QUÉBEC, le 17 mars /CNW Telbec/ – La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ne voit pas comment le budget présenté aujourd’hui pourrait être porteur d’avenir. L’éducation, véritable levier de développement pour l’avenir, ne pourra certes pas être soutenue par des investissements aussi faméliques. Ce budget s’inscrit dans la voie empruntée par le gouvernement Charest soit celle de déstructurer l’État, favoriser les règles du libre marché et alourdir le fardeau financier des particuliers. Encore une fois, ce sont les plus démunis, les étudiantes et étudiants et la classe moyenne qui sont les plus sollicités pour réduire le déficit.
Quel avenir pour l’éducation?
L’ajout de 328 millions de dollars au budget de l’éducation ne répond pour l’essentiel qu’à l’augmentation des coûts de système. De ce montant, on prévoit 34 M$ pour des engagements précédents concernant les programmes de soutien à la persévérance scolaire. Quant aux 240 millions de dollars sur cinq ans pour doter les écoles d’outils pédagogiques numériques, la FAE persiste à dire que ce choix demeure questionnable du point de vue des priorités en éducation. La priorité accordée à l’apprentissage intensif de l’anglais en sixième année apparaît tout aussi discutable.
« Où sont les mesures pour valoriser l’École Publique? Que fait-on des engagements formulés pour revoir le modèle actuel d’intégration des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA)? Des promesses creuses? Il y a là urgence d’intervenir. Est-il nécessaire de rappeler le lien évident entre le manque de soutien aux élèves HDAA et le décrochage scolaire? Le décrochage scolaire a un prix : 2 milliards de dollars par année. Malgré ce triste constat, où sont les sommes pour répondre aux besoins des élèves, des parents et du personnel enseignant dans ce budget? Aucun signal dans ce budget pour affirmer l’importance de l’éducation pour notre société. Si c’est cela l’avenir, ce n’est pas réjouissant, c’est franchement déplorable, voire dramatique », a ajouté Pierre St-Germain, le président de la FAE.
Hausse des droits de scolarité
Le budget du ministre Raymond Bachand annonce une hausse de 325 $ par année des droits de scolarité. En 4 ans, c’est 1300 $ de plus que déboursera chaque étudiant et en 2017, les droits de scolarité s’élèveront à 3793 $ par année. La contribution nette des étudiants sur le plan du financement des universités s’établira à 265 M$ en 2016-2017. C’est un net recul pour les étudiants et un frein à l’accessibilité aux études. Pour le président de la FAE, Pierre St-Germain, « le gouvernement renie de la sorte les conclusions du rapport Parent, fondement même de l’éducation au Québec, qui prônait l’accessibilité financière aux études comme vecteur de progrès social. C’est triste que cela survienne au moment où on célèbre le 50e anniversaire de l’adoption de la Grande Charte de l’éducation. »
Un grand trou dans le filet social et une attaque directe à l’endroit des femmes
Pour atteindre le déficit zéro, d’ici 2013-2014, Québec compte réduire ses dépenses de 6,9 milliards de dollars et demandera aux Québécoises et Québécois de payer 4,3 milliards de dollars supplémentaires par l’entremise de hausses de tarifs et de taxes. Par exemple, la TVQ augmentera d’un point de pourcentage le 1er janvier 2012, pour être portée à 9,5 %. La « contribution santé » passera à 100 $ en 2012 et à 200 $ en 2013 pour la plupart des contribuables. On rétrécit aussi la porte d’entrée à la retraite en augmentant les pénalités actuarielles pour ceux qui partent à la retraite avant 65 ans et augmente le taux de cotisation pour ceux qui restent. « Toutes ces mesures font un grand trou dans le filet social et renforcent les inégalités. La lutte au déficit se fait carrément au détriment des travailleuses et travailleurs à faible revenu et des étudiantes et étudiants. »
Les modifications au Régime des rentes du Québec (RRQ) affecteront de façon plus directe les femmes. On retrouve souvent celles-ci parmi les plus faibles salariés, sans régime de retraite. Elles sont donc les plus pénalisées par ces nouvelles dispositions. Déjà très sollicitées à titre d’aidante naturelle, on ajoute à leur fardeau en exigeant qu’elles travaillent encore plus longtemps. De plus, en réduisant de 35 % le budget alloué à la condition féminine, le gouvernement confirme son manque de sensibilité à l’endroit des problèmes que vivent toujours les femmes dans la société québécoise.
Le gouvernement Charest renie ses engagements
En fournissant un cadre budgétaire serré au ministre des Finances, la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, a-t-elle déjà oublié avoir été ministre de l’Éducation? Pourtant, il y a moins d’un an, en avril 2010, madame Courchesne s’inquiétait des conditions de travail des enseignantes et enseignants, une situation qu’elle qualifiait d’inhumaine. Elle mentionnait désirer revoir l’ensemble de la politique d’intégration affirmant publiquement que « l’intégration, ça ne peut pas se faire au détriment de la réussite des autres élèves. »1 Le premier ministre Jean Charest avait aussi déclaré à la même période lors du Conseil général du Parti libéral : « Après une dizaine d’années, il faut aujourd’hui s’interroger : est-ce vraiment la meilleure façon d’assurer la réussite des élèves en difficulté? »2 À son tour, la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, a promis l’annonce d’un plan ministériel pour les élèves HDAA, d’ici juin 2011. On peut maintenant réellement douter de la capacité de la ministre à réaliser ce projet sans ajout de ressources financières substantielles.
« On ne trouve aucune mesure dans ce budget pour articuler la promesse libérale de revoir le modèle actuel d’intégration. La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, qui disait pourtant l’automne dernier faire de ce dossier sa priorité, ne semble pas avoir été persuasive auprès de ses collègues, ayant été incapable de convaincre son gouvernement d’ajouter dès maintenant des crédits en éducation. Le gouvernement Charest démontre par ce budget son incapacité à faire preuve de cohérence entre son discours et ses actions. Mais de notre côté, nous allons poursuivre la lutte et maintenir la pression pour que des ressources soient ajoutées et que le modèle actuel d’intégration soit revu », a conclu Pierre St-Germain.
La FAE regroupe neuf syndicats de l’enseignement qui représentent quelque 32 000 enseignantes et enseignants (le tiers du personnel enseignant au Québec) du préscolaire, du primaire, du secondaire, du milieu carcéral, de la formation professionnelle et de l’éducation des adultes ainsi que le personnel scolaire des écoles Peter Hall et du Centre académique Fournier.