Par Martin Gagnon et Marc Tremblay
Lors de la Journée du numérique en éducation et en enseignement supérieur, Martin Gagnon, conseiller pédagogique au Service national du RÉCIT de l’inclusion et de l’adaptation scolaire, et Marc Tremblay, expert en accessibilité numérique chez Collecto, ont proposé des réponses aux différentes questions formulées au sujet de l’accessibilité en éducation.
Pendant leur conférence « Leadership inclusif : la coresponsabilité comme moteur de l’accessibilité numérique universelle », les coanimateurs ont fondé leurs réponses sur leur expérience professionnelle, ainsi que sur les normes et connaissances dans le domaine de l’accessibilité.
Qu’est-ce que l’accessibilité universelle et la diversité capacitaire?
Martin Gagnon et Marc Tremblay définissent l’accessibilité universelle comme la possibilité pour toute personne, quelles que soient ses capacités, son identité ou sa culture, de bénéficier des mêmes possibilités et d’une expérience de qualité de manière autonome. La diversité capacitaire englobe les capacités physiques, sensorielles, cognitives et émotionnelles, et chaque personne peut rencontrer des difficultés ou des incapacités dans ces domaines tout au long de sa vie.
Les coanimateurs ont présenté cette vidéo introductive sur l’accessibilité universelle qui illustre bien l’importance de l’accessibilité universelle comme un enjeu social de première importance.
Pourquoi l’accessibilité universelle en éducation?
S’intéresser à l’accessibilité universelle en éducation est d’autant plus important que tous les élèves et membres du personnel sont susceptibles d’avoir des besoins d’accessibilité à un moment ou un autre de leur vie. En 2022, selon Statistique Canada, plus de 27 % des Canadiens et des Canadiennes, soit 8 millions de personnes, présentaient au moins une incapacité qui limitait ses activités quotidiennes.
Les conférenciers ont présenté plusieurs arguments en faveur d’un engagement à long terme envers l’accessibilité universelle en éducation. Ils sont regroupés en quatre catégories :
1- La pédagogie et l’apprentissage
L’accessibilité universelle facilite le travail du personnel enseignant et améliore l’apprentissage des élèves. Elle permet à tous les élèves d’accéder à l’information, y compris ceux ayant des besoins d’accessibilité, et de se concentrer sur la compréhension sans être surchargés cognitivement.
En réduisant les obstacles à l’apprentissage, elle soutient le confort de la lecture et offre des contenus adaptés à l’âge des élèves. Cela favorise leur autonomie, leur réussite et leur inclusion sociale, leur permettant d’actualiser leur plein potentiel dans chaque sphère de leur vie.
2- La gouvernance
Une bonne gouvernance en matière d’accessibilité permet de planifier efficacement et de réduire les obstacles, améliorant ainsi la qualité des informations, des lieux et des relations. Elle facilite le respect des droits de la personne et des lois sur l’intégration scolaire, professionnelle et sociale, réduisant les risques de plaintes et de poursuites judiciaires.
De plus, elle améliore la qualité de vie du personnel et des communications avec les parents, tout en assurant une cohérence entre les valeurs de l’organisation scolaire et ses actions. Une vision systémique de l’inclusion des diversités est également promue.
3- Les finances
Investir dans l’amélioration de l’accessibilité des services permet de réduire les coûts liés aux adaptations et aux plaintes. Une meilleure vision des dépenses et des investissements nécessaires pour réduire les barrières à l’accessibilité est obtenue, ce qui contribue à une gestion financière plus efficace et efficiente.
4- L’informatique
L’accessibilité universelle en informatique réduit le besoin de soutien technique et améliore la compatibilité avec les technologies d’assistance (aides technologiques). Elle facilite le déploiement des technologies et permet de faire des choix éclairés pour répondre aux besoins d’accessibilité, tout en respectant les exigences du Standard SGQRI 0008 3.0.
Quels sont les principaux obstacles à l’accessibilité en éducation?
Les obstacles à l’accessibilité peuvent revêtir diverses formes. Certains sont ponctuels et se résolvent aisément, tandis que d’autres sont persistants et difficiles à éliminer. C’est pourquoi on parle souvent de réduction des obstacles plutôt que de leur suppression complète.
Martin Gagnon et Marc Tremblay ont identifié plusieurs obstacles à l’accessibilité en éducation. Ils les classent en trois catégories :
1- La gouvernance et les finances
Il n’y a pratiquement pas d’argent alloué à l’accessibilité universelle, ce qui entraîne une absence quasi totale de planification en la matière dans le réseau scolaire. De plus, il n’existe pas de loi spécifique au Québec régissant les pratiques d’accessibilité ou l’application du Standard SGQRI 0008 3.0.
Le travail en silo rend difficile la collaboration entre les différents services. Cela entraine de nombreuses contraintes liées à la gestion du changement de pratiques, qui est nécessaire à la réduction des obstacles à l’accessibilité.
