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Du temps pour apprendre : repenser la formation continue des enseignants

Selon Marie-Pier Duchaine de l'Université TÉLUQ et Nancy Gaudreau de l'Université Laval, face à la pénurie de main-d'œuvre et à la surcharge de travail en éducation, deux stratégies innovantes permettent d'intégrer le développement professionnel des enseignants dans l'horaire scolaire. Découvrez-les dans cet article de La Conversation.
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Par Marie-Pier Duchaine, Université TÉLUQ

Comment libérer du temps pour la formation des enseignants sans alourdir leur charge ? Deux stratégies simples et adaptées au milieu scolaire québécois ouvrent des pistes concrètes.

Le développement professionnel est un levier essentiel pour faire évoluer les pratiques enseignantes et améliorer la réussite des élèves. Au Québec, il repose généralement sur des journées pédagogiques et des formations offertes après les heures de classe.

Toutefois, cette approche a montré ses limites. Les formations ponctuelles ont peu d’impact à long terme sur les pratiques en salle de classe. De plus, en période de pénurie de personnel, ce modèle devient encore plus fragile : les contraintes organisationnelles forcent souvent le remplacement des activités de développement professionnel par des tâches administratives urgentes et les libérations du personnel s’avèrent complexes.

Alors, comment intégrer le développement professionnel sans alourdir la tâche des enseignants ? Comment aménager l’horaire scolaire pour créer des plages de formation sans nuire au temps d’enseignement ?

Voici deux stratégies inspirées des Américains Todd Whitaker et Annette Breaux, auteurs de plusieurs livres sur l’éducation et le comportement des élèves, adaptées à la réalité québécoise : regrouper les périodes de spécialités et instaurer une journée écourtée.

Professeures en éducation aux universités TÉLUQ et Laval, ma collègue Nancy Gaudreau et moi-même possédons une expertise complémentaire dans le domaine du développement professionnel continu des enseignants. Nos travaux de recherche portent notamment sur les approches novatrices de formation continue.

Le regroupement des périodes de spécialités

Cette première approche synchronise certaines disciplines pour libérer un groupe d’enseignants sans nécessiter de ressources humaines supplémentaires.

Comment faire ?

  • Identifier un moment récurrent dans l’horaire.
  • Synchroniser les cours de spécialités pour un même groupe d’élèves.
  • Libérer ainsi un bloc de temps pour les enseignants concernés.

Exemples :

  • Primaire : Jour 3, de 8 h 10 à 9 h 10, tous les élèves du 2e cycle ont une spécialité pendant que leurs enseignants titulaires participent à une activité de développement professionnel.
  • Secondaire : Jour 3, de 13 h 30 à 14 h 45, tous les élèves de 2e secondaire ont un cours d’art, d’éducation physique ou de langue seconde pendant que leurs enseignants de mathématiques, français et science participent à une activité de développement professionnel.

Au Japon, la méthode des Lesson Study s’appuie sur un principe similaire. Dans les écoles japonaises, des plages horaires sont spécifiquement réservées aux activités collaboratives entre enseignants, pendant que les élèves suivent des cours avec des spécialistes ou participent à des activités dirigées par d’autres membres du personnel. Cette organisation permet aux enseignants de planifier, observer et analyser collectivement leurs pratiques pédagogiques sans interrompre le temps d’apprentissage des élèves.

La journée écourtée

Cette seconde approche consiste à réduire la durée du temps d’enseignement d’une journée du cycle afin de dégager du temps dédié au développement professionnel tout en maintenant le volume total d’enseignement.

Exemple :

  • Jour 8 : Fin des classes à 14 h 30 (60 minutes plus tôt) et de 14 h 45 à 16 h 00, on instaure un temps dédié au développement professionnel
  • Autres jours : Ajout de 6-7 minutes par jour pour maintenir le volume total d’enseignement

Aux États-Unis, certains districts scolaires innovants ont adopté les early release days (journées à sortie anticipée). Par exemple, les élèves terminent leurs cours plus tôt certains jours désignés, permettant aux enseignants de collaborer en équipe. Le temps d’enseignement est compensé par un léger allongement des autres journées, respectant ainsi le volume total d’heures d’instruction requis tout en créant des espaces dédiés au développement professionnel.

Considérations pratiques

Ces deux stratégies présentent plusieurs avantages : elles maintiennent le volume d’heures d’enseignement prescrit tout en dégageant du temps dédié pour le développement professionnel des enseignants.

Notons que pour le regroupement des périodes de spécialités, la coordination des horaires des spécialistes est essentielle, tandis que pour la journée écourtée, l’ajustement du transport scolaire et de l’horaire du service de garde constitue des défis spécifiques à anticiper.

Dans les deux cas, la mise en œuvre requiert une communication claire avec les parents concernant ces nouvelles modalités, une planification rigoureuse des activités de développement professionnel pour optimiser ce temps précieux, ainsi que l’approbation formelle du conseil d’établissement.

Par ailleurs, une consultation préalable des enseignants est indispensable pour assurer leur adhésion et adapter ces stratégies en fonction des besoins spécifiques de chaque milieu scolaire et des priorités identifiées par l’équipe-école.

Des pistes concrètes pour avancer

Modifier l’horaire peut représenter un véritable levier pour favoriser le développement professionnel. Les deux approches proposées ici permettent une alternance régulière entre apprentissages théoriques et mise en pratique, ce qui est essentiel pour une formation efficace. Elles créent aussi des espaces propices aux échanges entre collègues, un autre facteur de réussite reconnu.

Dans un contexte de pénurie de personnel et de surcharge, ces stratégies offrent une solution concrète, adaptée à la réalité des écoles québécoises. Pour qu’elles fonctionnent sur le long terme, il est essentiel d’impliquer les enseignants dès le départ, d’aligner les objectifs de formation avec ceux de l’établissement, et de prévoir un accompagnement pour soutenir les nouvelles pratiques.

Ces pistes ne sont pas seulement des ajustements techniques : elles ouvrent la voie à une nouvelle façon d’organiser l’école pour qu’elle soutienne vraiment le développement des professionnels qui y travaillent.

Par Marie-Pier Duchaine, Professeure invitée, département Éducation, Université TÉLUQ

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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