Ce partenariat intersectoriel, appuyé par des données locales et des recherches nationales, place la prévention et la concertation au cœur de sa démarche. « Nous préférons parler de promotion du bien-être et de la santé, ce qui est beaucoup plus positif, que de parler d’encadrement. Le développement de saines habitudes de vie et de la compétence numérique peuvent être perçu comme opposés, mais les deux se rejoignent dans les actions à poser en matière de prévention », affirme Jérôme Gagnon, coordonnateur des services éducatifs au Centre de services scolaire du Lac-Saint-Jean (CSSLSJ).
Un constat préoccupant
Le déclencheur de cette initiative a été une enquête interne réalisée dans neuf établissements primaires et secondaires du CSSLSJ en 2022-2023. Plus de 1 000 élèves, de la 2e année du primaire à la 5e secondaire, ont répondu à un questionnaire sur leurs habitudes numériques. Les résultats ont mis en lumière plusieurs zones de vulnérabilité : accès très jeune aux réseaux sociaux, surveillance parentale limitée, méconnaissance des risques liés à Internet, exposition à des contenus inappropriés, et impacts négatifs sur la santé mentale.
Par exemple, 82 % des élèves de 3ᵉ année ont affirmé utiliser les réseaux sociaux. Près du tiers des jeunes du secondaire ont déclaré passer plus de 5 heures par jour devant un écran, en semaine, une proportion qui grimpe à 69 % les fins de semaine. De plus, une majorité d’élèves a indiqué que leurs parents surveillaient peu ou pas du tout leurs activités en ligne.
Ces données ont révélé non seulement des usages excessifs, mais aussi un certain isolement numérique chez certains jeunes, souvent livrés à eux-mêmes pour naviguer à travers les enjeux technologiques contemporains.
« C’est à partir de ces résultats que notre démarche a véritablement pris son envol. Cela a suscité un vif intérêt et mobilisé plusieurs personnes pour planifier et réfléchir à des façons d’intervenir. L’objectif était de réduire les méfaits liés aux écrans tout en reconnaissant leurs apports positifs, afin d’amener nos élèves vers le haut plutôt que de les plonger dans davantage de déséquilibre ou de détresse », a indiqué Marie Castonguay, psychoéducatrice au CSSLSL lors d’une conférence présentée au printemps 2025.
Une approche systémique et structurée
Devant l’ampleur des constats, le CSSLSJ a choisi d’adopter une approche systémique, inspirée du référent ÉKIP, axée sur l’interaction école-famille-communauté. L’objectif était de mettre en place des mesures concrètes et évolutives, en phase avec les orientations du Plan d’engagement vers la réussite (PEVR) 2023-2027. De fait, celui-ci contient des indicateurs en lien avec le bien-être des élèves et la réduction des comportements à risque, incluant la consommation des écrans.
Enjeu 2 du PEVR : Des environnements sains et bienveillants
Nous nous engageons à cultiver un climat scolaire positif et inclusif pour contribuer au bien-être et au développement des élèves et de notre personnel.

La démarche est aussi liée au Profil de sortie des élèves du centre de services scolaire. Celui-ci prévoit que les élèves sont capables d’adopter de saines habitudes de vie pour contribuer à leur bien-être psychologique et physique.
Profil de sortie de l’élève au CSSLSJ

Source : https://csslsj.gouv.qc.ca/profil-de-sortie-de-leleve
Une structure de gouvernance a été établie, comprenant un comité directeur (chargé des grandes orientations) et un comité tactique (responsable du déploiement du plan d’action). Les équipes des écoles, les professionnels en éducation, les intervenants en santé et les partenaires communautaires sont appelés à collaborer dans un esprit de co-construction.

Un plan d’action en quatre axes
Le plan d’action vise deux objectifs : sensibiliser les différents milieux de vie à une utilisation équilibrée des écrans en informant à propos des risques, des méfaits et des bienfaits de ceux-ci; favoriser un encadrement du numérique cohérent et durable dans le temps.
Il s’articule autour de quatre axes majeurs : l’école, les élèves, les familles et la communauté. « Il est important de commencer par les usages à l’école. Il faut regarder ce qui se fait dans nos murs avant d’aller vers les élèves, les familles et la communauté », indique Jérôme Gagnon.
1. L’école comme milieu de prévention et d’intervention
Dans les écoles, l’enjeu est double : d’une part, sensibiliser le personnel aux effets des écrans (positifs et négatifs), et d’autre part, renforcer les pratiques pédagogiques intégrant un usage réfléchi du numérique. Des formations sont prévues, tout comme la création de boîtes à outils, de lignes directrices sur l’encadrement des écrans et d’un lexique pour uniformiser le vocabulaire.
Les services de garde sont également ciblés, avec un souci d’assurer une cohérence dans les pratiques éducatives. Par ailleurs, le personnel sera informé des trajectoires de services disponibles en cas d’usage problématique des écrans.
« Les contenus du cours Culture et citoyenneté québécoise sont bien, mais le temps alloué n’est pas suffisant, compte tenu de l’ampleur du défi. Tout le monde doit être mis à profit. », indique Jérôme.
2. Des élèves mieux informés et plus engagés
Le volet jeunesse prévoit des campagnes de sensibilisation sur les impacts des écrans (ex. journée sans écran à l’école), la diffusion d’outils éducatifs, et la valorisation d’activités alternatives. Des actions concrètes, comme la consultation des élèves pour l’élaboration d’un cadre de référence et leur implication dans des projets sociaux, visent à les mobiliser autour de leur bien-être numérique.
Un accent est mis sur la responsabilisation : faire comprendre les enjeux, tout en valorisant l’autonomie et l’engagement actif dans la recherche de solutions.
3. Outiller les familles pour mieux accompagner
Les parents seront, eux aussi, sensibilisés grâce à des rencontres, des capsules informatives et des outils pratiques. L’objectif est de les aider à établir des limites, à mieux comprendre les usages numériques de leurs enfants et à adopter une posture de dialogue plutôt que de contrôle.
Un recueil d’activités alternatives sera diffusé pour encourager la diversification des temps libres. Les comités de parents du CSSLSJ seront consultés et mobilisés dans la suite du projet.
4. Mobiliser la communauté élargie
La réussite de cette initiative repose également sur l’implication du milieu communautaire. Des organismes (ex. CIEL, PAUSE, CoLab) seront invités à collaborer à des activités de sensibilisation, à se former aux enjeux numériques et à intégrer les préoccupations du plan dans leurs interventions auprès des jeunes.
Une journée de formation régionale sur les écrans est d’ailleurs envisagée, ouverte à tous les partenaires.
Une vision à long terme
L’un des principes clés du projet est sa flexibilité. Conscient que la recherche sur les écrans évolue rapidement et que les contextes scolaires diffèrent, le CSSLSJ souhaite s’adapter au fil du temps, sans figer ses pratiques. L’élaboration de trajectoires de services, l’expérimentation de différentes approches, et l’évaluation continue de l’efficacité des actions témoignent de cette volonté de durabilité.
Le projet du CSSLSJ se distingue par sa capacité à rassembler une diversité d’acteurs autour d’un enjeu de société. Il propose une voie adaptable pour d’autres centres de services scolaires ou régions du Québec qui souhaiteraient s’en inspirer.
C’est donc à suivre!
Le thème du bonheur à l’école et du bien-être numérique vous intéresse? Consultez le numéro d’automne de notre revue professionnel : Semer le bien-être, récolter la réussite.






