Par Cédric Vanhoolandt et Charlotte Dejaegher
Faculté des Sciences de l’éducation et de la formation
Université de Namur, Namur, Belgique
Depuis plusieurs années, les scientifiques alertent sur les dangers du changement climatique, notamment à travers les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Hausse des températures, multiplication des catastrophes naturelles, perturbations écologiques : ces phénomènes concernent toute l’humanité. À cela s’ajoute un enjeu de taille : rencontrer les Objectifs de Développement Durable (ODD) définis par l’UNESCO, qui visent un équilibre entre prospérité économique, justice sociale et respect de l’environnement à l’horizon 2030.
L’éducation est au cœur de cette transition. Des voix s’élèvent exhortant les acteurs de l’éducation à s’engager pour bâtir un futur éthique, résilient et respectueux du Vivant, en collaborant avec la jeunesse et en adoptant les solutions disponibles dès maintenant1. L’école, en formant les citoyens de demain, peut transformer les mentalités et préparer les générations futures à relever les défis environnementaux.
Le rôle central de l’école
L’un des rôles fondamentaux de l’école est de former des individus capables de comprendre et de résoudre les problèmes complexes de la société. Aujourd’hui, cela inclut les enjeux liés à la crise climatique et à la transition écologique. Ce rôle est d’autant plus important que les jeunes sont plus susceptibles d’agir pour l’environnement si leurs enseignants leur transmettent de l’espoir, des solutions concrètes et une vision d’avenir positive2.
Cependant, intégrer les questions environnementales dans les programmes scolaires demande des changements structurels dans le système éducatif. Ces changements reposent sur trois axes principaux :
- Adapter les contenus pédagogiques, en introduisant notammeent des thématiques liées à l’écologie et au développement durable dans les programmes.
- Encourager l’interdisciplinarité, c’est-à-dire une approche où différentes disciplines collaborent et s’enrichissent mutuellement. C’est particulièrement utile pour les problématiques complexes et qui nécessitent une approche intégrant plusieurs disciplines.
Par exemple, comprendre le réchauffement climatique nécessite des notions de physique (effet de serre), d’économie (modèles de consommation) et de politique (accords internationaux). En croisant ces disciplines, les enseignants peuvent offrir une vision globale et montrer les liens entre les différents aspects du problème.
- Repenser la formation des personnels enseignants afin de mieux les outiller pour qu’ils puissent aborder ces enjeux de manière engageante et constructive.
Un virage éducatif en Belgique
En Belgique francophone, une réforme majeure de la formation initiale des enseignants (FIE) a été mise en place par la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB)3. Lancée progressivement depuis 2020, et s’appuyant sur l’expertise conjointe des Universités et des Hautes Écoles pédagogiques, elle a pour but de moderniser l’éducation et de répondre aux défis actuels auxquels les personnels enseignants sont confrontés.
Concrètement, la réforme a allongé la durée des études pour devenir enseignant, passant de trois à quatre ans. Ce changement, qui vise l’adoption d’une formation professionnalisante de niveau 7 selon le cadre européen des certifications, permet dès lors d’approfondir les connaissances disciplinaires, de renforcer la formation pratique, d’initier à la recherche et de mieux accompagner les jeunes enseignants.
Enseigner le développement durable : un exemple concret
Dans le cadre d’un partenariat de codiplomation, l’Université de Namur (UNamur) et la Haute École Namur Liège Luxembourg (Henallux), proposent ensemble des programmes de maitrise en enseignement. Depuis 2024, ces programmes incluent un cours intitulé « Enseigner en interdisciplinarité : l’exemple du développement durable » destiné à tous les étudiants en deuxième année de bachelier en enseignement. Ce choix reflète l’importance croissante de l’éducation au développement durable (EDD) dans l’éducation formelle.
Ce cours vise à préparer les enseignants à aborder les enjeux environnementaux avec leurs élèves de manière transversale et concrète. Trois grands objectifs sont définis :
- S’approprier des méthodes interdisciplinaires : Croiser les approches de plusieurs matières pour traiter le développement durable.
