Par Rino Levesque
L’éducation au sein des sociétés évolue rapidement, poussée par les innovations numériques et les nouvelles approches pédagogiques. Désormais, les craintes d’une désorientation de l’éducation s’accentuent en raison de l’arrivée à grand pas de l’intelligence artificielle (IA) générative (Les Affaires, mai 2025). Ce contexte met au défi les décideurs en éducation et les éducateurs pour que le meilleur équilibre soit trouvé permettant des apprentissages scolaires, éducatifs et culturels de qualité.
En parallèle, l’approche en entrepreneuriat conscient et au savoir innover associée à une culture citoyenne éthique à l’ère numérique forgent un levier puissant pour guider vers [le maintien d’] une éducation de qualité, l’amélioration de l’expérience scolaire et des apprentissages plus stimulants et gratifiants. Comme autre avantage notable, il y a l’enrichissement de la Culture du jeune lui permettant – grâce au profil de sortie développé – d’apprendre de manière dynamique à l’école dans la perspective d’une réussite plus globale (scolaire, éducative, culturelle), puis tout au long de sa vie.
Comment l’association de tels concepts interagissent-ils pour créer un environnement d’apprentissage propice au bien-être de l’élève à tous les âges ?
L’entrepreneuriat conscient : une pédagogie du sens et du bien-être
L’entrepreneuriat conscient ne se limite pas à la création de projets à portée économique; il s’inscrit dans une démarche plus large visant à éduquer et à former en vue d’une citoyenneté plus consciente, épanouie et engagée. Une culture humaine enrichie qui se voit influencer par trois piliers essentiels :
Une approche axée sur le sens et la conscience
Les enfants de la maternelle et du primaire, et les jeunes du secondaire, durant tout leur parcours scolaire, puis les jeunes adultes des centres de formation professionnelle et de l’éducation supérieure, ne sont pas seulement incité.e.s à entreprendre, mais elles.ils apprennent à s’entreprendre (entreprise de soi) et à innover plus consciemment. Par exemple, à réfléchir à l’impact de leurs actions sur la société et leurs communautés immédiates, aussi sur la nature et sur eux-mêmes.
Le développement personnel
En stimulant l’autonomie, la confiance en soi et la créativité, l’approche en entrepreneuriat conscient et au savoir innover permet à chaque apprenant.e de mieux comprendre leurs aspirations; car, elles.ils apprennent à se découvrir – à exprimer leurs talents et passions. L’interactivité avec leurs communautés – souvent au moyen de projets d’entrepreneuriat « école-communauté » associés au développement durable, à l’environnement (la nature), à un secteur de la vie socioéconomique ou à la culture – devient une sorte de centre d’entraînement au savoir innover où se multiplient les occasions permettant de faire des choix, à partir d’une analyse critique et d’outils numériques variés. Ce contexte facilite la réalisation d’apprentissages authentiques et le développement des compétences qui leur seront indispensables pour leur avenir.
Un apprentissage motivant
Plutôt que de subir leur éducation, les enfants, jeunes et jeunes adultes deviennent acteurs de leur parcours d’apprenant, ce qui favorise un engagement plus profond et davantage de satisfaction liée à l’expérience de l’apprentissage.
Prenons pour exemple un groupe d’enfants du primaire qui, guidés par leur enseignant.e, apprennent à questionner une application d’intelligence artificielle (IA) pour que leur soit proposé un exemple de projet d’entrepreneuriat conscient au service du bien commun intégrant des notions de sciences et de culture. L’exercice éducatif planifié comprend aussi l’animation d’une réflexion philosophique où la parole est donnée aux enfants. Une expérience riche de sens alors qu’elles.ils s’exercent à structurer leur pensée, leur compréhension voire à imaginer des solutions liées à un besoin communautaire pour plus d’équité et de justice.
La culture citoyenne éthique à l’ère numérique : un levier de bien-être et de conscience à l’école
L’omniprésence des technologies dans l’éducation soulève des enjeux cruciaux en matière d’éthique et de citoyenneté à l’ère du numérique (CTREQ, décembre 2023). Pour qu’émerge une culture caractérisée par un usage approprié du numérique ayant pour valeur ajoutée la contribution à des actions positives pour soi (l’apprenant), son entreprise (ex. : Forum sur l’IA et les OBNL , février 2025) et son environnement humain, le système d’éducation gagne à accompagner les transformations requises pour que prenne forme [au bénéfice de l’élève, de l’environnement éducatif et de la communauté] un modèle d’éducation efficace intégrant positivement la composante numérique.
