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Les fonctionnalités des environnements numériques d’écriture qui contribuent à la motivation des élèves

Une étude menée auprès d’élèves de 4ᵉ année primaire et de 1ʳᵉ secondaire avait comme objectif d’identifier les caractéristiques des supports et des contextes d’écriture qui agissent sur la motivation à écrire des élèves. Trois supports d’écriture ont été examinés : l’écriture manuscrite, le traitement de texte et une application axée sur le développement du plaisir d’écrire. Voici les résultats.

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Par Rosianne Arseneau
Professeure associée
Département de didactique des langues
Université du Québec à Montréal

Sachant que plaisir et apprentissage sont interreliés, les personnes enseignantes sont constamment à la recherche de moyens nouveaux pour motiver leurs élèves à écrire. L’intégration de projets d’écriture en environnement numérique en fait partie. Quelles sont les caractéristiques des supports et contextes d’écriture qui agissent sur la motivation à écrire? 

Une étude menée auprès d’élèves de 4e année primaire et de 1re secondaire en collaboration avec la Fédération des établissements d’enseignement privés et l’équipe de l’application d’écriture Grifori1 (Pikobuz, 2024) s’est penchée sur la question. L’objectif de recherche était de comparer la motivation ressentie lors de l’écriture selon trois supports d’écriture : 

  • l’écriture manuscrite
  • le traitement de texte
  • l’application d’écriture Grifori  

L’équipe de recherche souhaitait aussi savoir plus précisément quelles caractéristiques ou fonctionnalités du support motivent davantage les élèves. Un questionnaire numérique d’une durée de 30 minutes a été soumis aux élèves participants. Le présent article rapporte quelques résultats de l’analyse des réponses des élèves de 1re secondaire détaillés dans d’autres contributions (Arseneau, 2024 ; Arseneau, soumis). 

Tel que décrit (Arseneau, soumis), « Grifori est une application éducative sur le web qui permet aux élèves de rédiger des textes de différents types et genres (à dominante narrative, descriptive et argumentative notamment) selon une structure définie, incluant des “histoires dont vous êtes le héros” à plusieurs dénouements et des jeux d’évasion avec énigmes à résoudre. L’ajout d’images, le mode collaboratif et l’aide à la correction d’erreurs orthographiques font partie des différentes fonctionnalités (montrées à la figure 1) qui visent à soutenir l’élève dans l’écriture et à stimuler sa créativité et sa motivation. »

Figure 1. Création d’une histoire dont vous êtes le héros dans l’application Grifori
(tirée de Arseneau, soumis)

Les élèves peuvent également partager leur « histoire dont vous êtes le héros » en utilisant un lien Web (comme montré à la figure 2) ou la publier sous la forme d’un fichier PDF.  

Figure 2. Lecture d’une histoire dont vous êtes le héros, créée dans l’application Grifori
(tirée de Arseneau, soumis)

Quelques résultats saillants

À la question « Si tu compares, dirais-tu que c’est plus motivant d’écrire à la main sur papier / dans Word ou Google Doc / dans l’application [Grifori] … », les 248 élèves de 1re secondaire sondés2 ont répondu dans une proportion de 47 % trouver plus motivant d’écrire dans l’application Grifori. L’écriture au traitement de texte arrive au 2e rang avec 41 % des réponses. Ceci résulte en une proportion totale de 88,4 % d’élèves préférant écrire en environnement numérique. Ainsi, seulement 11,6 % des élèves ont répondu trouver plus motivant d’écrire à la main sur papier3

Puisque les supports numériques se distinguent sur le plan de la motivation suscitée, la question qui se pose ensuite est la suivante : quelles caractéristiques et fonctionnalités de ces supports numériques sont le plus souvent mentionnées comme agissant positivement sur la motivation à écrire?

Voyons aux tableaux 1 et 2 les raisons invoquées respectivement par les élèves qui jugent plus motivant d’écrire dans l’application Grifori et au traitement de texte. 

Tableau 1. Caractéristiques et fonctionnalités cochées à la question « Pourquoi dis-tu que c’est plus motivant d’écrire dans l’application Grifori? »
(n=116; tiré de Arseneau, soumis)

Cinq caractéristiques les plus souvent cochées% d’élèves
Le fait de pouvoir écrire en collaboration avec mes ami(e)s.88,8 %
Le fait d’utiliser un clavier.70,7 %
Le fait que le texte soit déjà organisé en parties.65,5 %
Le fait de pouvoir ajouter des dessins, des photos ou des images.63,8 %
Le fait de pouvoir créer différentes suites ou fins.60,3 %

Tableau 2. Caractéristiques cochées à la question « Pourquoi dis-tu que c’est plus motivant d’écrire dans Word ou Google Doc. [traitement de texte]? »
(n=103; tiré de Arseneau, soumis)

Cinq caractéristiques les plus souvent cochées% d’élèves
Le fait d’utiliser un clavier.82,5 %
Le fait que mes erreurs d’orthographe soient soulignées.74,8 %
Le fait de pouvoir couper, copier et coller des parties. 58,3 %
Le fait de pouvoir organiser mon texte comme je le veux.57,3 %
Le fait de pouvoir écrire en collaboration avec mes ami(e)s.46,6 %

Alors que la possibilité d’écriture collaborative est mentionnée en 5ᵉ position pour le traitement de texte (tableau 2), elle se classe au 1ᵉʳ rang des fonctionnalités les plus fréquemment citées par les élèves jugeant l’écriture dans l’application plus motivante (tableau 1). En effet, les élèves peuvent assigner des parties du texte à chaque coéquipier ou coéquipière lors d’un projet d’écriture, ce qui crée une forme de « responsabilité individuelle » caractéristique d’une dynamique d’écriture non seulement collaborative, mais bien « coopérative » (Baudrit, 2005). 