- Explorer les concepts clés : Clarifier les notions fondamentales du développement durable pour mieux les enseigner.
- Éduquer à la transition écologique : Former les élèves à réfléchir et agir face aux défis environnementaux.
Le cours sera l’occasion pour les étudiants de rencontrer différents acteurs du monde associatif et de découvrir ainsi toute une série de dispositifs et d’outils permettant d’être les acteurs de demain de l’éducation au développement durable, lorsqu’ils seront face à leurs élèves.
Vers une école plus engagée pour l’avenir
Le dispositif pédagogique imaginé est un exemple qui se veut engageant. En mettant l’accent sur l’interdisciplinarité et sur des approches pédagogiques participatives, il vise à préparer les enseignants à devenir des acteurs clés de la transition écologique. Par là, l’objectif est que ces derniers puissent eux-mêmes jouer un rôle crucial en sensibilisant leurs élèves aux enjeux environnementaux, mais aussi en les encourageant à agir de manière concrète.
L’introduction de cours axés sur le développement durable s’inscrit dans la formation de futurs professionnels de différents secteurs d’activités. Plusieurs initiatives émergent à travers le monde, portées par une volonté croissante de préparer les jeunes générations aux défis de demain. Mais pour que ces efforts soient efficaces, ils doivent reposer sur des enseignants conscientisés et convaincus de l’importance de leur rôle.
Pour soutenir cette démarche, et avec le soutien de l’Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur (ARES), une Chaire de recherche en éducation au développement durable dans l’enseignement supérieur a été mise en place à l’Université de Namur : c’est le projet « AGIR dans l’enseignement supérieur namurois ». Plusieurs autres dispositifs pilotes s’inscrivent également dans ce projet plus large, qui vise à développer un enseignement interdisciplinaire sur le développement durable qui puisse être transposable dans plusieurs programmes d’enseignement supérieur. Basé sur les principes de la recherche-action, ce projet sera mené entre février 2025 et février 2027. Différentes actions de diffusion et de communication sont prévues : n’hésitez pas à vous tenir informé(e)s.
Perspectives et défis à venir
Cependant, intégrer pleinement le développement durable dans les écoles reste un défi. Cela nécessite :
- Un soutien institutionnel : Les gouvernements et les autorités éducatives doivent prioriser ces enjeux dans leurs politiques.
- Des ressources adaptées : Fournir aux enseignants des outils pédagogiques et des formations continues.
- Une collaboration renforcée : Encourager les partenariats entre écoles, universités et autres acteurs de la société civile.
Enfin, l’évaluation des premiers résultats de ce dispositif pédagogique permettra d’affiner les méthodes et de partager les bonnes pratiques avec d’autres établissements. Cette expérimentation pourrait servir de modèle pour d’autres pays cherchant à intégrer l’éducation au développement durable dans leurs systèmes scolaires.
Face à l’urgence climatique, l’éducation se trouve à un tournant. En formant des citoyens éclairés et engagés, l’école peut jouer un rôle déterminant dans la construction d’un avenir durable. Les initiatives belges, comme l’introduction du cours « Enseigner en interdisciplinarité le développement durable » ou le projet « AGIR dans l’enseignement supérieur namurois » proposent une avenue. Si ces efforts se poursuivent et s’intensifient, ils pourraient transformer significativement le système éducatif et contribuer à une transition écologique réussie.
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- Charte pour un enseignement à la hauteur de l’urgence écologique, https://charteenseignantsecologie.be, consulté le 7 janvier 2024.
↩︎ - Barthes, A., & Lange, J.M. (2024). L’éducation au développement durable : entre internationalisation et effets locaux. Introduction. Revue internationale d’éducation de Sèvres, 95, 51-59. ↩︎
- Décret du 07/02/2019 définissant la formation initiale des enseignants. ↩︎