Tel que nous le rapportions récemment, le ministère de l’Éducation du Québec a entrepris des travaux d’actualisation du Cadre de référence de la compétence numérique (CRCN), en collaboration avec le Groupe de recherche interétablissement sur l’intégration pédagogique des technologies de l’information et de la communication (GRIIPTIC), et plusieurs acteurs de l’éducation, dont le RÉCIT.
Cette actualisation vise à tenir compte des changements survenus depuis la publication du Cadre en 2019, notamment en ce qui a trait à l’intelligence artificielle (IA). Chantal Tremblay, du GRIIPTIC, a présenté, lors du 12e Colloque international en éducation, l’état d’avancement des travaux.
Un examen rigoureux des cadres existants
La première étape du mandat a été de faire un examen de la portée de plus de 90 cadres de littératie de l’IA à travers le monde, dont 31 ont été analysés en profondeur. L’objectif? Identifier les tendances dominantes et les habiletés essentielles mises de l’avant dans ces documents.
Les chercheurs ont ainsi dégagé cinq grandes thématiques, communes aux cadres étudiés :
- les enjeux éthiques,
- les habiletés technologiques,
- la pensée critique,
- les aspects éducatifs,
- et les dimensions humaines de l’IA.
« Nous définissons la littératie en intelligence artificielle comme un ensemble de compétences qui permettent aux individus d’évaluer de manière critique les technologies d’IA, de communiquer et de collaborer efficacement avec l’IA, et d’utiliser l’IA comme un outil en ligne, à la maison et au travail. »
(Long & Magerko, 2020, p. 1)
Que manque-t-il au cadre actuel?
Certaines de ces thématiques sont présentes dans le CRCN, par exemple les habiletés technologiques en général, les réflexions éthiques ou la pensée critique. Toutefois, plusieurs éléments clés manquent à l’appel, notamment :
- la compréhension des biais algorithmiques,
- les considérations environnementales,
- la conformité aux normes et réglementations,
- la connaissance technique de l’IA (vocabulaire, types d’apprentissage, architecture, etc.),
- la capacité à collaborer avec l’IA ou à évaluer les productions générées par l’IA.
Autre constat fait par les chercheurs : « La notion d’agentivité humaine, c’est-à-dire la capacité à agir de façon autonome et critique, est absente du cadre actuel. » Selon les chercheurs, il devient nécessaire de l’y intégrer, afin d’éviter que les élèves soient simplement formés à « utiliser » des outils sans comprendre leurs implications. Il en va de même pour les adultes, croient-ils.
Des pistes concrètes d’actualisation
Lors de sa présentation au Colloque, Mme Tremblay a proposé des pistes précises pour actualiser le Cadre dans le but d’y intégrer la littératie de l’IA :
- Revoir la définition même du numérique, afin d’y inclure explicitement l’intelligence artificielle et ses déclinaisons (dont l’IA générative).
- Bonifier certaines dimensions existantes, comme celles liées à l’apprentissage ou aux habiletés technologiques, pour y intégrer l’usage de l’IA, son entraînement ou sa conception.
- Introduire de nouveaux enjeux, comme l’inclusion, la diversité, l’intégrité académique, le droit d’auteur, ou encore l’impact de l’IA sur la société.
Les chercheurs suggèrent également la création d’un continuum de développement pour structurer la progression des apprentissages liés à l’IA selon les niveaux d’enseignement, avec des énoncés adaptés par programme. Cela fait d’ailleurs l’objet d’un autre mandat en cours avec le ministère de l’Éducation.
Un cadre qui doit mieux servir les enseignants
Un point important souligné par la chercheure lors de sa présentation : « Il est essentiel de clarifier ce que l’on attend des enseignants en matière de compétence numérique. Aujourd’hui, le cadre s’adresse autant aux élèves qu’aux enseignants, mais il ne précise pas suffisamment les gestes professionnels attendus pour enseigner le numérique. »
Cette réflexion amorcée autour de la littératie de l’IA constitue une étape nécessaire en vue de l’actualisation du CRCN. Les prochaines étapes viseront à valider ces propositions auprès des milieux scolaires et de partenaires, puis à les adapter aux divers ordres d’enseignement.
L’objectif est toujours de terminer les travaux en 2025 en vue d’une publication du nouveau Cadre vers la fin de l’année.