Les effets de la pandémie sur le bien-être des jeunes
Un peu partout dans le monde, des recherches commencent à être publiées et elles sont unanimes : les mesures sanitaires, en particulier le confinement, ont eu des effets néfastes sur la santé mentale des jeunes. On note par exemple une augmentation de 25 % des symptômes dépressifs et de 20 % des symptômes anxieux dans cette population (Racine et al., 2021; Samji et al., 2022). Au Québec, des études ont révélé que l’isolement imposé avait entraîné une hausse de la solitude, de l’anxiété et une baisse de la motivation scolaire.
Les jeunes les plus vulnérables ont été particulièrement affectés, notamment ceux présentant déjà des troubles de santé mentale ou des difficultés sociales. De plus, des problèmes comme l’anorexie et l’anxiété apparaissent maintenant à des âges de plus en plus jeunes.
Néanmoins, la professeure Papi tient à souligner que certains ont réussi à bien composer avec ces bouleversements grâce au soutien familial et à des activités épanouissantes.
Un portrait alarmant des difficultés scolaires et comportementales
Plus particulièrement, l’enquête menée par Cathia Papi et son équipe, en 2023-2024, première année scolaire complète après la pandémie, révèle que 78 % des directions d’école interrogées ont observé une augmentation des difficultés sociales chez les élèves, suivies par des lacunes cognitives (75 %), affectives (72 %), psychologiques (64 %) et méthodologiques (56 %). Les augmentations sont plus significatives dans les écoles secondaires. Aucune différence n’a été observée en fonction des milieux socio-économiques.
Les principales difficultés et lacunes observées sont les suivantes :
Sur le plan social
- Manque de socialisation, difficulté à entrer en contact, augmentation de l’isolement
- Difficulté à être en groupe, à partager, etc.
- Baisse de la tolérance
- Comportements inadaptés (frapper, lancer des objets)
- Augmentation des conflits et de la violence
- Augmentation de l’impatience et de l’impulsivité
Sur le plan cognitif
- Manque de développement de la motricité globale et fine / manque de culture générale
- Difficultés à s’exprimer
- Retards dans les apprentissages (lecture, etc.)
- Déficit de développement du raisonnement mathématique
- Difficulté de concentration et mémorisation
- Augmentation des troubles de l’apprentissage
- Baisse des résultats scolaires et hausse des échecs
Sur le plan affectif
- Manque de maturité affective
- Difficulté à gérer ses émotions
- Augmentation des manifestations de colère
- Augmentation des sautes d’humeur
- Troubles de l’attachement
- Baisse de l’estime de soi et de l’amour-propre
Sur le plan psychologique
- Hausse importante de l’anxiété
- Augmentation du stress
- Perte de sens de la scolarité
- Absence de motivation, désengagement
- Augmentation des problèmes de santé mentale, des cas de dépression
- Propos suicidaires, automutilation
- Consommation (notamment vapotage et waxpen)
Sur le plan méthodologique
- Manque d’autonomie et de repères
- Difficulté à s’organiser et à planifier dans le temps et l’espace (cahier, matériel, activité)
- Manque de méthode de travail
- Travaux moins propres, écriture moins soignée
- Défi de finir une tâche avant d’en commencer une autre
- Difficulté à suivre des étapes et à respecter des délais
Des causes multiples et un personnel scolaire éprouvé
Ces problèmes trouvent leur origine dans plusieurs facteurs : manque de contacts sociaux, manque de stimulation à domicile, difficultés économiques poussant certains élèves à travailler plus de 20 heures par semaine, hausse du temps passé devant les écrans et une consommation accrue de substances comme le vapotage et le cannabis.
Face à ces défis, 97 % des établissements scolaires ayant répondu à l’enquête ont affirmé avoir mis en place des initiatives pour soutenir le bien-être des élèves. Certaines actions, comme le programme Moozoom sur la gestion des émotions, ont montré des résultats positifs en améliorant le climat de classe. D’autres initiatives incluent du soutien académique, des activités sportives et sociales, ainsi que des programmes de reconnaissance des comportements positifs.
Cependant, le personnel scolaire est mis à rude épreuve face à la situation et subit les contrecoups des effets sur les jeunes. Plusieurs directions d’école rapportent une fatigue collective, un sentiment de surcharge et une hausse du stress chez le personnel enseignant. Certains envisagent même une réorientation professionnelle ou une retraite anticipée en raison de l’augmentation des troubles de comportement chez les élèves.
Une reconstruction sur le long terme
Mme Papi estime qu’il faudra jusqu’à cinq ans pour revenir à une situation plus stable. Pour y parvenir, elle croit qu’il est essentiel de renforcer le soutien aux jeunes par une approche multidimensionnelle : favoriser l’encadrement scolaire, promouvoir des activités sportives et sociales, offrir des outils pour la gestion du stress et des émotions, et surtout, assurer un soutien aux enseignants qui font face à ces défis quotidiens.