi un concept nébuleux. Mais dès que j’ai commencé à appliquer ce que j’apprenais, j’ai vu une transformation incroyable. D’abord en moi et ensuite chez les personnes que j’accompagnais.

La puissance d’une décision

Je me souviens encore de la première formation que j’ai offerte en leadership. Les réactions des quelque 80 directions présentes étaient tellement positives que je n’en croyais pas mes yeux. Je n’avais jamais vu ça comme participant ou comme formateur. J’avais l’impression d’avoir découvert le feu. Une seule décision – celle d’aller voir s’il y avait autre chose – a instantanément amélioré l’impact que j’étais en mesure d’avoir en éducation… et par ricochet, l’impact que les personnes que j’accompagnais pouvaient avoir dans leur milieu.

Tout commence par soi

On ne peut pas demander au réseau scolaire de devenir meilleur sans passer par le leadership et le coaching. C’est ma conviction profonde. Tout passe par ça. On pourrait aussi ajouter l’andragogie. Or si je voulais augmenter mon impact comme accompagnateur, il fallait que je devienne une personne capable d’avoir de l’impact. Je ne peux pas vous dire à quel point ce constat est important pour la qualité de vie d’une personne en éducation.

Une définition du leadership

Le leadership, c’est l’impact positif que nous avons sur notre devenir et sur le devenir des personnes autour de soi. C’est ma petite définition du leadership, que j’ai découverte et qui a transformé ce qui était possible pour moi. Donc plus je m’améliore, plus j’ai une chance d’influencer positivement le devenir des autres. C’est fascinant. Or qu’en est-il des élèves et de la réalité d’aujourd’hui?

Devenir et l’IA générative

Avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative, cette question prend tout son sens : Est-ce que l’élève peut démontrer qu’il a appris sans avoir réellement appris? Pour ma part, ce qui me préoccupe présentement n’est pas tant ce qu’on obtient des IA génératives, c’est plutôt qui on devient, à la longue. J’écrirai sur ce sujet précis à un autre moment. Pour le moment, voici deux ressources importantes à consulter.

Tour de France ou Tour guidé?

Une question que j’aime bien poser lorsque les gens me parlent de rigueur est : Est-ce qu’on est là pour classer ou pour développer les élèves? Damien Cooper utilise depuis près de 15 ans la métaphore du Tour de France et du Tour guidé pour illustrer la profondeur de cette question. Dans le modèle du Tour de France, l’apprentissage est variable. On peut prédire qui va gagner. On compare les élèves entre eux, c’est compétitif. On crée des gagnants et des perdants. Et on sait qu’on va perdre des gens en cours de route. C’est un modèle industriel de type «fast-food» qui est exigeant pour tout le monde.

À l’inverse, le Tour guidé est axé sur le leadership et la personnalisation (ressemble davantage au modèle des étoiles Michelin). Les élèves choisissent leur itinéraire, s’engagent dans leur propre apprentissage, et le guide (l’enseignant) est là pour les accompagner, pour le aider à devenir. On célèbre le progrès et le chemin parcouru ensemble. C’est un modèle de type agricole, qui met l’accent sur la création des conditions qui favorisent le développement de chaque élève.

Tour guidé = transformation

À notre décharge, le système est davantage conçu pour le Tour de France. On le constate avec les palmarès, par exemple. Or, quel modèle prépare le mieux les élèves pour un monde où la compétence humaine sera de plus en plus amplifiée par les intelligences artificielles? La transformation vient de l’approche pédagogique, pas du numérique. On l’a appris avec l’arrivée d’Internet, des iPads, des cellulaires, des portables, des TNI, des Chromebooks… Avec l’IA, c’est une autre «game». Les possibilités sont incroyables. ll importe d’éviter d’intégrer l’IA dans un Tour de France. Ce serait passer à côté de la transformation. Si on veut réellement créer un Tour guidé, on a absolument besoin de leadership. Mais on ne peut pas déléguer notre leadership à l’IA. Ça, ça nous appartient.

Qui devons-nous devenir pour transformer l’éducation?

Un retour à l’humain s’impose, forcément. Comprendre qui nous sommes individuellement et comprendre l’autre lorsqu’on tente de se mobiliser ensemble vers un objectif commun. La raison d’être de l’éducation, selon George Couros, est d’aider les apprenants à trouver un itinéraire vers la réussite qui a du sens pour eux. C’est la personnalisation ultime de l’éducation. Tour guidé, les amis.

La peur…

Platon disait : «Nous pouvons facilement pardonner à un enfant qui a peur du noir. La vraie tragédie de la vie, c’est quand les hommes (toute personne) ont peur de la lumière.» En éducation, la peur nous prive de l’innovation beaucoup plus que nos échecs. Il est temps de dépasser cette peur et de se tourner vers la lumière, vers ce qui est possible et nécessaire.

Statu quo ou Transformation

Tout ce qui est requis pour le Tour de France, c’est le statu quo. Pas de changement. On enseigne, on évalue et on classe les élèves. C’est facile à automatiser, ça. Je dis ça comme ça.

Pour créer un Tour guidé, il faut devenir des personnes capables de créer le désir du dépassement de soi chez l’autre, devenir des personnes attrayantes à côtoyer afin que l’autre ait le goût de devenir en notre présence (vulnérabilité), afin que l’autre ait le goût de nous avoir pour guide. Bref, pour transformer l’éducation, il faut devenir des adultes capables de générer ça. Il faut «Être», en mouvement.

Une liste, pour devenir…

Dans l’ordre ou dans le désordre, voici une liste de huit choses nécessaires pour devenir, ou être en mouvement :

  1. Vouloir : Vouloir devenir, vouloir faire prendre de l’expansion à qui on est. 
  2. Croire en son pouvoir d’action : Si on n’y croit pas avant de commencer, les stratégies qu’on adopte finiront par nous donner raison. On obtient ce qu’on choisit de croire.
  3. Décider : Prendre une décision. Il y a un moment où tout bascule, où l’on décide de changer de trajectoire. Parfois ça prend 20 ans avant de SE décider.
  4. Rester dans sa zone de contrôle : Se concentrer sur ce que l’on peut faire. Le réel pouvoir d’action vient de là.
  5. Présupposer de bonnes intentions : Voir le beau, le bon, l’extraordinaire chez soi et chez l’autre. On trouve ce qu’on cherche.
  6. Chercher les opportunités d’avoir un impact : Elles sont partout autour de nous. Les opportunités de servir, de faire une différence.
  7. Ne pas avoir d’attentes : Se contenter de mettre l’accent sur ce qu’on sème sans s’attendre à une récolte immédiate. Semer et accueillir ce qui est là.
  8. Observer l’impact de nos décisions : Ça suppose une intentionnalité au quotidien. La conscience est l’antidote au statu quo.

Apprendre à devenir. Est-ce un visée louable pour l’éducation?

Plus j’y pense, plus j’aime ce que ça éveille en moi.


Cette chronique a d’abord été publiée sur le blogue de l’auteur. Elle est reproduite ici avec sa permission.

Découvrez d’autres chroniques de Marius Bourgeoys sur son blogue Tout le monde est un leader.

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