En troisième année, Simon (nom fictif) a changé d’école. Petit nouveau, il a subi différentes moqueries. En cinquième année, Il n’en pouvait plus. «Je me sentais triste, rejeté. J’étais toujours le dernier à être choisi dans une équipe », raconte-t-il. Il s’est mis à s’isoler de manière anormale et à réagir violemment. C’est ce qui a poussé sa mère et la direction de l’école à le questionner pour comprendre ce qui se passait et lui donner des trucs pour s’affirmer. L’école est aussi intervenue auprès des intimidateurs. En septembre, les agresseurs de Simon sont entrés au secondaire. Sa mère a cru que les mauvais jours étaient derrière eux. Erreur. Simon s’est mis à intimider les autres.
Simon n’a pas l’image d’une petite brute. Pourtant, il avait bel et bien changé de camp. «Ses notes ont chuté, il ne participait plus en classe. Toutes les semaines, il se battait et tenait des propos inappropriés. Il disait que ce n’était jamais sa faute », raconte sa mère. Au début, elle a cru que son fils était à nouveau victime d’intimidation. Elle ne se doutait pas qu’il était devenu l’agresseur, jusqu’à ce que l’école intervienne.
Des cas comme celui de Simon, il y en a dans toutes les écoles. Dans certains cas extrêmes, cela peut mener très loin. «Quand on regarde les tueries dans les écoles, souvent on s’aperçoit que les tireurs ont été pendant un bon bout de temps eux-mêmes des victimes. Ça ne justifie pas ce qu’ils font, mais ça illustre la dangerosité », mentionne Égide Royer, psychologue et professeur titulaire en adaptation scolaire à l’Université Laval. Dans d’autres cas, les jeunes peuvent retourner la violence contre eux-mêmes et mettre fin à leurs jours.
Tous les agresseurs n’ont toutefois pas été victimes de violence à l’école ou à la maison. Mais dans tous les cas, l’enfant cherche quelque chose : pouvoir, valorisation, attention, etc.
À l’école aux Quatre-Vents, que fréquente Simon, plusieurs actions ont été mises en place pour contrer l’intimidation grâce à une subvention de 10 000$ de la Fondation Jasmin-Roy. La technicienne et la directrice font aussi un suivi serré des jeunes intimidateurs. Dans le cas de Simon, des changements se sont fait sentir rapidement. « Nous avons convenu avec lui qu’il avait besoin de deux semaines pour reprendre le contrôle. Pendant cette période, il n’allait plus aux récréations, mais il ne se sentait pas pénalisé, il se sentait soutenu. Ensuite, s’il se jugeait à risque parce qu’il se sentait en colère par exemple, il pouvait choisir de ne pas aller à la récréation et plutôt aller donner un coup de main à l’éducatrices spécialisée », explique la directrice de l’école, Luce Bélanger.
Contrairement à ce qui se fait encore dans certaines écoles, il n’y a pas eu de médiation entre Simon et ses victimes. « La médiation peut être utile dans une résolution de conflit, mais pas dans un cas d’intimidation, tranche M. Royer. On ne demanderait pas à une femme battue de faire de la médiation avec son mari violent, ça laisse entrevoir qu’elle a quelque chose à voir là-dedans. »
Un tel changement n’aurait pu être possible sans la collaboration des parents de Simon. Sa mère avoue avoir vécu de la colère et de l’incompréhension, mais elle n’est jamais tombée dans le déni. Et elle a accepté toute l’aide offerte.
Malheureusement, tous les parents n’ont pas la même ouverture, note Mme Bélanger. Aujourd’hui, Simon semble bel et bien revenu dans le droit chemin. Mais l’an prochain, il entre à l’école secondaire et sa mère avoue être un peu inquiète. « Au moins, s’il y a un problème dans un sens ou dans l’autre, nous aurons tous les outils en main pour intervenir.»
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