L’équilibre consiste à en maximiser les bénéfices tout en réduisant les risques liés à la surconsommation ou à la désinformation. Une éducation et un équilibre d’ensemble afin de contribuer à du bien-être pour soi et autour de soi.
C’est l’exemple au secondaire (3e, 4e ou 5e secondaire / 9e à 12e année) d’un projet d’entrepreneuriat communautaire, entièrement initié, réalisé et géré par les jeunes, ayant pour titre « L’eau, c’est la vie! ». En présentiel et à distance, le programme créé par les jeunes avec l’appui de l’intelligence artificielle éduque sur l’importance de l’eau, sur les soins nécessaires pour qu’elle demeure potable et sur les moyens pour éviter son gaspillage. L’une des composantes du programme prévu par le groupe de jeunes « experts-éducateurs », concerne l’emploi – par la communauté en apprentissage dont certains sont des parents – d’algorithmes d’intelligence artificielle faisant découvrir de multiples situations tragiques et heureuses associées à la gestion de l’eau au Québec, au Canada et dans le monde. Un projet d’éducation à l’entrepreneuriat conscient qui cherche à engager toute la communauté autour d’innovations sociales et de l’action politique servant à protéger la denrée la plus importante au Québec, au Canada et sur Terre : l’eau… parce qu’elle est LA Vie!
Les principes d’une culture citoyenne éthique à l’ère numérique
Une consultation de l’IA a produit la formulation suivante de ce qu’est une culture éthique à l’ère numérique :
« Une culture numérique éthique se construit sur des principes fondamentaux qui guident les comportements et les choix dans l’utilisation des technologies numériques. Ces principes incluent la transparence, le consentement, la sécurité, la responsabilité et l’équité. En intégrant ces valeurs, on peut créer un espace numérique plus sain et respectueux. »
De plus en plus d’éducateurs et d’experts en éducation numérique (La Presse, 30 mai 2025), en concordance avec nos observations pour contribuer à l’entrepreneuriat conscient et au savoir innover, confirment au moins trois champs de valeurs éthiques à considérer – voir aussi : Référentiel de compétences pour les enseignants (Unesco, 2025 : p. 17 à 26), Cadre de référence de la compétence numérique en éducation et en enseignement supérieur (mise à jour, février 2024) du Québec, le Guide d’intégration de l’IA pour les écoles du Nouveau-Brunswick (2024), puis L’utilisation pédagogique, éthique et légale, de l’intelligence artificielle générative du ministère de l’Éducation du Québec (Guide pour l’enseignant – 2024-2025, p. 10 à 16).
- Utilisation responsable des technologies : Encourager un usage réfléchi et modéré des outils numériques, par exemple savoir éviter la dépendance, faire preuve de jugement face aux choix qui se présentent à soi, puis bien réagir dans le cas de situations d’intimidation et d’harcèlement.
- Respect de la vie privée et des données : Sensibiliser les élèves à la gestion de leurs données personnelles et aux enjeux de cybersécurité.
- Développement d’une pensée critique : Former les élèves à décrypter l’information et à distinguer les sources fiables des contenus manipulés.
Contribution à l’équilibre « humain – nature – économie »
Cette quatrième valeur éthique est, en éducation entrepreneuriale consciente, la plus fondamentale. Contribuer à l’équilibre « humain – nature – économie » signifie, notamment, bâtir une citoyenneté numérique éthique au service de l’entrepreneuriat conscient. Et cela afin de permettre une action éducative plus efficace au bénéfice d’une littératie financière responsable, d’un modèle économique viable et d’un développement durable pour les communautés. Ainsi, il est envisageable de parvenir à plus de justice sociale et à une prospérité plus équitable à l’intérieur des communautés voire, plus ambitieux, entre celles formant une société.