Les élèves apprécient également d’autres fonctionnalités spécifiques à l’application, comme la possibilité d’ajouter des dessins et des photos à partir de la banque d’images fournies. La création de différentes suites ou fins parmi lesquelles le lecteur ou la lectrice doit choisir, une autre spécificité de l’application Grifori, est aussi perçue comme motivante. 

Créer une « histoire dont vous êtes le héros » exige une planification agile pour maintenir la cohérence des textes produits au fil des différents parcours de lecture possibles. Cela incite l’élève à considérer le destinataire dans une perspective de lecture « interactive » (Giasson, 2003) et à concevoir une « scénographie de l’interaction [entre le lecteur et le texte]» (Lacelle et Lebrun, 2016), des compétences d’écriture particulièrement importantes à l’ère numérique.

La fonctionnalité la plus souvent citée pour le traitement de texte est le clavier (également fréquemment mentionné pour l’application), suivi de près par le correcteur automatique. Ces résultats concordent avec des recherches montrant que l’utilisation du traitement de texte avec un correcteur réduit les erreurs d’orthographe grammaticale et d’usage (Grégoire, 2021), ce qui pourrait aussi accroître la motivation. Arrivant au 3e rang, la présence des fonctions « couper », « copier » et « coller » est aussi jugée motivante par les élèves. Elle favoriserait un meilleur rapport à l’écriture (Penloup, 2017) en améliorant la maniabilité et la lisibilité du texte (Brunel et Taous, 2018).

Que retenir de ces résultats pour l’enseignement de l’écriture?

Si l’écriture manuscrite reste appréciée par certains élèves, l’écriture numérique est jugée plus motivante par la majorité des jeunes de 1re secondaire sondés grâce à des fonctionnalités courantes comme le clavier et le « couper-copier-coller ». Les fonctionnalités plus spécifiques à l’application Grifori, telles que l’ajout d’images et la possibilité de créer différentes fins à son histoire, sont très souvent mentionnées comme motivantes. 

Pour l’organisation du texte, il semble que les élèves préférant une aide à la structuration grâce à des canevas prédéfinis trouvent l’application Grifori plus motivante, tandis que ceux recherchant plus de liberté de ce côté indiquent préférer le traitement de texte (ou encore l’écriture manuscrite; voir Arseneau, soumis).

En somme, qu’elle fasse écrire à l’écran ou sur papier, la personne enseignante peut proposer à ses élèves des activités et projets d’écriture motivants, notamment en leur fournissant un environnement de création qui soit riche sur le plan social, c’est-à-dire où des élèves co-auteur(e)s réfléchiront ensemble aux chemins possiblement multiples et non linéaires à emprunter par leurs lecteurs et lectrices du texte. 

Si l’accès à un environnement numérique est possible, certains de ces projets comme l’écriture « d’histoires dont vous êtes le héros » seront assurément facilités, ce qui permettra du même coup la développement de la compétence à écrire prenant en compte les spécificités de l’écriture multimodale (Lacelle et Lebrun, 2016).  

  1. Nommée Projet d’écriture au moment de sa création et de la collecte des données. ↩︎
  2. L’échantillon est composé de 119 élèves s’identifiant comme filles, 125 élèves s’identifiant comme garçons et 5 comme autres. Tous les élèves ont fourni leur consentement. Ils et elles proviennent d’une école privée de la Rive-Sud de Montréal. ↩︎
  3. La différence respective entre application et écriture à la main comme celle entre traitement de texte et à la main est statistiquement significative (p< 0,00001). La différence entre application et traitement de texte n’est pas statistiquement significative (p< 0,380). ↩︎

Références : 

  • Arseneau, R. (soumis). Pourquoi la plupart des élèves du secondaire jugent-ils plus motivant d’écrire sur des supports d’écriture numérique ? Résultats d’une étude descriptive auprès d’élèves de 1re secondaire. Les Cahiers de l’AQPF.
  • Arseneau, R. (2024, mai). Application d’écriture créative et motivation à écrire : une étude exploratoire. 91e congrès de l’Acfas. Université d’Ottawa, Ottawa, Canada.
  • Baudrit, A. (2005). Apprentissage coopératif et entraide à l’école. Revue française de pédagogie (153), 121-149. 
  • Brunel, M. et Taous, T. (2018). Réviser son texte sur écran. Repères, 57 | 2018, 57-82. https://doi.org/10.4000/reperes.1480
  • Grégoire, P. (2021). L’utilisation d’un outil numérique d’aide à la révision et à la correction à la fin du secondaire : effets sur la qualité de l’écriture. Canadian Journal of Education / Revue canadienne de l’éducation, 44(3), 788–814. doi:https://doi.org/10.53967/cje-rce.v44i3.4809
  • Lacelle, N. et Lebrun, M. (2016). La formation à l’écriture numérique : 20 recommandations pour passer du papier à l’écran. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 3. https://doi.org/10.7202/1047131ar 
  • Penloup, M.-C. (2017). Didactique de l’écriture : le déjà-là des pratiques d’écriture numérique. Le français aujourd’hui, 196, 57-70. 
  • Pikobuz (2024). Grifori. https://www.pikobuz.com/

Vous souhaitez voir d’autres exemples de contextes où le numérique agit comme élément motivateur en écriture? Consultez le numéro d’hiver 2024-2025 de la revue École branchée : Le numérique pour soutenir la motivation à lire, écrire et compter.

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