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Une autoformation numérique pour enseigner la syntaxe et la ponctuation : le numérique au service du développement professionnel

Il est difficile d’enseigner la syntaxe et la ponctuation pour bon nombre d’enseignants et d’enseignantes. Face à un besoin bien identifié, une autoformation numérique sera bientôt disponible dans le catalogue du CADRE21. Retour sur le processus qui a conduit à l’élaboration de cette formation unique.
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Par Marie-Hélène Giguère, UQAM

D’années en années, les résultats aux épreuves ministérielles montrent que les élèves éprouvent des difficultés à construire et à ponctuer des phrases en situation d’écriture (Boivin et Pinsonneault, 2018). 

Il est possible d’attribuer une part de ces faibles résultats à la description de la langue elle-même : en effet, les critères linguistiques pour définir ce qu’est une phrase sont multiples et la transposition didactique qui en découle rend la description de la phrase floue (Béguelin, 2000; Dufour et Chartrand, 2014; Paolacci et Rossi-Gensane, 2012). Les enseignant·es se disent d’ailleurs peu à l’aise avec la notion de phrase, principalement les personnes qui ont une formation initiale de généraliste comme les enseignant(e)s du primaire (Nadeau, Quevillon Lacasse, Giguère, Arseneau et Fisher, 2020). Cela est d’autant plus vrai pour les personnes non-détentrices de brevet. 

Une autre cause possible expliquant ces résultats décevants concerne les modalités d’enseignement de ce qu’est une phrase : des études tendent à démontrer que les activités cloisonnent les exercices et l’écriture, rendant le transfert ardu pour les élèves (Dolz et Schneuwly, 2009; Lord, 2012).

Une séquence didactique qui a de l’effet

Entre 2016 et 2020, une équipe de didacticiennes s’est donc donné l’objectif de créer une séquence didactique pour l’enseignement de la syntaxe et de la ponctuation (S-P) rapprochant exercices et écriture. Une première année a servi à coélaborer cette séquence en testant diverses activités en classe et en les ajustant en fonction des commentaires des enseignants participant au projet. Une deuxième année a permis de valider cette séquence dans 17 classes du 3e cycle du primaire et du 1er cycle du secondaire, en comparaison avec dix classes contrôle. 

Cette séquence didactique a été construite à partir des mêmes cadres de référence des dictées interactives et métacognitives : des activités permettant des interactions et l’étayage de l’enseignant, soutenues par un métalangage partagé et par l’utilisation systématique des manipulations syntaxiques (Cogis, Brissaud, Fisher et Nadeau, 2016).

Des résultats statistiquement significatifs indiquent que réaliser une vingtaine d’activités dans une année améliore les textes des élèves, tant descriptifs que narratifs (Nadeau et al., 2020).

Apprendre à maitriser la séquence : un énorme défi

Ces résultats sont encourageants et la séquence didactique mérite qu’on la diffuse. Or, pour arriver à de tels résultats, les enseignantes et enseignants ont été accompagnés à de nombreuses reprises dans leur classe durant plus d’une année. 

Ceci fait émerger deux enjeux de diffusion et de développement professionnel : comment former les enseignant·es aux notions linguistiques sous-jacentes à la séquence didactique et comment les soutenir dans le développement des gestes didactiques permettant un transfert optimal en situation d’écriture? Autrement dit, deux objets font partie d’une éventuelle formation : le contenu (les notions de syntaxe) et la manière (la séquence et les gestes didactiques). 

Dans son format actuel, le développement professionnel du personnel enseignant repose essentiellement sur des formations offertes par des conseillers et conseillères pédagogiques (CP). Or, quelques demi-journées, voir journées pédagogiques de formation, permettent tout au plus de prendre connaissance d’un nouveau contenu professionnel (ici, de la séquence didactique), mais très peu d’en saisir les subtilités. 

De plus, nous sommes d’avis que les gestes didactiques s’apprennent par l’expérience en classe (Hiebert et al., 2007). Comment est-il alors possible de s’autoréguler et de confirmer que les pratiques expérimentées correspondent aux savoirs et aux pratiques ayant démontré des effets? 

Une autoformation numérique pour soutenir le développement professionnel

C’est ainsi qu’est née l’idée de coélaborer une autoformation numérique pour l’enseignement de la S-P au primaire et au secondaire. En association avec l’organisme à but non lucratif CADRE21 et avec huit enseignantes et enseignants, l’équipe de recherche s’est empressée de réfléchir à une autoformation numérique, conçue de manière asynchrone, pour permettre au personnel enseignant de connaitre et de maitriser suffisamment les activités de la séquence didactique pour en tenter la mise en œuvre auprès de leurs élèves. 

Plusieurs enjeux ont mobilisé l’équipe : d’abord, comment expliquer clairement les notions syntaxiques mobilisées dans la séquence et contribuant à son efficacité? En plus de rédiger de courts textes explicatifs, des exercices à choix multiples ont été conçus afin de soutenir et de valider cet apprentissage grammatical possiblement nouveau pour les enseignant(e)s. 

Ensuite, comment montrer les différentes activités telles que l’équipe les a formalisées dans la séquence? Les étapes des trois dispositifs (Qu’est-ce qu’une phrase?, ponctuation négociée et combinaison de phrases) ont été décrites et illustrées par des exemples sur vidéo.  