À plus grande échelle, s’il est possible que pareille éducation serve à de nombreuses sociétés-nations dont les plus puissantes du monde, rêver pour qu’un modèle de citoyenneté mondiale conscientisée (Unesco, 2011 – mise à jour février 2025) – œuvrant pour la paix, les droits humains et un bien-être communautaire étendu – se transforme en une grande vision universelle partagée… alors la « lubie » perçue à l’égard d’un tel idéal pourrait devenir une réalité. Car cette citoyenneté souhaitée va au-delà de l’appartenance à une nation, elle embrasse une conscience de l’interdépendance humaine et du partage que nous formons une communauté globale.
En intégrant ces principes à l’éducation, les écoles guident pour que leurs élèves utilisent le numérique comme un outil d’enrichissement, à la fois technique et culturel (repousser l’ignorance), qui participe à rétablir les équilibres fragilisés ou rompus dans la sphère sociétale. Apprivoiser le numérique au regard de ses avantages nécessite, en parallèle, une éducation positive et proactive agissant pour éloigner d’un emploi inapproprié de ces technologies, puis pour réduire les peurs, le stress ou l’isolement.
Le lien entre « culture citoyenne éthique à l’ère numérique » et « entrepreneuriat conscient » : … s’épanouir et s’engager davantage !
L’entrepreneuriat conscient et la culture citoyenne éthique à l’ère numérique forment un duo puissant pour créer un environnement scolaire plus épanouissant. Par exemple, en matière d’autonomie, les jeunes de chaque âge scolaire apprennent à gérer leurs projets de manière responsable tout en développant une conscience numérique éclairée grâce, en particulier, à un processus éducatif progressif et un accompagnement bienveillant. Cette force éducative « culture citoyenne éthique à l’ère numérique – entrepreneuriat conscient » favorise l’innovation grâce à l’échange d’idées et à la collaboration. Ce sont là des éléments éducatifs centraux de l’entrepreneuriat conscient.
Impact positif sur le bien-être
Les jeunes qui évoluent dans un cadre où ces deux concepts sont valorisés semblent, à la lumière de nos observations, plus heureux et plus engagés. Mais sont-elles.ils plus confiants dans leur avenir ? La question mérite recherche et débat.
Perspectives et recommandations pour une école plus heureuse
Pour intégrer voire harmoniser ces concepts à l’école, plusieurs stratégies peuvent être mises en place :
- Former les directions et les enseignants à l’entrepreneuriat conscient et aux enjeux éthiques à l’ère numérique pour qu’ils puissent guider les élèves de manière éclairée.
- Appuyer les écoles, leurs directions respectives, pour informer [ou même former] les principaux partenaires de l’école mais aussi nombre de parents (ex. : comité de parents, conseil d’établissement et autres structures parentales d’appui à l’école) à ce qu’est une synergie entre l’entrepreneuriat conscient, le savoir innover et une culture éthique à l’ère numérique. De même, il importe d’expliquer qu’elles en sont les avantages pour les apprentissages scolaires de base et leur impérativité pour une jeunesse à la fois plus agile, compétente, consciente, épanouie et engagée.
- Créer des projets interdisciplinaires mêlant innovation numérique et entrepreneuriat social, notamment par l’emploi d’une approche holistique intégrée (ex. : l’approche en entrepreneuriat conscient – réf. L’eau, c’est la vie! C’est un projet exposé ci-avant dans le présent article).
- Favoriser une approche participative où les élèves jouent un rôle actif dans l’élaboration de leur parcours éducatif. L’entrepreneuriat conscient permet que chacun.e soit « intitiateur.rice, réalisateur.rice et gestionnaire » de projets entrepreneuriaux.
Conclusion
L’éducation est bien plus qu’un simple transfert de connaissances. En adoptant l’entrepreneuriat conscient et une approche de citoyenneté éthique à l’ère du numérique, l’École – agissant avec la générosité de sa communauté éducative – peut réellement transformer l’expérience d’apprentissage et cultiver un environnement où les enfants du primaire, les jeunes du secondaire et les jeunes adultes d’un programme postsecondaire sont non seulement motivés mais aussi profondément heureux d’apprendre – clé indispensable à un engagement continu envers ses apprentissages.
Par ailleurs, surtout ne pas sous-estimer l’importance de l’interdépendance entre les parties prenantes d’un milieu-école. En effet, l’expérience du bien-être a besoin d’être suffisamment présente à la fois chez les jeunes, au sein du personnel mais aussi au niveau des leaders d’un milieu d’enseignement.
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