2- Les services éducatifs
Il est nécessaire d’améliorer les compétences en création de contenu accessible afin d’appliquer correctement les différentes règles (ex. WCAG 2.2) et normes d’accessibilité. Les enseignants, les spécialistes des communications et les éditeurs doivent recevoir une formation accrue en matière d’accessibilité. Cela permettrait d’augmenter la disponibilité des ressources éducatives numériques accessibles (RENA) et de prévenir les obstacles à l’accessibilité.
L’éducation inclusive est ralentie par la confusion entre les différentes approches, en particulier entre l’adaptation et l’accessibilité universelle. L’accessibilité universelle constitue une démarche préventive face aux obstacles, tandis que l’adaptation scolaire représente une stratégie proactive pour y faire face. Il est important de comprendre que ces deux approches ne sont pas opposées, mais plutôt complémentaires, contrairement à ce que laissent croire certains discours en éducation.
3- L’infrastructure informatique
Il est essentiel de se concentrer sur l’acquisition de compétences en accessibilité chez les gestionnaires des services technologiques. Cela pourrait contribuer à la création d’une infrastructure informatique qui soit utilisable par l’ensemble des utilisateurs, tout en aidant à trouver un équilibre entre la cybersécurité et l’accessibilité des technologies de l’information et de la communication. En effet, puisque les services informatiques font souvent appel à des fournisseurs externes, des exigences trop basses en matière d’accessibilité dans les appels d’offres mènent à une infrastructure informatique peu accessible.
Quelles sont les bonnes pratiques principales qui permettent de réduire les obstacles à l’accessibilité et qui favorisent la coresponsabilité?
Il existe plusieurs bonnes pratiques. Cependant, les coanimateurs ont présenté les deux principales pratiques qui favorisent selon eux la collaboration et le partage de la responsabilité de réduire les obstacles à l’accessibilité.
1- La déclaration d’accessibilité
La déclaration d’accessibilité est principalement destinée aux utilisateurs pour les informer sur l’état de l’environnement éducatif en matière d’accessibilité. Il est nécessaire d’identifier les obstacles qui persistent malgré les efforts déployés. Cette déclaration informe également l’utilisateur sur la manière d’optimiser l’utilisation d’un site web, du matériel pédagogique, des lieux physiques ou d’autres produits et services numériques. Elle peut fournir des indications sur la meilleure façon d’assurer une interaction efficace entre le contenu et les technologies d’assistance qu’ils utilisent.
Le but essentiel d’une déclaration d’accessibilité est d’entamer un dialogue avec les utilisateurs ayant des besoins d’accessibilité. Il est important d’indiquer clairement comment communiquer avec vous pour poser des questions ou faire part de commentaires.
Voici quelques exemples de déclaration :
- Gouverneement du Québec, Québec.ca
- Centre de services scolaire des Portages-de-l’Outaouais
- Consortium Centre Jules-Léger
- Mastera, formation continue du Cégep de Jonquière
- RCAAQ
- Artexte
- SSP telecom
2- Le plan d’accessibilité
Le plan d’accessibilité a été longuement détaillé dans le numéro de la revue École branchée, Éducation inclusive – La cohabitation des diversités – Printemps 2023 (V25N3). Cette pratique est encore malheureusement très peu mise en œuvre dans le réseau scolaire. Pourtant, ce plan organisationnel est essentiel pour réduire et prévenir de nombreux obstacles à l’inclusion.
Ce plan d’accessibilité est comparable à un plan d’intervention individuel pour un élève en difficulté, mais il s’agit d’un plan organisationnel. Il vise à prévenir et à réduire en amont les obstacles à l’accessibilité.
Le comité d’accessibilité, responsable de la conception à la mise en œuvre de ce plan, doit être représentatif de la diversité capacitaire, des différents départements de l’organisation, ainsi que des utilisateurs, c’est-à-dire les élèves et le personnel éducatif.
Voici des exemples de plan d’accessibilité
- Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario
- Conseil scolaire des Aurores boréales
- Conseil scolaire Viamonde
- Conseil scolaire public Nord-Est de l’Ontario
- RCAAQ
- SSP Telecom
L’accessibilité universelle est une responsabilité partagée par tous au sein du milieu éducatif, incluant la gestion, le personnel enseignant, les professionnels, le personnel de soutien, les parents et les élèves.
Heureusement, il existe de nombreux outils et bonnes pratiques pour aider à réduire les obstacles à l’accessibilité. Tel que vu ici, la rédaction d’une déclaration d’accessibilité et la création et la mise en œuvre d’un plan d’accessibilité sont essentielles pour une plus grande cohérence, efficacité et efficience des actions dans nos milieux éducatifs. Ces démarches devraient constituer le fondement des pratiques inclusives en éducation.
En complément :
- Consulter la documentation de la conférence en PDF accessible.
- Voir ou revoir la présentation :