Par Martine Rioux
Lors de la conférence d’ouverture du colloque de l’École en réseau 2025, le professeur Martin Lépine, spécialiste de la didactique du français à l’Université de Sherbrooke, a lancé un appel à placer la culture sous toutes ses formes au cœur de l’école. Son message : la culture est une clé essentielle pour donner du sens aux apprentissages, nourrir le plaisir d’apprendre et soutenir la réussite des élèves.
Pour lui, le personnel enseignant a tout intérêt à faire goûter le plus de forme d’art et de culture possible aux élèves. D’autant plus que la compétence 1 du Référentiel de compétences de la profession enseignante est la suivante : Agir en tant que médiatrice ou médiateur d’éléments de culture. Son propos a davantage concerné l’enseignement de la lecture, étant donné qu’il s’agit de son champ d’expertise. Néanmoins, il a mentionné à de nombreuses reprises que cela s’applique à l’ensemble des disciplines scolaires.
« Plus on lit, mieux, on lit. Mieux, on lit, plus on aime lire. La culture fonctionne en cercle vertueux », a rappelé le conférencier.
Dans une approche à la fois accessible et inspirante, Martin Lépine a présenté ce qu’il qualifie de P.a.c.t.e. culturel, une proposition concrète pour favoriser un rapport vivant, personnel et collectif à la culture. Le mot P.a.c.t.e. devient ici un acronyme pour cinq leviers d’action :
- Partage et Plaisir (suggestion, recommandations)
- Accès (multiplier les accès)
- Choix (offrir des choix aux jeunes)
- Temps (6 minutes de lecture de fiction = bienfait sur le corps)
- Espace (lieu stimulant, afficher les images des auteurs, affiche de spectacle)
Pour vous inspirer, consulter cette page sur le site de l’Institut des troubles d’apprentissage.
Les cinq piliers visent à multiplier les occasions de faire goûter la culture aux élèves sous toutes ses formes — littérature, arts vivants, musique, patrimoine, etc. — tout en valorisant les liens entre les disciplines scolaires et les pratiques sociales.
Redonner du sens aux apprentissages
Selon Martin Lépine, les expériences culturelles authentiques offrent un puissant levier pour sortir de la routine scolaire et renforcer la motivation. Il invite d’ailleurs à repenser certaines pratiques pédagogiques, comme les traditionnels questionnaires de lecture, pour les rapprocher de ce que les gens font spontanément dans la vraie vie après avoir lu un livre : parler du livre, en garder une trace personnelle, le recommander, etc.
« Dans la vie, on ne répond jamais à un questionnaire après avoir terminé une lecture, donc il est nécessaire de trouver d’autres types d’activités pour témoigner des apprentissages, rappelle-t-il. Si vous voulez absolument valider la compréhension avec des questions, donnez-en cinq et demandez aux élèves de répondre à deux de leur choix. »
Loin d’écarter l’évaluation, il propose ainsi de l’humaniser : valoriser des traces significatives (et non des traces nombreuses), impliquer les élèves dans le processus, reconnaître leur posture de lecteur ou de créateur. « L’évaluation est là pour donner de la valeur aux apprentissages, pour mettre l’élève en valeur comme lecteur. Comme la lecture est une compétence invisible, il faut la rendre visible à l’écrit ou à l’oral. C’est d’autant plus important de bien choisir ce qu’on veut vraiment évaluer. »
Une posture professionnelle à cultiver
La vision de l’enseignant comme passeur culturel est au cœur du programme Passeurs culturels, un projet unique développé à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. Destiné aux étudiantes et étudiants en enseignement, du préscolaire au secondaire, en passant par l’adaptation scolaire, ce programme vise à enrichir la formation initiale en misant sur la culture comme levier de développement professionnel.
Pendant leur parcours universitaire, les futurs enseignants vivent des expériences culturelles concrètes : sorties au théâtre, activités de médiation culturelle, échanges avec des artistes, analyses critiques d’œuvres, etc. L’objectif est de leur permettre de s’approprier un bagage culturel personnel, tout en apprenant à le transmettre de façon signifiante en classe. Le tout se fait en lien avec les contenus des cours, les stages et les objectifs de formation de la profession enseignante.
Une invitation à oser
Enfin, le conférencier a souligné l’importance de se préparer à vivre une expérience culturelle en portant attention à l’espace, au temps et au corps (ETC) afin de pouvoir l’apprécier encore davantage.
Être passeurs culturels, « [c]’est l’envie de faire partager un bien, un ensemble d’œuvres humaines qui nous aident à vivre, à penser, à aimer, à trouver des réponses comme à trouver du plaisir, de vouloir transmettre ce regard sur les choses qui évite d’être passif devant les évènements du monde, qui nous fait participer davantage à la construction si difficile d’une humanité meilleure » (Zakhartchouk, 1999, p. 121).