Le lancement du chantier de l’intelligence numérique en mars 2022 au ministère de l’Éducation du Québec s’inscrit dans une volonté de moderniser l’utilisation des données en éducation. Pour Stéphane Lehoux, l’objectif est clair : passer d’une structure lourde et fragmentée – « un mammouth » – à une gestion des données plus agile et efficace – « un cheval de course ». La nécessité de cette transformation a été renforcée par un rapport de la Vérificatrice générale qui soulignait que le ministère et les centres de services scolaires (CSS) manquaient de données pour arrimer les besoins des élèves avec la répartition des ressources.
Avec une enveloppe budgétaire de 10 millions de dollars, le ministère s’est donné trois grandes priorités :
- Améliorer l’accessibilité et la qualité des données : Actuellement, il n’existe pas d’interface commune pour la gestion des données, et les CSS appliquent diverses méthodes. Une harmonisation est donc essentielle.
- Favoriser la valorisation et l’utilisation des données : Aujourd’hui, le ministère ne reçoit les données qu’à la fin du parcours scolaire des élèves (résultats des examens ministériels), ce qui limite la capacité d’intervention en temps réel. L’objectif est de pouvoir soutenir le réseau en continu.
- Renforcer la diffusion de l’information et la transparence : L’objectif est de rendre accessibles les principaux indicateurs de l’éducation à tous les acteurs concernés, y compris le grand public. D’ailleurs, depuis 2024, un Tableau de bord contenant ces indicateurs est régulièrement mis à jour et accessible à tous.
Une approche collaborative et éthique
Le sous-ministre a expliqué que l’approche adoptée repose sur une collaboration étroite entre le MEQ et les CSS. Dès le début du chantier, plusieurs CSS ont été impliqués pour assurer une prise en compte des réalités du terrain. Des initiatives pilotes qui avaient déjà été mises en place, comme l’outil de suivi des cohortes du CSS des Draveurs et l’outil de repérage des élèves à risque de décrochage du CSS du Val-des-Cerfs, ont d’ailleurs permis d’orienter les travaux.
En parallèle, le ministère a structuré un écosystème d’experts pour guider le développement de l’intelligence numérique en éducation. Le Centre d’expertise en intelligence artificielle et éducation regroupe plusieurs partenaires clés (Mila, IVADO, GRICS, CTREQ, GRIIPTIC) et vise à établir une vision commune, un cadre éthique et des formations adaptées aux besoins du réseau de l’éducation. Les communautés de pratiques en intelligence numérique (CoPin) mises en place par le ministère et auxquelles 60 CSS participent actuellement jouent également un rôle dans la mutualisation des efforts et le développement d’un langage commun.
Des résultats concrets et des perspectives pour la suite
Les premiers résultats du chantier sont déjà visibles. Par exemple, des tableaux de bord sur la diplomation ont été déployés dans plusieurs CSS au Québec afin de faciliter le suivi des taux de réussite. Un projet d’agent conversationnel est également en développement dans la région de l’Outaouais pour améliorer l’accès aux informations scolaires.
« La mutualisation des outils et des ressources permet d’obtenir des résultats concrets plus rapidement. En s’appuyant sur l’expertise des plus grands centres de services scolaires, les plus petits pourront combler une partie de la fracture numérique. L’objectif est de garantir que tous les élèves, peu importe leur milieu, aient accès aux mêmes outils et aux mêmes chances », a fait valoir M. Lehoux.
En ce sens, le Projet de loi 23, adopté en décembre 2023, constitue un levier majeur pour la mobilité et la valorisation des données entre les CSS et le ministère. Il permet notamment la mise en place d’un système centralisé de dépôt et d’analyse des informations (voir notre autre article au sujet du Système de dépôt et de communication de renseignements), facilitant ainsi la transmission des données et une meilleure compréhension des dynamiques du réseau scolaire.
Toutefois, des défis persistent, particulièrement en ce qui concerne l’harmonisation des données. « Oui, les données peuvent circuler, mais encore faut-il pouvoir les mettre en commun. À titre d’exemple, la codification des absences scolaires varie énormément d’un CSS à l’autre, compliquant ainsi l’analyse globale. C’est pourquoi nous devons travailler sur une thématique de données à la fois et cela demande du temps », a indiqué le sous-ministre. « Pour l’instant, on est un poney, on n’est pas encore un cheval de course! »
Une transformation à long terme
À terme, le ministère vise à développer une stratégie intégrée et évolutive pour assurer une transition efficace vers une gestion optimisée des données en éducation. Les prochaines étapes incluent le développement d’outils pour le suivi des élèves à risque, l’intégration de nouvelles thématiques de données (main-d’œuvre, immigration, formation professionnelle) et un arrimage avec l’enseignement supérieur.
En fin de compte, cette transformation repose sur trois piliers : les besoins technologiques, la culture des données et une gouvernance collaborative. Comme l’a souligné Stéphane Lehoux, « pour favoriser la réussite éducative, nous avons besoin de pratiques de collaboration performantes. Je suis confiant que nous pouvons y arriver. »
Le 19 mars 2025, le Centre des congrès de Québec a accueilli la première édition du colloque Performance et valorisation des données en éducation, organisé par Le Point en Santé | Éducation et ses partenaires. Cet événement, axé sur les défis et les opportunités liés à l’exploitation des données en éducation, visait à partager des pratiques exemplaires et des usages innovants. Gestionnaires et professionnels ont échangé sur des solutions concrètes pour optimiser la prise de décision et favoriser la réussite des élèves.