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Un Ordre de l’excellence en éducation… pourquoi pas?

Cette semaine, les ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec ont annoncé la création d’un Ordre de l’excellence en éducation. À mon avis, il s’agit d’une bonne nouvelle, puisque c’est une forme de reconnaissance du travail des enseignants novateurs.

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Il y a un peu plus d’un an, j’écrivais à propos d’un possible gala de reconnaissance des enseignants novateurs. J’étais bien loin de me douter que cela deviendrait réalité aussi rapidement! En effet, plus tôt cette semaine, les ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ont annoncé la création d’un Ordre de l’excellence en éducation.

À mon avis, il s’agit d’une bonne nouvelle, puisque c’est une forme de reconnaissance du travail des enseignants novateurs. En effet, l’éducation québécoise commence enfin à prendre le virage du 21e siècle et ces enseignants sont encore noyés dans une culture figée dans les siècles passés. Il faut mettre ces enseignants de l’avant et souligner leur apport à la modernisation de l’éducation québécoise.

Dans les faits, l’initiative n’a rien de bien novateur, puisqu’on reproduit (enfin) à la sauce québécoise ce qui se fait de semblable dans d’autres provinces ou pays. Trois exemples me viennent en tête :

  1. Celui de l’Alberta qui offre les « Excellence in teaching Awards » depuis plus d’une vingtaine d’années;
  2. Celui des Prix canadiens du Premier ministre pour l’excellence en éducation;
  3. Celui de la France avec ses « Palmes académiques » qui existent depuis 1808 et qui ont été instaurées par l’Empereur Napoléon.

 

J’ai été stupéfait de lire les réactions négatives de plusieurs de mes collègues enseignants sur les réseaux sociaux. Bien que certains commentaires sur l’opportunisme politique étaient faciles à prévoir, j’ai été surpris de voir comment l’initiative était rejetée, puisque la profession enseignante est en constant mal de reconnaissance. Bien évidemment, il y a la question du flou des critères de nomination, des coûts associés à cet Ordre qui devraient être réinvestis dans les écoles, du rejet de l’idée d’une « compétition » entre les enseignants, etc. Ce que j’ai cru comprendre, c’est que ces centaines d’enseignants dont j’ai lu les commentaires dénoncent la reconnaissance d’une poignée d’enseignants, négligeant tous les autres qui se donnent pourtant corps et âme pour leurs élèves. Ce qu’il faut, toujours selon ces derniers, c’est faire monter tous les 70 000 enseignants sur le « podium » en leur offrant une reconnaissance universelle pour tous les enseignants : de meilleurs salaires, moins d’élèves dans les classes, plus de services de soutien à l’apprentissage et à l’enseignement, etc.

D’autres commentaires font appel à l’actualité et font allusion aux médecins : « Les médecins ont droits à des primes pour être à l’heure, porter la jaquette et des salaires à rendre bien des gens jaloux, nous (les enseignants), il faut être les meilleurs pour espérer une récompense! »

Cela donne le ton!

 

Mentalité de croissance et agentivité

Mon questionnement est simple : qu’y a-t-il de mal à demander à tous les professionnels de l’éducation d’être meilleurs ? Qu’y a-t-il de déplorable d’aspirer à toujours mieux se former pour mieux enseigner et mieux encadrer nos élèves? Je me souviens d’avoir lu sur Mandela qui disait qu’il est bien de donner l’exemple et d’être un modèle pour les autres. Or, la vraie question est plutôt de montrer aux autres à faire mieux que ce qu’ils se croient capables de faire. Bref, particulièrement en éducation, il faut toujours aspirer à « monter la barre » de la pratique professionnelle. Malheureusement, selon ce que je lis, il semble impossible d’en faire plus et cette attitude va contre mes convictions les plus profondes en lien avec la mentalité de croissance professionnelle. Comme le disait Alice Walker, écrivaine et militante : « La façon la plus courante qu’ont les gens de renoncer à leur pouvoir est de penser qu’ils n’en ont pas du tout ». Ce pouvoir vient avec la mentalité de croissance qui nous dicte que nous sommes ceux qui peuvent améliorer les choses sans nécessairement être une victime de diverses tractations externes. Ce pouvoir, c’est l’agentivité, soit « sa capacité à agir sur le monde, les choses, les êtres, à les transformer ou les influencer ».

C’est exactement pourquoi nous avons besoin d’une telle distinction nationale : il faut placer les enseignants qui repoussent les limites et qui redéfinissent leur profession sous les feux de la rampe, et ce, pour trois raisons :

  1. Ils ont besoin d’une bonne tape dans le dos, surtout que bien souvent, dans leurs milieux scolaires respectifs, ils reçoivent des gifles et font l’objet de railleries et de soupirs d’exaspération vu qu’ils suivent rarement la ligne de parti;
  2. Il faut que le discours de la possibilité du rehaussement des pratiques atterrisse dans les écoles. Une plaque sur le mur d’un bureau d’un enseignant méritant dans une école se veut indirectement un rappel : « vous aussi, chers collègues, vous pouvez le faire »!
  3. Et justement, si tout le monde peut le faire, un enseignant qui ne se croit potentiellement pas à la hauteur pourra réaliser qu’une telle reconnaissance est lui est accessible : « s’il a pu le faire, moi aussi je suis capable »!

Un enseignant honoré en est un dont l’honneur rejaillit sur toute l’école et sur ses collègues. C’est une occasion de fierté locale et de célébration; les élèves sont fiers d’avoir cet enseignant et les parents aussi. Évidemment, un Ordre de l’excellence en éducation ne doit pas être la seule mesure de reconnaissance de la profession enseignante et les aspirations des enseignants qui demandent de meilleures conditions salariales sont fondées, surtout ces temps-ci, avec la fin de la deuxième étape : ils sont cernés et épuisés.

Je vous encourage donc à soumettre fièrement la nomination des enseignants d’exception que vous côtoyez en consultant le site du Ministère de l’Éducation. En reconnaissant le travail de cet enseignant, vous contribuez à faire rayonner votre profession et à la faire reconnaitre auprès de la population québécoise.

À propos de l'auteur

Marc-André Girard
Marc-André Girard
Marc-André Girard est détenteur d’un baccalauréat en enseignement des sciences humaines (1999), d’une maitrise en didactique de l’histoire (2003), d’une maitrise en gestion de l’éducation (2013) et d’un doctorat en éducation (2022). Il s’est spécialisé en gestion du changement en milieu scolaire ainsi qu’en leadership pédagogique. Il s’intéresse également aux compétences du 21e siècle à développer en éducation. Il occupe un poste de direction dans une école publique et donne des conférences sur le leadership en éducation, les approches pédagonumériques, le changement en milieu scolaire ainsi que sur la professionnalisation de l’enseignement. Il a participé à des expéditions pédagogiques en France, en Finlande, en Suède, au Danemark et au Maroc. En septembre 2014, il a publié le livre « Le changement en milieu scolaire québécois » aux Éditions Reynald Goulet et, en 2019, il a publié une trilogie portant sur l'école du 21e siècle chez le même éditeur. Il collabore fréquemment à L’École branchée sur les questions relatives à l’éducation. Il est très impliqué dans tout ce qui entoure le développement professionnel des enseignants et des directions d'école ainsi que l’intégration des TIC à l’éducation. En mars 2016, il a reçu un prix CHAPO de l’AQUOPS pour l’ensemble de son implication. Il est récipiendaire de la bourse Régent-Fortin 2022 octroyée par l’ADERAE pour la contribution importante de ses études doctorales au développement de la pratique et des savoirs en administration de l’éducation.

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