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L’arrivée des technologies d’aide n’est pas sans impact pour les enseignants. L’intégration des outils technologiques pour répondre aux besoins des élèves en difficulté demande du temps. Cette différenciation pédagogique confronte non seulement la façon d’enseigner, mais aussi les compétences technologiques des enseignants.
Enseigner avec des outils d’aide technologique implique de revoir son enseignement. « Les façons de faire se développent avec le temps, indique Richard Ayotte, conseiller pédagogique en intégration des TIC. L’enseignant doit d’abord revoir ses règles de base en gestion de classe. Le simple fait de demander à l’élève de fermer le couvert de son ordinateur au moment des consignes devient nécessaire. »
Intégrer les outils d’aide demande une certaine ouverture. « On apprend à raffiner notre processus, explique Isabelle Goyette, enseignante de première secondaire à la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord pour qui les élèves utilisant des aides technologiques sont plus nombreux depuis 2012. J’étais curieuse quand mes élèves rédigeaient. J’allais derrière eux pour apprendre comment ils fonctionnaient et les observer travailler différemment. Cela m’amène à remettre en question mes façons de faire et à m’adapter. Moi, je fais des belles flèches sur mon tableau, mais eux? »
Vintages, les dictées?
Il importe également d’ajuster certaines tâches parce qu’elles sont devenues peu significatives. Un exemple? Une activité aussi banale que de chercher le mot « camion » dans le dictionnaire mériterait d’être repensée. En effet, même s’il venait à l’idée de l’élève dyslexique de commencer ce mot par un K, cette tâche devient un jeu d’enfant avec les outils d’aide à l’écriture. Adapter de telles activités pour faire véritablement appel à ses compétences en écriture – plutôt qu’à ses compétences à utiliser son outil – cela se fait, mais ça heurte les valeurs. « S’il a son dictionnaire électronique, il conjugue mieux que moi. Et s’il ne l’a pas, il est incapable de répondre! », caricature Richard Ayotte en se remémorant les propos tenus par un enseignant.
Changer ses pratiques pédagogiques pour intégrer les technologies d’aide appelle à la créativité, mais aussi à la modification de certaines habitudes bien ancrées. « Continuer à donner des points pour des tests de vocabulaire devient inutile. Continuer à donner une note pour les conjugaisons de verbe perd de sa pertinence. Pourquoi ne pas évaluer les élèves en situation d’apprentissage plus complexe, une situation d’écriture par exemple, pour faire véritablement appel à ses compétences? », questionne le conseiller pédagogique.
Compétences technologiques 101
En plus de planifier sa façon d’enseigner, le pédagogue doit maintenant composer au jour le jour avec la technologie. Dans plusieurs écoles, le tableau vert a été remplacé par un tableau numérique interactif. La plupart des manuels scolaires sont dorénavant fournis en version papier et numérique sans compter que les tablettes font une entrée remarquée dans de plus en plus nombreuses salles de classe.
L’arrivée des technologies d’aide s’ajoute à ce panorama technologique. Il faut intégrer la gestion de ces appareils au quotidien. « Pour ma part, je n’ai jamais eu peur des ordinateurs, confie Isabelle Goyette. Le réflexe d’anticiper les moments où les élèves pourront utiliser leur portable ou leur tablette me semble plus facile que pour certains collègues qui sont moins à l’aise avec la technologie ».
Nombreuses sont les commissions scolaires qui offrent des formations aux enseignants pour les familiariser avec les technologies d’aide utilisées par les élèves. « Je constate que les enseignants se sentent engagés à donner de bons services d’aide aux élèves en classe, perçoit Maude Lymburner, orthopédagogue à la Commission scolaire des Affluents. Mais plusieurs sentent qu’ils n’ont pas les compétences pour aider les élèves à utiliser leur appareil. Tous ont été formés en début d’année, mais seuls les plus technos ont réinvesti ».
Faciles, ces logiciels?
Il existe une panoplie de logiciels spécialisés pour les élèves ayant des besoins particuliers présentant des fonctions des plus simples aux plus complexes. Il importe de les connaitre afin de guider les élèves pour optimiser leur utilisation dans divers contextes. « Ce n’est pas tout de connaitre les fonctions, poursuit l’orthopédagogue. Il faut savoir à quoi elles servent et dans quel contexte les utiliser. »
Une formation de base permet de donner de l’assurance aux enseignants dans ce monde qu’ils connaissent encore bien peu. « J’ai trouvé très stimulant d’apprendre le fonctionnement de quelques logiciels et d’être sensibilisée aux troubles d’apprentissage, explique madame Goyette qui a fait partie d’un comité d’agents multiplicateurs en aides technologiques l’an dernier. Ça m’a ouvert les yeux. Maintenant, j’en suis à demander à ma direction des formations plus poussées pour venir en aide à mes élèves. J’ai de la bonne volonté, mais je ne suis pas une Madame Antidote. Exploiter toutes les fonctions, ça serait tellement payant pour eux! »
SOMMAIRE DU DOSSIER :
Introduction
1. Connaître enfin le succès grâce à la technologie
2. Des TIC pour aider les élèves ayant des troubles d’apprentissage : une injustice pour les autres?
3. Technologies d’aide aux troubles d’apprentissage : le défi technopédagogique des enseignants
4. Numériser son matériel traditionnel : guide de survie
5. Déploiement d’aides technologiques : des changements à prévoir dans la classe
6. Technologies d’aide et évaluation ministérielle
Conclusion