Soucieuse de mieux concilier sa vie professionnelle avec sa vie familiale, Amy Tran a décidé de repenser ses pratiques pour sortir du cercle sans fin des corrections de fin de semaine. Aujourd’hui, elle est arrivée à un bon équilibre : la transformation de ses pratiques d’évaluation a été progressive. « Inutile de tout changer d’un coup! », dit-elle.
Inspirée entre autres par une formation de l’enseignant Pierre-Oliver Cloutier, elle a opté pour une approche itérative, en ajustant ses pratiques année après année. « La beauté de l’itération, c’est d’avoir du recul et d’y aller à son rythme. »
Voici ses conseils pour les enseignantes et enseignants qui souhaiteraient effectuer un changement dans leurs pratiques évaluatives en mathématiques.
Par où commencer?
- Un seul changement au départ : par exemple, modifier la façon de corriger un premier examen.
- Lorsque l’on ressent les bénéfices chez les élèves, ajouter une nouvelle pratique l’année suivante.
- Se faire accompagner par une personne bienveillante (ou plusieurs), sans sentir de jugement.
Amy souligne d’ailleurs la richesse du partage entre collègues. Ses pratiques ont évolué grâce aux discussions, aux essais, aux doutes partagés avec eux. Pour elle, les formations ponctuelles ne suffisent pas. Il faut du temps, des espaces collaboratifs durables, comme les communautés d’apprentissage professionnelles (CAP).
Alléger sans sacrifier : des stratégies concrètes
1. Réduire la lourdeur des examens écrits
- Des évaluations plus courtes et ciblées (ex. une question courte, mais complexe, sur la moyenne arithmétique).
- Utilisation d’une grille simple à deux indicateurs : raisonnement et calcul, évalués sur 4 échelons. Il n’est pas nécessaire d’évaluer tous les critères à chaque fois. Il est judicieux d’en cibler juste 1 ou 2.
- Correction rapide : 2 minutes par copie.
- Pas besoin de chercher l’erreur exacte. On juge l’impact : erreur majeure ou mineure? Raisonnement ou simple distraction? Une virgule mal placée n’est pas le symptôme d’une mauvaise maîtrise de la compétence : ça ne devrait pas affecter énormément le choix de descripteurs sur l’échelle, selon elle. Par contre, un raisonnement incompréhensible, oui.
2. Revoir les grilles d’évaluation
- Abandon des vieilles listes de vérification à points trop chronophages.
- Adoption d’une grille générale adaptée à la majeure partie des évaluations.
- L’objectif : réduire la charge cognitive lors de la correction et se concentrer sur l’essentiel.
3. Planifier en se concentrant sur les apprentissages
- Adapter les évaluations à la réalité de chaque groupe : type d’élèves, moment de l’année, niveau de stress, etc.
- Feuilles-mémoire permises lors des évaluations : utile pour évaluer la compétence, pas la mémorisation.
- Alternance des traces entre tests et conversations :
- Traces réalisées en travaux pratiques, souvent corrigées en groupe. Il n’est pas nécessaire de garder des traces pour tout le monde.
- Mini-tests ponctuels, parfois plus anxiogènes, donc à utiliser avec discernement.
- Autoévaluation des élèves à partir d’une grille.
- Entrevues individuelles une ou deux fois l’an avec certains élèves, particulièrement ceux qui s’expriment mieux à l’oral.
- Pour les élèves en difficulté : travail en groupe, correction collective.
Le poids symbolique des notes
Amy Tran remet aussi en question la rigidité des pourcentages par rapport à la perception des élèves à propos de leur réussite.
La perception de l’élève : « 74 % ou 76 %, c’est la même chose pour eux : pas très bon, mais ils ne coulent pas! »
Ce à quoi il devrait avoir accès : « Une vision sur les éléments et notions qu’ils ne maîtrisent pas encore afin de pouvoir y travailler plus activement. »