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De la mémoire à la réussite : stratégies gagnantes issues de la neuroéducation

Comment savoir si un élève a réellement compris une notion? Pourquoi certains semblent tout oublier après quelques jours? Comment éviter de les surcharger, soutenir leur attention ou mieux les outiller pour étudier? Lors d’une conférence présentée par l’Institut des troubles d’apprentissage, le chercheur en neurosciences Steve Masson a partagé des réponses éclairantes et, surtout, des pistes très concrètes pour aider les enseignants à améliorer la réussite de leurs élèves. Voici ce qu’il faut en retenir.
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par Audrey Miller, avec la collaboration de Nicole Arsenault

Reconnu pour sa capacité à rendre les neurosciences accessibles et concrètes, Steve Masson a partagé des constats essentiels sur le fonctionnement du cerveau et l’apprentissage. Il a notamment réaffirmé l’importance de certaines pratiques pédagogiques qui profitent à tous les élèves, y compris ceux ayant des besoins particuliers, et a proposé des stratégies concrètes pour les intégrer au quotidien en classe.

Comprendre exige d’abord… d’avoir mémorisé

L’une des idées les plus frappantes de la conférence repose sur un constat simple : un élève peut très bien réexpliquer une notion immédiatement après l’avoir vue, sans l’avoir réellement apprise. S’il vient tout juste de l’entendre, l’information est encore dans sa mémoire de travail. Il peut en parler, la manipuler, créer l’illusion d’une compréhension. Pourtant, rien n’assure qu’il sera capable d’y revenir deux jours plus tard.

Pour comprendre, il faut établir des liens. Or, on ne peut établir des liens qu’entre des connaissances présentes dans la mémoire à long terme. Si l’élève n’a pas suffisamment consolidé l’information, il ne pourra tout simplement pas la réactiver. La mémorisation n’est pas un luxe secondaire : elle est un passage obligé pour accéder à une compréhension profonde.

Les pratiques qui renforcent la mémoire — et donc la compréhension

À partir de la recherche en neuroéducation, Steve Masson propose plusieurs stratégies qui ont un impact positif direct sur l’apprentissage. La plus puissante est sans contredit la récupération en mémoire : le simple fait de chercher à se souvenir d’une notion modifie les connexions neuronales. Lire et relire ses notes n’a qu’un effet modeste. Chercher une réponse, en revanche, même en se trompant, augmente la probabilité de s’en souvenir plus tard.

Cette récupération devient encore plus efficace lorsqu’on l’associe à l’espacement. Laisser du temps entre deux réactivations renforce la consolidation et facilite l’accès ultérieur à l’information. Le sommeil contribue d’ailleurs lui aussi à réactiver les notions vues dans la journée, ce qui explique pourquoi revoir un contenu un jour, puis une semaine plus tard, produit souvent de meilleurs résultats qu’un bloc intensif de répétitions.

Masson rappelle également qu’expliquer une notion avec ses mots, comparer des concepts ou rédiger un résumé (sans notes!) sont autant de façons puissantes d’amener les élèves à construire du sens et à ancrer leurs connaissances.

Les élèves en difficulté : plus de points communs que de différences

Un élément très rassurant pour les enseignants est la conclusion suivante : malgré les diagnostics (TDAH, dyslexie, dysorthographie…), le fonctionnement général du cerveau demeure largement similaire d’un élève à l’autre. Les difficultés sont souvent liées à un mécanisme précis, par exemple, l’efficacité des neurotransmetteurs inhibiteurs dans le cas du TDAH, ou la formation de connexions entre les régions du langage dans la dyslexie.

Il souligne aussi le rôle de l’anxiété, qui occupe une partie de la mémoire de travail et rend la compréhension plus difficile. Dans ces cas, la consolidation des bases et la simplification des tâches deviennent encore plus importantes.

Sur le plan pédagogique, cela signifie que les approches efficaces… le sont finalement pour tous! Les élèves en difficulté n’auraient donc pas besoin d’une pédagogie complètement différente, mais d’une pédagogie plus guidée, plus systématique, plus fréquente. Bref, davantage de ce qui fonctionne déjà.

Reconnaître la surcharge cognitive pour mieux la prévenir

La mémoire de travail, où l’on traite activement l’information, est très limitée. Lorsqu’une tâche exige trop d’efforts simultanés (trop de nouveautés, trop d’étapes, trop d’éléments à retenir), le cerveau décroche. Ce n’est pas un manque d’intérêt : c’est une incapacité à poursuivre l’effort.

Steve Masson propose de repérer certains signaux : élèves qui regardent ailleurs, qui deviennent agités, qui ne parviennent pas à reformuler ce qu’ils viennent d’entendre. Tous ces signes peuvent indiquer que la mémoire de travail est débordée.

La solution n’est pas de « mettre plus d’énergie », mais de réduire la charge : ralentir, découper la tâche, simplifier la consigne, isoler une seule nouveauté à la fois. Le découpage, ou segmentation, permet de maintenir l’attention tout en assurant la progression.

Entrelacer sans chaos

Les enseignants entendent souvent parler d’enseignement « spiralaire » ou « entrelacé », mais l’idée peut sembler impraticable au quotidien. 

