Alors que les questionnements sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) en éducation se font nombreux, des exemples mobilisant les nouvelles possibilités de cet outil dans un cadre pédagogiquement contrôlé commencent à émerger. Bien que l’utilisation de l’IA générative avec les élèves ne soit pas encore permise au Québec, aucune balise ne l’interdit dans d’autres provinces ou d’autres pays, comme c’est le cas pour ce projet.
Nous avons discuté avec Charles Bucher, enseignant au secondaire à l’école Henri Rikir de Milmort en Belgique, un établissement d’enseignement spécialisé. « Les élèves de mon école rencontrent des difficultés scolaires dans l’enseignement ordinaire ou présentent un handicap (physique ou intellectuel, temporaire ou permanent) nécessitant un environnement adapté », nous explique-t-il. « C’est à l’occasion des stages effectués lors de mon régendat en sciences humaines que j’ai eu l’envie de travailler dans ce secteur particulier de l’enseignement. » (Ndlr : le régendat était avant 2004 un diplôme acquis en 3 années d’études postsecondaires non universitaires en Belgique, qui permettait d’enseigner.)
En effet, après quelques années passées dans l’enseignement dit « traditionnel », il n’est pas parvenu à s’épanouir pleinement en tant que professeur de géographie et d’histoire. C’est pourquoi il s’est plutôt intéressé à la citoyenneté et à la philosophie. « J’apprécie parler de thèmes comme l’histoire alternative, les contes et légendes, les nouvelles technologies ou encore aborder des philosophes célèbres de façon ludique. »
Halloween et l’IA pour capter l’attention des élèves
Récemment, il a réalisé avec ses élèves un projet sur le thème de l’Halloween. « Mon projet consistait, en une période de 50 minutes, à effectuer un travail sur Halloween qui mélangeait apprentissage théorique et pratique. D’expérience, je sais que les élèves du spécialisé n’ont pas la même capacité d’attention qu’un élève de l’enseignement traditionnel. C’est pourquoi j’aime sortir du cadre des feuilles et exercices! »
Il lui a donc semblé judicieux de mettre à contribution l’intelligence artificielle pour l’épauler dans cet exercice. Pour ce faire, ses élèves ont d’abord été incités à surmonter leur peur du micro pour lire les quelques lignes de la légende de Jack O’Lantern. Par la suite, ils ont composé des requêtes (ou « prompts »), c’est-à-dire des phrases explicatives, afin d’aiguiller l’IA pour qu’elle produise un support visuel pour accompagner leur propos.
Voici une vidéo présentant le projet :
Quelle valeur ajoutée à l’usage de l’IA dans ce contexte?
Charles Bucher estime que l’intelligence artificielle dans une classe peut apporter beaucoup de choses. « Aujourd’hui, de façon gratuite et très simple, un élève peut créer une vidéo, une musique ou un dialogue grâce à l’intelligence artificielle. Je trouve que c’est une excellente démarche qui permet de stimuler l’imagination des jeunes ainsi que de faire travailler leur logique. » En effet, pour obtenir la vidéo qu’ils souhaitaient pour leur projet, ils ont dû organiser leur pensée de manière à la rendre précise et suffisamment détaillée pour que l’IA puisse la retranscrire et générer une vidéo à la hauteur de ce qu’ils imaginaient.
Selon l’enseignant, cette méthode d’apprentissage ludique permet à l’élève de recevoir un retour d’information immédiat sur sa méthode de travail. Il peut ainsi rapidement remettre en question son travail et l’ajuster pour obtenir un résultat qui correspond mieux à sa pensée.
« Dans mon cours, les élèves savent qu’on travaille toujours avec des objets qu’on n’a pas l’habitude de voir dans une classe. Il m’arrive souvent d’utiliser un micro pour réaliser un podcast, une console pour travailler avec Minecraft ou encore d’apporter mon imprimante 3D. Ils apprécient sortir des sentiers battus et essayer de nouvelles choses. L’intelligence artificielle est quelque chose qu’ils connaissent, mais qu’ils n’avaient pas encore expérimenté de façon créative. »
Les collègues de Charles Bucher savent qu’il aime bien expérimenter de nouvelles choses avec ses élèves à l’aide de différents outils numériques. « Je pense d’ailleurs avoir gagné le titre de geek l’an dernier en créant des images de figurines style “Funko Pop” pour certains collègues, toujours via l’intelligence artificielle. »
Des suggestions d’outils IA
Pour son projet d’Halloween, Charles Bucher a choisi l’application Hailuo IA. « C’est un outil que l’on peut utiliser gratuitement sans avoir besoin de prendre un abonnement. » Il faut noter que depuis la réalisation du projet, l’application en question, Hailuo, a quitté la phase bêta et fonctionne maintenant avec des crédits. Pour la portion sonore, la classe a travaillé avec Suno, choisie pour son interface simple et intuitive.
Pour ses autres projets personnels, l’enseignant apprécie l’utilisation de Copilot de Microsoft, Chat GPT, Lumalabs.ai (pour la génération de vidéos) ou encore Weights.gg (pour transformer sa voix en celle de sa star ou de son héros préféré, et plus).