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IA en classe : des élèves déjà conquis, des enseignants encore hésitants

Alors que l’intelligence artificielle (IA) générative occupe une place grandissante dans l’espace public, sa présence en milieu scolaire soulève encore de nombreuses interrogations. Une étude présentée par le professeur Normand Roy de l’Université de Montréal met en lumière les perceptions, les usages et le niveau de littératie des enseignants et des élèves du secondaire québécois à l’égard de cette technologie.
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Par Martine Rioux

Normand Roy a présenté ses travaux lors du dernier Colloque international en éducation organisé par le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), à Montréal.

S’appuyant sur le modèle d’acceptation technologique (Technology Acceptance Model – TAM), la recherche explore trois dimensions clés : la facilité d’utilisation, l’utilité perçue et l’intention d’usage. À ces facteurs s’ajoute un quatrième élément essentiel : la littératie de l’IA, c’est-à-dire les connaissances techniques, pédagogiques et éthiques nécessaires pour adopter ces outils de façon éclairée.

Une intégration encore timide du côté des enseignants

Les résultats de deux vagues de sondages menées en septembre 2024 et février 2025 auprès de près de 300 enseignants montrent que l’IA générative est encore peu intégrée dans leurs pratiques. Moins de 10 % déclarent utiliser une version payante des outils et une proportion équivalente affirme avoir formé leurs élèves à l’usage de l’IA. Fait préoccupant, selon le chercheur : 40 % des répondants ignorent si leur établissement possède une politique sur l’utilisation de l’IA en classe.

Pourtant, le niveau de littératie perçue des enseignants est relativement élevé sur le plan éthique, même s’il reste plus faible pour les aspects techniques et pédagogiques. Selon le chercheur, « ces constats suggèrent une prise de conscience des enjeux, mais aussi un besoin de formation ciblée afin de favoriser une intégration plus cohérente ».

Une adoption massive chez les élèves, mais sans encadrement clair

Du côté des élèves, les données sont sans équivoque : 96 % d’entre eux ont déjà utilisé ChatGPT et 88 % affirment avoir eu recours à des outils d’IA dans divers contextes. Loin de se limiter aux devoirs et à la préparation d’examens, leurs usages incluent également des activités personnelles comme discuter de leurs émotions, concevoir des plans d’entraînement, créer de l’art ou même bâtir des itinéraires de voyage.

Cette créativité de la part des jeunes témoigne de leur appropriation rapide et autodidacte de ces technologies. De leur côté, les usages scolaires demeurent encadrés de manière floue. Environ 66 % des élèves indiquent que leurs enseignants ont établi certaines règles, mais les directives sont rarement explicites sur les contextes autorisés ou les façons de déclarer l’utilisation de l’IA. Bref, si les jeunes n’apprennent pas à l’utiliser avec des adultes dans un cadre, ils le feront seuls de leur propre initiative.

Entre intérêt, méfiance et besoins en encadrement

La recherche révèle une tension entre l’intérêt pour les outils d’IA et une méfiance envers leurs usages. Du point de vue des enseignants, les préoccupations liées à la vie privée, à la qualité des réponses générées ou à la perte d’habiletés fondamentales motivent cette prudence. Chez les élèves, la perception demeure plus neutre quant aux risques éthiques.

Pour accompagner l’adoption de manière responsable, le chercheur insiste sur l’importance de développer une littératie complète – technique, pédagogique et éthique – à la fois chez les enseignants et les élèves. Il recommande également l’établissement de politiques claires à l’échelle des établissements, qui vont au-delà d’un simple « permis ou interdit » et précisent les intentions pédagogiques, les contextes d’usage et les modalités de déclaration. À ce titre, un guide comme celui récemment publié par les Bibliothèques de l’Université de Montréal, qui propose aux élèves d’indiquer s’ils ont utilisé l’IA et dans quel but, pourrait inspirer des pratiques en milieu scolaire.

Alloprof : vers des outils pédagogiques soutenus par l’IA

En parallèle, l’équipe de M. Normand collabore avec l’organisme Alloprof, qui poursuit ses réflexions sur l’intégration de l’IA dans ses services de soutien scolaire. L’équipe explore le développement de tuteurs intelligents ou d’outils de rétroaction automatisée, en s’appuyant sur trois piliers : acceptabilité éthique et légale, adoptabilité (utilité perçue et utilisabilité) et retombées éducatives. Cette approche pourrait, à terme, offrir aux élèves des outils d’IA pédagogiquement solides, validés et alignés sur les besoins du milieu scolaire.

Le chercheur rappelle que si l’IA générative ouvre de nombreuses possibilités, elle exige aussi rigueur, formation et dialogue. Pour que son intégration soit réellement bénéfique, elle doit s’appuyer sur des politiques réfléchies, une littératie partagée et une vision pédagogique claire.

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