Se voulant rassurant, Masson estime qu’il n’est pas nécessaire de revoir toute sa planification annuelle. Une stratégie simple et efficace est de faire des retours en arrière optimisés :

  • Commencer la période par une réactivation de 5 à 10 minutes sur la notion vue la veille.
  • Poser une question rapide sur une notion vue il y a quelques semaines.
  • Utiliser des jeux interactifs ou des routines matinales pour des défis de mémoire.
  • Utiliser un « bocal à notions » avec des questions tirées au hasard. 

Ces petites interventions suffisent à profiter de l’effet d’espacement sans transformer l’organisation de la classe.

Musique et distractions numériques : ce que dit la recherche

La musique occupe une place importante dans les pratiques d’étude des élèves. Or, la recherche est claire : la musique instrumentale a un effet neutre (légèrement négatif, mais mineur), tandis que la musique avec paroles nuit de façon beaucoup plus marquée à la compréhension et à la lecture. Lorsque la tâche est exigeante, mieux vaut le silence.

Un autre facteur à considérer est la distraction numérique. Les outils technologiques peuvent soutenir l’apprentissage lorsqu’ils stimulent la réflexion, favorisent la récupération en mémoire, offrent une rétroaction immédiate ou facilitent la collaboration et l’accès aux ressources. Toutefois, ils deviennent une source majeure de distraction, et réduisent fortement l’efficacité cognitive, lorsque les élèves sont exposés aux réseaux sociaux, aux notifications ou à d’autres sollicitations constantes. Ils peuvent aussi nuire aux apprentissages lorsqu’ils réalisent la tâche à la place de l’élève plutôt que de l’amener à mobiliser sa propre réflexion.

Comment distinguer les approches crédibles des mythes?

Enfin, Steve Masson aborde un enjeu majeur : comment s’y retrouver parmi les nombreuses approches pédagogiques qui circulent, souvent appuyées sur des mythes (cerveau gauche/droit, 10 % du cerveau utilisé, différences filles/garçons, etc.)?

Il rappelle par exemple que l’idée selon laquelle certains élèves « doivent bouger pour apprendre » n’est pas appuyée par les données actuelles. Bouger dans le sens de manipuler ou se déplacer en classe n’améliore pas nécessairement l’apprentissage. En revanche, une bonne santé cardiovasculaire, entretenue par l’activité physique, améliore l’oxygénation du cerveau et soutient les fonctions attentionnelles.

Pour lui, le réflexe le plus sain est d’adopter une posture d’ouverture… et de scepticisme. Une bonne approche pédagogique s’appuie sur des éléments clairement démontrés : la récupération, l’espacement, la prise en compte de la charge cognitive, la rétroaction, l’automatisation des connaissances de base. Lorsqu’une approche revendique des effets extraordinaires sans données solides, mieux vaut prendre une distance critique.

Enseigner avec le cerveau en tête

La conférence de Steve Masson nous rappelle que les stratégies les plus efficaces ne sont pas les plus complexes. Elles sont souvent simples et déjà accessibles aux enseignants : poser des questions, espacer les révisions, activer les connaissances, automatiser les bases, réduire la surcharge, éliminer les distractions.

En bref, enseigner en tenant compte du fonctionnement réel du cerveau n’exige pas de révolutionner sa pratique, mais de faire mieux ce que l’on fait déjà.

Pour aller plus loin : espacement et récupération en action

Note : Les exemples d’application en classe dans cette section ont été générés en collaboration avec l’intelligence artificielle.

Les deux stratégies les plus robustes, selon les recherches en neuroéducation, sont l’espacement (répéter à travers le temps) et la récupération active (se forcer à se souvenir sans les notes). Voici quelques idées sur comment les intégrer au quotidien :

MatièreStratégie d’espacement et de récupérationAvantage neuroéducatif
FrançaisLa « roue des notions » : Chaque matin, lancez un dé ou tirez au sort une carte représentant une notion vue (ex. : la règle de l’accord du participe passé, les figures de style, les types de textes). Posez une question rapide sur la notion tirée.Force la réactivation de traces mémorielles moins récentes, renforçant la consolidation (consolidation espacée).
MathématiquesProblèmes entrelacés : Au lieu de donner 10 problèmes sur une seule notion (ex. : les fractions), donnez des problèmes qui nécessitent d’appliquer la notion d’aujourd’hui, celle de la semaine dernière (ex. : pourcentages) et celle du mois passé (ex. : aires).Favorise le tri des stratégies en mémoire de travail et améliore la discrimination entre les concepts (entrelacement).
Histoire / SciencesLe « défi du tableau blanc » : Demandez aux élèves (individuellement ou en petit groupe) de reproduire ou d’expliquer de mémoire sur un tableau blanc (ou un bout de papier) le cycle de l’eau, les causes d’un conflit historique, ou un concept clé, avant de leur permettre de vérifier dans leurs notes.Active l’effort de récupération (Retrieval Practice), qui est bien plus efficace que la simple relecture pour la rétention à long terme.
GénéralLe « bocal de l’oubli » : Écrivez les questions sur les notions récentes sur des petites cartes et mettez-les dans un bocal. À la fin de la période ou juste avant la récréation, tirez une ou deux questions pour réactiver le contenu.Permet un espacement de quelques minutes à quelques heures, sans demander une planification lourde.

L’idée est d’incorporer de brefs et fréquents rappels pour transformer le contenu de la mémoire de travail éphémère en connaissances solides dans la mémoire à long terme.

Le 51e congrès en éducation inclusive de l’Institut des troubles d’apprentissage se tiendra les 18, 19 et 20 mars 2026 en formule virtuelle.

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