Par Elisabeth Lefebvre, Université du Québec en Outaouais (UQO)
Le trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ne s’arrête pas aux bancs d’école, il bouleverse aussi la qualité de vie des familles. Entre stigmatisation, stress chronique et sentiment d’impuissance, ce trouble encore mal compris laisse bien des parents à bout de souffle.
Bien qu’il soit le troisième trouble de santé mentale en importance dans le monde et le plus fréquent chez les enfants, le TDAH est souvent l’objet de controverses. Pourtant, la première référence scientifique décrivant des symptômes s’apparentant à ce que nous définissons aujourd’hui comme un TDAH remonte à 1798 par Sir Alexander Crichton, un médecin écossais.
Bien que les recherches sur l’étiologie du TDAH soient abondantes, le TDAH demeure un sujet d’actualité en raison de son diagnostic complexe, ses symptômes hétérogènes et son traitement controversé.
Infirmière clinicienne auprès des enfants et leurs familles depuis près de 20 ans, et doctorante en sciences de la famille à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), j’approfondis depuis quelques années mes connaissances sur les difficultés relationnelles vécues par les familles dont un enfant vit avec un TDAH. Étant moi-même mère de deux adolescentes vivant avec un TDAH, j’ai réalisé que de nombreux parents rencontraient les mêmes défis que moi au quotidien.
L’impact du TDAH de l’enfant sur la qualité de vie de la famille
Les parents d’enfants ayant un TDAH peuvent vivre davantage de stress et de conflits dans la relation avec leur enfant, selon une étude réalisée en Grande-Bretagne en 2021. La façon dont les parents réagissent aux symptômes du TDAH de l’enfant peut influencer leur sentiment de compétence parentale et modifier leur style parental de deux façons : soit vers la critique et le rejet de l’enfant ou vers la permissivité et l’indulgence. Cela peut donc entraîner de lourdes conséquences sur la relation avec leur enfant.
Dans de nombreuses études, les parents mentionnent deux sphères principalement touchées par le TDAH de l’enfant : la scolarité de l’enfant, et la qualité de vie de la famille.
Stigmatisation vécue par les enfants et les parents
Être parent d’un enfant qui vit avec un TDAH peut être très exigeant. En plus de devoir faire face aux symptômes du TDAH, les parents peuvent être confrontés à des attitudes stigmatisantes. Selon une étude menée par des chercheurs espagnols en 2017, les jugements reçus sont principalement en lien avec le comportement de l’enfant et le choix de traiter ou non les symptômes par des médicaments de type psychostimulants.
De plus, ces jugements proviennent principalement de la part des personnes censées soutenir les familles, à savoir leur propre famille élargie, les enseignants et les membres de la communauté. Les parents peuvent alors vivre de la détresse, de la tristesse et un sentiment d’impuissance similaire à un deuil. Ils peuvent ressentir des émotions pénibles telles que la colère, la frustration, la dépression ainsi qu’une altération de leur fonctionnement social et professionnel.
Le stress du parent et son impact sur l’enfant
Selon une étude publiée en 2022, le stress des parents d’enfants vivant avec un TDAH découlerait en partie de leur faible sentiment de compétence parental.
Des efforts pour uniquement atténuer les symptômes du TDAH seraient donc inefficaces pour diminuer le fardeau familial. Lorsqu’un parent est stressé, sa disponibilité émotionnelle à l’enfant est réduite. Il répond donc moins à ses besoins et cela risque d’entraîner des conséquences défavorables sur son développement et son comportement, ainsi qu’une hausse de ses symptômes de TDAH.
Sachant que le TDAH a une forte composante héréditaire, il est fort probable que le parent dont l’enfant est atteint d’un TDAH le soit également. En période de stress, autant le parent que l’enfant atteint d’un TDAH peut vivre des moments de frustrations et de colère en réponse à des provocations mineures, ce qui peut avoir un impact sur la relation parent-enfant et altérer le sentiment de compétence parentale.
Quand un parent doute de ses compétences, c’est toute la dynamique familiale qui peut en souffrir. Le stress parental est lié à plusieurs enjeux : problèmes de comportement chez l’enfant, tensions dans la relation parent-enfant, et autres difficultés qui peuvent émerger à l’adolescence.
Les parents ayant un TDAH ont aussi des atouts
Les parents qui sont eux-mêmes atteints de TDAH peuvent certes vivre des difficultés, mais aussi, à l’inverse, faire preuve d’empathie et de tolérance à l’égard des problèmes rencontrés par l’enfant et mieux jouer avec lui.
Une bonne compréhension par le parent des symptômes de TDAH de l’enfant lui permet de moduler ses attentes envers son enfant et de lui fournir le soutien dont il a besoin au quotidien, limitant ainsi les conflits et diminuant la détresse parentale. Elle favorisera aussi une meilleure relation parent-enfant, ce qui optimisera la qualité de vie de toute la famille.
Il a été démontré que les programmes d’éducation destinés à aider les parents d’enfants d’âge scolaire à mieux gérer leur stress — en leur offrant des outils en communication, en résilience familiale, en gestion des émotions et du stress — améliorent grandement leur capacité à prendre soin de leur enfant.
Développer des attentes réalistes
De plus, avant de poser un diagnostic de TDAH et d’amorcer le traitement médicamenteux chez des enfants d’âge préscolaire, l’American Academy of Pediatrics recommande aux parents de suivre un programme de formation. Celui-ci les aide à ajuster leurs attentes selon les capacités réelles de leur enfant et à mieux gérer les comportements problématiques.
Avoir des attentes réalistes envers son enfant, plus précisément sa capacité d’attention, peut aider à changer le regard du parent, à réduire les idées négatives et à mieux vivre le quotidien. Cela permettra ainsi d’améliorer le sentiment de compétence parentale et d’optimiser la qualité de vie de toute la famille.
Bien qu’il existe déjà de nombreux outils pour favoriser la capacité d’attention de l’enfant et diminuer ses symptômes de TDAH, cette perspective circulaire amène de nouvelles pistes de solutions pour aider les familles.
En visant l’amélioration des interactions entre les membres de la famille et l’influence qu’ils ont l’un sur l’autre, non seulement la qualité de vie de l’enfant pourra être améliorée, mais également celle de sa famille.
Par Elisabeth Lefebvre, Infirmière Msc., étudiante au doctorat en sciences de la famille, Université du Québec en Outaouais (UQO)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.