Enfin, comment initier à la maitrise des gestes didactiques essentiels à l’apprentissage et au transfert chez les élèves? Encore une fois, des exemples sur vidéo illustrent ces gestes tels qu’observés par l’équipe de recherche dans les classes des enseignants participants et des questionnaires ont été élaborés pour amener ces derniers à réfléchir sur l’impact des gestes didactiques sur l’apprentissage des élèves.

Évidemment, tout le matériel nécessaire à la mise en œuvre de la séquence didactique en classe est fourni dans l’autoformation : pour les enseignants, la disponibilité de ces outils prêts à l’emploi pour la classe favorise l’expérimentation plus rapidement, offrant un cadre rassurant pour effectuer ses premiers pas (Giguère et al., 2020).

Des enseignant·es désirant mieux enseigner la S-P dans leur classe pourraient donc en faire la demande à leur direction ou à leur CP. Au lieu d’assister à une formation, ils et elles pourraient être dirigés vers l’autoformation et apprendre la séquence didactique de manière autonome en alternance entre les différentes étapes de l’autoformation et l’expérimentation en classe. 

Le temps que le ou la CP aurait accordé en journée pédagogique pourrait donc être offert comme accompagnement en classe au moment où l’enseignant(e) se lance. Cette présence peut rassurer sur la compréhension des notions syntaxiques, mais aussi sur le déroulement des activités et sur la maitrise des gestes didactiques soutenant la séquence. 

Aussi, la rétroaction qui suit l’accompagnement, sous forme d’échange, induit une pratique réflexive à propos de l’effet de ses gestes professionnels sur les apprentissages des élèves. 

Enfin, l’accompagnement permet d’actualiser concrètement les activités proposées par la séquence : lorsqu’on reçoit un ou une invité(e), on s’y prépare! Ainsi, en osant expérimenter tout en étant soutenues pour le faire, les enseignantes pourraient développer des pratiques efficaces qui se maintiennent dans le temps, pour le bénéfice de la compétence à écrire des élèves.

L’autoformation numérique pour enseigner la S-P sera disponible gratuitement sur le site de CADRE21 dès la fin de l’année 2024, après une étape de validation auprès de personnes expertes et d’utilisateurs potentiels. En misant sur le numérique au service du développement professionnel, l’équipe fait le pari que les enseignants sont des professionnels qui peuvent apprendre des savoirs linguistiques et didactiques en ligne et de manière autonome et qui peuvent se réguler grâce à un accompagnement professionnel individualisé.

Références

  • Béguelin, M.-J. (2000). De la phrase aux énoncés : grammaire scolaire et descriptions linguistiques. De Boeck Duculot.
  • Boivin, M.-C. et Pinsonneault, R. (2018). Les erreurs de syntaxe, d’orthographe grammaticale et d’orthographe lexicale des élèves québécois en contexte de production écrite, Revue canadienne de linguistique appliquée, 21(1), 43- 70. 
  • Cogis, D., Brissaud, C., Fisher, C., Nadeau, M. (2016). L’enseignement de l’orthographe grammaticale (pp. 123-145). Dans Chartrand, S.-G. (dir.) Mieux enseigner la grammaire. ERPI Éducation. 
  • Dolz, J. et Schneuwly, B. (2009). Des objets enseignés en classe de français : le travail de l’enseignant sur la rédaction de textes argumentatifs et sur la subordonnée relative. Presses universitaires de Rennes. doi : 10.3406/reper.1997.2209 
  • Dufour, M.-P. et Chartrand, S. G. (2014). Enseigner le système de la ponctuation. Le français aujourd’hui, 4(187), 91-99.
  • Giguère, M.-H., Nadeau, M., Fisher, C., Arseneau, R., Quevillon Lacasse, C. (2020). L’accompagnement professionnel pour développer des dispositifs didactiques innovants en syntaxe et en ponctuation : regards de conseillères pédagogiques. Revue de didactique des langues et cultures. 17(1).
  • Guillemette, S. Vachon, I., Guertin, D. (2019). Référentiel de l’agir compétent en conseillance pédagogique en soutien à la réussite des élèves. JFD. 
  • Hiebert, J., Morris, A., Berk, D., et Jansen, A. (2007). Preparing Teachers to Learn from Teaching. Journal of Teacher Education, 58.
  • Lord, M.-A. (2012). L’enseignement grammatical au secondaire québécois : pratiques et représentations d’enseignants de français. Thèse de doctorat, Université́ Laval. http://theses.ulaval.ca/archimede/meta/29020
  • Nadeau, M., Giguère, M.-H. et Fisher, C. (2020). Expérimentation de dispositifs didactiques en syntaxe et en ponctuation « à la manière » des dictées métacognitives et interactives, au 3e cycle primaire et 1er cycle secondaire et effet sur la compétence en écriture. Rapport de recherche. FRQSC, Québec.
  • Paolacci, V. et Rossi-Gensane. N. (2012). Quelles images de la phrase dans les écrits d’élèves de fin d’école primaire française ? Description linguistique et réponses didactiques aux difficultés des élèves. Congrès Mondial de Linguistique Française, Juillet 2012, Lyon, France. 341-359. ⟨hal-00983857⟩
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